Quand je regarde l'écran, l'écran me regarde.
Magic Spielberg!
C'était son rêve, il l'a réalisé. Steven Spielberg, à quelques jours de ses 75 ans, présente au monde son nouveau joyau filmique bouillonnant et plein de jeunesse éternelle. Qui aurait osé mettre en œuvre le projet d'un remake du monumental classique aux 10 Oscars de Robert Wise sorti en 1961 ? Lui, The King of Entertainment, avec tout son génie, 60 ans après.
West Side Story : trois mots qui, enchaînés, résonnent comme un mythe intouchable, une icône du cinéma, une fresque dantesque et l'une des pierres fondatrices de l'édifice-cathédrale du 7ème art. Eh bien, en cette fin d'année qui sent bon Noël mais pas encore le sapin, et nous donne l'espoir d'une soupape pour sortir nos têtes masquées de cette période covidée, celui qui exprimait déjà son amour pour le music-hall dans la scène d'ouverture d'Indiana Jones et le Temple maudit, livre un immense et bouleversant moment de comédie musicale. Les thèmes, sociétaux et musicaux, résonnent encore aujourd'hui avec la même ferveur engagée et une modernité en rapport direct avec l'actualité. Ça parle et ça chante juste, à qui veut bien l'entendre et l'écouter. Et c'est tout son art que de placer des messages éminemment humanistes, et qui lui tiennent particulièrement à cœur, dans des œuvres divertissantes et parfois, à la limite, édulcorées. Le pendant parfait, car tout le contraire, d'un écœurant meeting à Villepinte.
Edulcoré, non, mais technicoloré, son West Side Story l'est ! C'est chatoyant, texturé, palpable, et la photographie est sublime. La caméra virevolte en s'offrant des moments d'une virtuosité rare, et ses mouvements sont d'une fluidité à couper le souffle. Quelle effervescence dans la narration cinématographique que nous délivre l'auteur dernièrement de Ready Player One ! On oublie l'original sans l'oublier vraiment, ou tout du moins on ne pense même plus à les comparer. Quelle importance... Deux époques, deux visions, deux œuvres, et c'est très bien. Steven Spielberg a mis toute sa jeunesse du cœur et sa fougue pour engendrer cette œuvre espiègle, à l'instar d'un Scorsese avec son Loup de Wall Street. Les vieux, plus jeunes que les jeunes, à l'énergie vitale inépuisable.
Aujourd'hui, c'est toujours les années 50 à New-York, mais dans cette nouvelle version, c'est la guerre des mondes dans l'Upper West Side entre les Sharks et les Jets, et c'est aussi bien ancré dans notre époque. Ça joue, ça chante et ça danse comme jamais. C'est frais, tonitruant et flamboyant. Ça transpire la vie de ses jeunes de quartier à l'émotion débordante. On suit, émerveillés, l'histoire de ces personnages à la vie chantée et chorégraphiée. Oui, on s'émerveille constamment devant les plans immensément larges, la créativité technique et la patte artistique d'un grand enfant, metteur en scène de notre enfance, bien installé sur sa montagne de jouets, et qui sait souvent réveiller le petit enfant dormant depuis bien trop longtemps en chacun de nous.
La partition culte de Leonard Bernstein est évidemment mise à l'honneur à travers de nouveaux arrangements classieux et superbement produits. On redécouvre même les chansons, dans leur énergie brillante et leur interprétation viscérale. Ça transpire la conviction et le ressenti chez toutes les actrices-chanteuses-danseuses et tous les acteurs-chanteurs-danseurs, et notre cher réalisateur filme et montre avec intensité les détails d'un regard, d'une mimique, d'un geste, d'une posture, d'un environnement, si bien qu'il parvient, à travers son nouveau chef-d'œuvre, à rendre le tout extraordinairement musical. On n'est pas en manque de John Williams pour coller aux images, même si on pense évidemment toujours à lui, et on espère de tout cœur retrouver une collaboration alchimique à l'avenir.
On risque, et c'est une chance, d'entendre plusieurs fois « West Side Story » à la prochaine cérémonie des Oscars, et ce sera amplement mérité pour toute la troupe de ce géant du cinéma qui continue de nous faire rêver, comme des enfants. On parle d'un western comme prochain projet, on en rêve, comme aussi d'un retour à la science-fiction. Mais d'abord, reconnaissance éternelle au père d'E.T. de nous faire profiter ainsi de la magie et la beauté de la vie dans une salle de cinéma !
Titre original |
West Side Story |
Date de sortie en salles |
8 décembre 2021 avec Walt Disney Company |
Date de sortie en vidéo |
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Date de sortie en VOD |
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Réalisation |
Steven Spielberg |
Distribution |
Jess Le Proto, Ansel Elgort, Rita Moreno, Corey Stoll & Rachel Zegler |
Scénario |
Tony Kushner d’après l’œuvre d’Arthur Laurents, Stephen Sondheim & Leonard Bernstein |
Photographie |
Janusz Kaminski |
Musique |
Gustavo Dudamel & David Newman |
Support & durée |
35 mm en 2.39:1/157 min |
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