Quand je regarde l'écran, l'écran me regarde.
Synopsis : Si Dom Toretto mène une vie tranquille, loin du bitume, auprès de Letty et de leur fils, le petit Brian, ils savent bien tous les deux que derrière les horizons les plus radieux se cachent toujours les dangers les plus sournois. Cette fois, pour sauver ceux à qui il tient le plus, Dom va devoir affronter les démons de son passé. Son équipe se rassemble pour démanteler un complot à échelle mondiale mené par le tueur le plus implacable qu’ils aient jamais affronté, aussi redoutable avec une arme que derrière un volant : un homme qui n’est autre que le frère désavoué de Dom, Jakob.
La sortie de FF9 est l’occasion de nous poser quelques questions : qu’est-ce qui nous fait regarder cette saga qui a depuis longtemps atteint ses limites ? Et comment fait-elle pour durer ?
À la seconde question, la réponse tombe sous le sens : une saga parallèle, mais bien plus longue, vient de montrer qu’après avoir exploré l’avenir de son héros nanti du permis de tuer, il fallait aller voir dans son passé. De quoi découle une réponse satisfaisante à la première question : ce qui nous fait continuer à regarder ces exploits de plus en plus irréalistes, c’est bien l’attachement qu’on a acquis envers cette bande de potes qui ont tout connu, tout traversé et (pour la plupart) survécu ensemble, au sein de ce que Dominic Toretto nomme avec un brin de solennité la « Famille ». La base même du feuilleton : une fois qu’on s’est identifié aux héros, il faut absolument qu’on vibre, qu’on tremble, qu’on s’extasie pour et avec eux.
Certes, depuis le coup du char sur l’autoroute, on assiste également dans cette franchise (et formellement depuis l’épisode 4) à une escalade conjointe : plus de gros moteurs (donc plus de vitesse) mais aussi plus de flingues, d’explosions et de destructions. Les ponts s’effondrent, les immeubles s’écroulent et même la banquise cède face à Toretto et ses adversaires. Et quand on pensait avoir atteint les limites de l’improbable, les scénaristes parviennent à imaginer une suite encore plus surréelle, emplie de menaces implacables et dont les membres de l’équipe finiront immanquablement par se sortir – quand bien même les probabilités seraient mises à mal. Si ça se trouve, Dom est peut-être l’avatar masculin d’une super-héroïne capable de jouer avec les lois de la physique et des probabilités (les amateurs d'Avengers sauront de quoi je parle) ? D’un coup d’œil et de volant, le gaillard à la mâchoire carrée et aux poings serrés est tout de même apte à sauver ses amis et sa Letty d’amûr dans toutes les situations et positions (et souvent au-dessus du vide, quand même).
Cette fois, l’absence de Dwayne Johnson (dans le rôle de Hobbs, coriace adversaire puis meilleur ami du susnommé à la voix de Groot) était susceptible d’impacter l’ampleur des cascades. Que nenni ! FF9 va encore plus vite, plus fort et surtout… plus haut. On maintient le cap, un peu à la va-comme-je-te-pousse, on conserve quelques éléments-signatures – bien que les amateurs de bimbos en micro-bikini risquent de faire la fine bouche, pas grand-chose à se mettre sous la dent la main l’œil, en dehors d’une petite soirée mondaine en robes blanches ultra-moulantes. Pareil pour les caisses : finies les GT rutilantes à 2 millions d’euros, les protagonistes vont revenir à des bagnoles surboostées et tunées à l’ancienne ; les fans de la première heure reconnaîtront sans peine la Dodge Charger 500 qui était apparue déjà dans le premier volet (vingt ans auparavant !), régulièrement mise en morceaux mais toujours ressuscitée sous les mains expertes de son propriétaire. On apercevra tout de même une magnifique Ford Mustang GT-350 ainsi qu’une Jaguar XE SV au milieu de véhicules souvent blindés ou paramilitaires.
Ainsi donc, Dom avait un frère. Rien de tel pour faire réapparaître sa sœur, Mia, qui était censée vivre des jours heureux en famille, loin du bruit et de la fureur qui collent aux basques de la brute au grand cœur. L’histoire du frère caché permet de faire resurgir un vieil épisode relaté dans Fast & Furious, ou comment Dom avait fini pour la première fois en prison – et on s’aperçoit que la réalité est plutôt différente de ce qu’il se plaisait à raconter. Quoi qu’il en soit, avec ce Jakob évoluant sous les radars réapparaissent les personnages qui ont contribué à plonger Toretto dans les arcanes de l’espionnage international : bref, il va falloir encore sauver le monde. Une ennemie redoutable, des amis disparus, de nouveaux alliés et on en profite pour sauter allègrement de l’Amérique centrale à Londres et Édimbourg. Runs dans la jungle et courses dans les rues : les voitures vrombissent et se voient flanquées de blindés, de motos ou d’avions.
