Quand je regarde l'écran, l'écran me regarde.
Le problème avec les films de casse, c’est qu’ils sont fondés sur une situation paradoxale : on en attend un suspense croissant ainsi qu'un retournement de situation stupéfiant – et, pour le coup, lorsqu’on obtient ce « twist », on n’est pas plus surpris que cela puisqu’on y est habitué. Ce sont souvent des films montés minutieusement, et la saga Ocean’s Eleven y a ajouté un côté glamour avec un casting de rêve (le film de George Clooney et ses potes est d’ailleurs ouvertement cité dans un dialogue du début). Depuis Mélodie en sous-sol, référence absolue en la matière, on sait qu’il est nécessaire que le scénario soit méticuleusement écrit et que le réalisateur soit en mesure de mettre en valeur l’habileté des braqueurs, leur ingéniosité et/ou leur charisme tout en voilant autant que possible les incongruités du script, les facilités incontournables permettant la réussite du truc impossible. Tout y passe ou presque, de la bande-son ultra-cool au montage savant en passant par un tempo frénétique ou des effets spéciaux subtils : la duperie du spectateur est la mission principale de l’équipe artistique, au sein d’un accord tacite engageant cette dernière, en contrepartie, à procurer un maximum de plaisir, quitte ensuite à en passer par la traditionnelle séance de flashbacks explicatifs afin d’ôter avec élégance les doutes qui subsisteraient. La mécanique bien huilée des protagonistes du casse à l’écran se voit ainsi doublée par celle des membres de la production, et le making-of d’une telle œuvre se pare du coup d’une intéressante mise en abyme.
N’hésitez donc pas, que le métrage vous ait plu ou pas, à jeter un œil au bonus inclus dans le DVD de the Vault, le titre original de cette production destinée d’abord aux abonnés de Canal+, et disponible depuis peu sur le marché de la vidéo en France. Comme pour la plupart des films du genre, afin de nous faire prendre fait et cause pour les braqueurs, il est nécessaire de les présenter sous un angle qui minimisera autant que possible la nature de leurs actes (après tout, ce sont des criminels en passe de perpétrer un forfait passible de lourdes peines) en soulignant leurs motivations : d’Inside Man à la Casa De Papel, tous les prétextes sont bons pour transformer ces bandits en gentils hors-la-loi, en Robins des Bois dotés d’un fort sens de la Justice – quand cela ne cache pas un banal acte de représailles. C’est la limite du procédé d’identification : autant faire des voleurs les bons et des volés les méchants. Cela facilitera la tâche et éliminera les velléités de crise morale qui ne servirait pas la cause du film.
Synopsis : Coupe du monde de football 2010. Contacté par un cambrioleur de haut vol, un brillant étudiant britannique s'envole pour l'Espagne pour s'emparer d'un trésor détenu dans une banque au système de sécurité très élaboré et dont il ne subsiste aucun plan.
Qu’avons-nous ici ? Un chasseur d’épaves, Walter, mandaté par la Couronne britannique, met la main sur un vieux coffre ayant appartenu à un corsaire, et qui contiendrait les coordonnées de son fabuleux trésor – mais la Marine espagnole, arraisonnant leur navire, confisque ses trouvailles qui se retrouvent à Madrid, dans le coffre-fort de la Banque Centrale, réputé inviolable. Qu’à cela ne tienne, Walter monte une équipe de spécialistes à laquelle il ne manque qu’un cerveau, un surdoué, qui serait capable de trouver comment ouvrir cette chambre forte sur laquelle des générations de casseurs se sont « cassés » les dents : il contacte alors Thom, brillant mathématicien, et le persuade de les aider dans leur quête.
Ah ben, exit la morale : nos héros sont donc de parfaits filous, attirés par l’appât du gain et un vague sentiment nationaliste (le corsaire étant britannique, le trésor doit revenir à des Britanniques, point à la ligne). Et pour appâter notre jeune génie, on lui fait simplement miroiter le challenge ultime : vaincre l’invincible, résoudre l’irrésoluble, trouver l’introuvable. En effet, à quoi bon végéter dans un job chiant pour une compagnie pétrolière aux visées moralement aussi peu défendables ? À défaut de sauver la planète (oui parce que Thom est avant tout un écolo convaincu), rendons à Walter ce qui appartient à l’Angleterre.
