Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Quand je regarde l'écran, l'écran me regarde.

les Algues vertes

les Algues vertes

Synopsis :  À la suite de morts suspectes, Inès Léraud, jeune journaliste, décide de s'installer en Bretagne pour enquêter sur le phénomène des algues vertes. À travers ses rencontres, elle découvre la fabrique du silence qui entoure ce désastre écologique et social.

les Algues vertes

C’est sous l’angle de la fiction qu’Inès Léraud a choisi de raconter son histoire, l’enquête de sa vie : le sujet qui un jour éveilla sa curiosité de journaliste devait d’abord la muer en lanceuse d’alerte avant d’en faire la scénariste d’une bande dessinée, puis d’un film de cinéma.

les Algues vertes

Ce dernier point a sans doute gêné certains spectateurs, interloqués par les choix de narration : malgré le réalisme de la mise en scène, les choix de tournage (presqu’entièrement sur site) et un casting d’inconnus, on se rend compte bien vite que l’enquête journalistique vire au récit de vie. Entre les interviews parfois vaines, les rencontres souvent opportunes, la rédaction des premiers articles puis des émissions de radio s’intercalent quelques pauses permettant de voir de plus près le quotidien de la journaliste, sa relation harmonieuse mais sérieusement mise à l’épreuve tant elle s’investit dans ce qui devient progressivement un combat contre le silence et l’oubli, contre des pouvoirs occultes aussi sans doute dont l’influence est pointée du doigt sans pour autant que les responsables soient clairement nommés.

les Algues vertes

Alors on navigue un peu cahin-caha entre l’informationnel, le sensationnel et quelques moments de pure humanité, de ces drames du quotidien qui relativisent et épaississent le tissu des existences. L’accent reste cependant sur le dur labeur que s’est auto-confié Inès qui lui permettra de débusquer quelques vérités déjà connues (mais de trop peu d’individus) avant de confronter des élus en les mettant en face de leurs propres incohérences.

les Algues vertes

Dans son déroulement naturaliste, au tempo posé et attentif, on retrouvera un peu de ce qui faisait la tension dramatique d’un Dark Waters qui traitait d’un sujet similaire et la rhétorique se pare très tôt de didactisme, permettant à ceux qui ne sont pas nés en Bretagne de mieux connaître l’histoire récente de cette région peuplée de mythes, sur laquelle le virage industriel de l’agriculture française a eu un impact effarant. Comme pour l’amiante, comme pour les pesticides un peu partout, il y a eu des malades et des morts dont la plupart ont été tus avant que quelqu’un donne l’alerte, puis un autre, et encore un jusqu’à ce que la vérité éclate au grand jour. Ici, c’est l’élevage à grande échelle du porc qui finit par transformer radicalement la qualité des eaux environnantes – et la plupart des gens le savent, en tous cas tous ceux (et ils sont nombreux, comme cela est affirmé péremptoirement dans le métrage) qui ont un ami ou un membre de la famille concerné par cette activité. Sauf que, comme ils en vivent aussi, plus ou moins directement, ils préfèrent ne pas trop l’éventer.

les Algues vertes

Là aussi, il faudra le mort de trop pour que la vérité endormie refasse surface. C’est à ce moment que se télescopent les principes des uns et le sens de la Justice des autres : chacun a sa vérité et elle n’est jamais bonne à dire. L’œuvre pose ainsi, mine de rien, beaucoup de questions sur le sens de ces enquêtes, ce qui anime les lanceurs d’alerte et s’ils prennent bien compte des conséquences que leurs recherches pourraient avoir. Au-delà de la vérité, c’est alors le respect dû au défunt qui sonne le glas des certitudes.

les Algues vertes

Dans ce film méritoire au long d’une investigation chaotique, Jolivet parvient à glisser à côté des intermèdes romantiques quelques plans iconiques d’une région trop belle pour être vraie, mais tellement meurtrie. Inès y est allée pour ses recherches, et malgré les pressions parfois menaçantes, elle en est tombée amoureuse au point d’y rester. C’est tout dire. Le film n’a donc pas la force révélatrice d’autres œuvres revendicatrices, mais il force le respect, et Céline Sallette campe avec élégance et charme un personnage remarquable tant par ses failles que par sa force de caractère. On regrettera peut-être la partition musicale, parfois à contre-emploi.

Les éditions Blaq Out proposent en outre sur le disque (DVD ou blu-ray) Mona Lisier, un petit court-métrage un brin cynique avec Clémentine Célarié, filmé avec deux bouts de ficelle mais montrant du doigt une autre facette du scandale lié à l’industrie porcine.

Titre original

Les Algues vertes

Date de sortie en salles

12 juillet 2023 avec Indie Sales

Date de sortie en vidéo

21 novembre 2023 avec Blaq Out

Réalisation

Pierre Jolivet

Distribution

Céline Sallette, Julie Ferrier & Nina Meurisse

Scénario

Pierre Jolivet, Pierre van Hove & Inès Léraud d’après leur bande dessinée

Photographie

Olivier Boonjing

Musique

Adrien Jolivet

Support & durée

Blu-ray Blaq Out (2023) region B en 2.35 :1 / 107 min

Retour à l'accueil
Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article