Quand je regarde l'écran, l'écran me regarde.
Synopsis : Dans un futur proche, les femmes ont disparu. Le monde de Todd Hewitt n’est habité que par des hommes, et tous sont soumis au Bruit, une mystérieuse force qui révèle leurs pensées et permet à chacun de connaître celles des autres. Lorsqu’une jeune femme, Viola, atterrit en catastrophe sur cette planète, elle s’y retrouve en grand danger… Todd jure de la protéger, mais pour réussir, il va devoir révéler sa force intérieure et percer les sombres secrets qui étouffent son monde…
On peut dire, sans mauvais jeu de mots, que Chaos Walking n’était pas vraiment né sous une bonne étoile ; disons que les auspices ne lui ont guère été favorables, et que divers signes se sont manifestés à nous pour annoncer sinon un désastre, du moins une production… chaotique. Heureusement, d’autres éléments laissaient entendre que l’on pourrait assister à une excellente surprise.
D’abord, l’adaptation d’un roman de science-fiction n’est jamais aisée et aboutit parfois à des catastrophes proportionnelles à l’attente engendrée – qui peuvent toutefois se muer en film-culte, adoré par un cercle constant de fans convaincus. Ensuite, apprendre que Zemeckis, qui devait se charger de la réalisation, avait finalement passé la main n’était pas de bon augure – néanmoins, il demeurait tout de même investi dans la production, ce qui pourrait rassurer les incrédules. Raté pour ce qui aurait pu être un moment de virtuosité, donc, mais Doug Liman est tout à fait capable de construire un divertissement efficace et jubilatoire (Edge of tomorrow, la Mémoire dans la peau ou encore Mr & Mrs Smith).
Enfin, savoir que la dite production a imposé de retourner certaines scènes en 2019 peut achever de nous inquiéter. Cependant, la présence au générique de Mads Mikkelsen (la Chasse) ne peut qu’être gage de succès. Quoique…
En regardant le casting, on est surpris par la surabondance de noms évocateurs. Du script de Patrick Ness (A monster calls) à la musique de Marco Beltrami (Hellboy, Logan, Snowpiercer), on navigue en terrain connu et on s’attend à des prouesses. D’autant que Tom Holland et Daisy Ridley, on peut difficilement mieux en jeunes comédiens aussi sympathiques que bankables.
Le début semble donner raison à nos espérances : par le biais de Todd, revenant de la forêt (les extérieurs ont été filmés au Québec) et regagnant le village dont il est le benjamin, on découvre ce monde sans femme dans une ambiance typiquement post-apocalyptique (on comprend très vite qu’on est dans un futur où la technologie a quasiment disparu). Mais avant même de comprendre combien la communauté de Prentisstown est menacée (voire condamnée, vouée à l’extinction car sans possibilité de se reproduire), on est initié au Bruit. Cette espèce de nuage mauve et mouvant entourant le crâne de Todd, synchronisé sur ses pensées, intrigue d’abord : on pense a priori à un effet raté, puis on finit par admettre le quotidien de ces hommes forcés à une maîtrise constante de leurs émotions et de leur mental, car la moindre de leurs idées s’étale sinon au grand jour, en une cacophonie permanente doublée parfois d’images fugaces. Face à l’agacement de Todd et l’amusement de ses aînés, on finit par se familiariser avec cette culture étrange qui s’est créée de nouveaux codes de conduite. De fait, le Bruit est fascinant par ses implications tant sociales que psychologiques, sorte de malédiction latente qu’on doit apprendre à contrôler pour quérir un tant soit peu d’intimité – mais qui peut également être manipulée, comme seul semble en être capable Prentiss, le maire implacable de la petite ville, autocrate charismatique dont la bienveillance à l’égard du jeune Todd semble cacher quelques intentions inavouables.
Le décor planté, nous voici déjà face à l’inattendu : une jeune femme, surprise en train de dérober quelques vivres par un Todd complètement ahuri, lui à qui on a martelé la tragique disparition des représentatntes de l'autre sexe, enlevées et assassinées par les créatures peuplant cette planète contre lesquelles toute la communauté a appris à se défendre. D’où vient-elle ? La jeunesse et l’inexpérience de Todd, parfaitement servi par un Tom Holland dans son élément (son visage poupin lui permettant d’interpréter des personnages bien plus jeunes), vont non seulement le pousser à investiguer, mais engendrer aussi bon nombre de situations aussi embarrassantes qu’amusantes. Seulement voilà : cette femme qui vient briser sa routine de chasseur devient aussi la proie des chefs du village, et Prentiss de mener la chasse. Coincé entre son devoir et sa curiosité, Todd devra donc faire des choix cruciaux, dont dépendront non seulement sa survie, mais celle de sa famille, de ses pairs, voire de tous ceux qui vivent en ce monde. Les secrets vont se révéler, odieux et terribles, mettant à mal sa propre conception de l’univers qui l’entoure et ses rapports avec ceux qu’il admirait naguère. Après l’heure des choix, viendra celle de la fuite et de la quête – de la vérité et des origines, jusqu’à celles du péché originel dont tous les hommes paient encore la dette.
Passé un premier tiers enthousiasmant et plein d’allant et de potentiel, le film s’engonce malheureusement dans une direction très convenue, ponctuée de petits moments de tension et d’humour (imaginez un jeune garçon plein d’énergie incapable de dissimuler ses pensées à une jeune femme dynamique et farouche). Malgré son sous-texte imposant et son contexte ambitieux, Chaos walking semble comme étriqué, gêné aux entournures, demeurant inextricablement cantonné à un récit de survie très conventionnel, d’autant que certains éléments nous rappellent furieusement quelques éléments-clefs de Star Wars (la dernière trilogie avec Daisy Ridley justement). Plus on avance, plus on aligne les poncifs, jusqu’à un finale pas très réussi.
Ces regrets s’ajoutent à l’exploitation des points nodaux du récit, bien trop sage, et même trop timorée, passant trop d'éléments sous silence. Ridley, sous sa perruque blonde, reste charmante et son accent britannique enchanteur – mais son personnage n’évolue guère et finit par agacer. Quant à Mads Mikkelsen, on sent bien qu’il en garde sous la pédale, allant jusqu’à s’auto-parodier – avec classe tout de même. Les personnages secondaires pâtissent de ces choix, notamment Aaron, le prêtre (David Oyelowo), qu’on pressentait terrible mais qui ne concrétise jamais.
Metropolitan Films Video a sorti le DVD et le blu-ray dès le 1er septembre 2021, et le film est également disponible sur la plateforme Amazon Prime Video. Autant de moyens de vous faire une idée sur ce qui aurait pu être un grand film de SF.
Titre original |
Chaos Walking |
Date de sortie en salles |
27 juillet 2021 avec Metropolitan FilmExport |
Date de sortie en vidéo |
1er septembre 2021 avec Metropolitan Films Video |
Date de sortie en VOD |
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Réalisation |
Doug Liman |
Distribution |
Tom Holland, Daisy Ridley & Madds Mikkelsen |
Scénario |
Christopher D. Ford & Patrick Ness d’après son roman |
Photographie |
Ben Seresin |
Musique |
Marco Beltrami & Brandon Roberts |
Support & durée |
Blu-ray Metropolitan (2021) region ALL en 2.35 :1/109 min |
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