Mais trêve d’assonances (même si c’est rigolo à lire) : tout cela ne vous rappelle rien ? Ah j’en vois deux au fond qui s’agitent. Se souviennent-ils d’un film Netflix sorti l’an dernier, produit par Zack Snyder et se situant dans la lignée de l’Armée des Morts ? Ah, me direz-vous, mais que viennent faire des zombies dans cette galère (ou plutôt ce galion, restons précis) ? Rien du tout, sauf que Army of thieves propose à peu de choses près la même structure, la même situation initiale : un groupe de braqueurs vient recruter un surdoué et lui propose un challenge similaire, à savoir forcer un coffre considéré comme l’Everest des coffres (il y en a même trois, chacun plus ardu à percer que le précédent). Le plus drôle c’est que les décors qui ont servi pour les tournages sont les mêmes. Évidemment, il va accepter (surtout quand la proposition est faite par une aussi affable personne que Natalie Emmanuel, qui dirait non ?). Évidemment, il va réussir. Évidemment, tout ne marchera pas comme prévu : le traditionnel cheveu dans la soupe, ou couille dans le potage, voire grain de sable dans les rouages, viendra altérer le bel écheveau échafaudé par nos professionnels de la cambriole. À moins qu’il y ait un traître parmi eux ? Non, vous croyez ?
Bon, là, c’est pareil. Mêmes passages obligés (recrutement, doute, préparation, première réussites, auto-congratulations, acte final, drame, twist et conclusion), même flics grotesquement obtus – mais on nous épargne au moins la facilité de l’incompétence : les forces de l’ordre font leur job, interviennent judicieusement et ne sont battues que par des individus plus malins, mieux équipés et légèrement plus chanceux qu’elles. Et si les autorités avaient davantage écouté l’irascible chef de la sécurité, tout ne se serait pas passé comme cela.
Jaume Balagueró, bien épaulé par Paco Plaza (son acolyte sur [REC]), met tout ce petit monde sur des rails avec son habileté habituelle : c’est dynamique, ludique et le montage parallèle avec les séquences du Mondial 2010 (à quelques mètres de la Banque, les matches de l’Espagne sont retransmis sur des écrans géants) fonctionne parfaitement, doublant la tension dans les moments de suspense. Et bien qu’on se doute très tôt de la tournure des événements, on se surprend à vibrer en compagnie de Freddie Highmore (plutôt à l’aise dans ses baskets de petit génie un peu gauche – et le bougre s’exprime très bien en castillan) et la troublante Astrid Bergès-Frisbey (cette actrice franco-espagnole qui commence à se faire un nom sur la scène internationale depuis son rôle de sirène dans Pirates des Caraïbes 4 et de mage dans le Roi Arthur), emmenés par le toujours impeccable Liam Cunningham. Passons sous silence les apparitions de Famke Janssen en avocate anglaise dont le visage boursouflé peine à retranscrire la moindre émotion. Le reste du casting, même Sam Riley, joue les faire-valoir dans des rôles archétypaux grossièrement dépeints.
Pas de quoi bouder un plaisir simple et légèrement transgressif : Way down, quoique complètement prévisible, fonctionne parfaitement grâce notamment à un subtil dosage entre humour bon enfant, action échevelée, prises de tête vertigineuse et tension extrême.
En VOD et DVD depuis le 18 mai 2022 avec TF1 Studios.
Titre original |
The Vault |
Date de sortie en salles (Espagne) |
12 novembre 2021 avec TF1 Studios |
Date de sortie en vidéo |
18 mai 2022 avec TF1 Studios |
Date de sortie en VOD |
30 avril 2021 sur Canal+ |
Réalisation |
Jaume Balagueró |
Distribution |
Freddie Highmore, Astrid Bergès-Frisbey, Liam Cunningham, Famke Janssen & Sam Riley |
Scénario |
Rafa Martinez, Borja Gonzalez Santaolalla, Michel Gaztambide, Rowan Athale & Andrés M. Koppel |
Photographie |
Daniel Aranyó |
Musique |
Arnau Bataller |
Support & durée |
DVD TF1 (2022) en 2.39 :1 / 118 min |
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