Dans ce nouvel opus, Justin Lin remet en place ce qu’il appréciait auparavant : plans qui décoiffent, angles improbables et un montage à l’avenant. Il prend quelques partis-pris esthétiques plutôt intéressants, comme dans cette course des années 80 où il s’amuse avec les points de vue et multiplie les prises de l’intérieur des engins, tout en mettant en valeur la photo désaturée de Windon. Il renforce également l’iconisation de ses héros (on ne comptera plus les images de Vin Diesel en légère contre-plongée tel un roc face à l’adversité). D’ailleurs, on pourra regretter que Vin et John Cena phagocytent un peu le métrage, alors même que l’équipe se renforce (avec notamment une nouvelle venue qui savate bien comme il faut, l’occasion de la meilleure séquence de baston du film). Si une équipe 100% féminine était une bonne idée (Mia et Letty fonctionnent bien en duo, elles sont assez complémentaires et surtout savent se débrouiller seules), l’autre tiers du groupe joue la carte des clichés, avec un Roman (Tyrese Gibson, le mec qui ne voulait plus jouer avec the Rock) qui multiplie les gaffes et s’étonne chaque fois de s’en sortir entier : dommage de ne pas davantage profiter de la complicité évidente entre Tej/Ludacris le bidouilleur et Ramsey la hackeuse, au délicieux accent britannique.
En face, les méchants sont encore plus grossièrement dépeints : zéro suspense, zéro profondeur et des motivations fumeuses. Qu’à cela ne tienne ! Ils ont du fric et peuvent recruter une armée entière (plus le Faucon Millénium s’il le faut !).
Malgré donc ce script en carton, ces personnages factices, ces situations improbables et ces cascades impossibles, le dosage action/humour est suffisamment calibré et devrait satisfaire une bonne partie des amateurs, frustrant peut-être ceux qui désiraient un peu plus de charme dans le cocktail : oui mais voilà, Jordana et Michelle préfèrent boxer les méchants pas bô, Charlize préfère dominer le monde et Nathalie Emmanuel préfère défoncer des bagnoles plutôt que de montrer leur décolleté et s’afficher en maillot de bain. Les temps changent. Aux mecs d’évoluer (s’ils le peuvent).
À découvrir à partir du 14 novembre 2021 en édition digitale et du 17 novembre 2021 en DVD, blu-ray steelbook et blu-ray 4K UHD steelbook (tous ces supports contenant les versions cinéma & longue) chez Universal Pictures France – et en bonus pour les fêtes de fin d’année, un nouveau coffret de la saga avec les 9 épisodes. La version longue n’est pas un director’s cut susceptible de modifier ou réorienter le scénario : les quelques scènes rajoutées par rapport au montage cinéma n’ont pas réellement d’importance, même si elles contribuent à densifier le tissu des relations entre les personnages, et notamment au sein de la famille. À cet égard, les retrouvailles entre Dom et sa sœur méritaient d’être réinsérées. Privilégiez la VO pour le charme de certaines voix (le baryton traînant de Vin, la mélodie piquante de Nathalie) et la dynamique terrible des basses. Les disques HD vous permettront de bien profiter du grain volontairement présent dans les séquences du passé, de la palette incroyable de couleurs pendant l’intermède au Montequinto (tourné en Thaïlande) et les reflets métalliques sur les carrosseries. Parmi les bonus, nombre de featurettes et un trop court bêtisier, mais ce dernier permet de profiter de l’abattage de Gibson et de la malice d’un John Cena plutôt à l’aise dans cette super-production.
Titre original |
F9 the Fast Saga |
Date de sortie en salles |
14 juillet 2021 avec Universal Pictures |
Date de sortie en vidéo |
17 novembre 2021 avec Universal Pictures |
Date de sortie en VOD |
17 novembre 2021 avec Universal Pictures |
Réalisation |
Justin Lin |
Distribution |
Vin Diesel, Michelle Rodriguez, Jordana Brewster, John Cena, Charlize Theron, Ludacris, Nathalie Emmanuel, Kurt Russell & Helen Mirren |
Scénario |
Daniel Casey & Justin Lin |
Photographie |
Stephen F. Windon |
Musique |
Brian Tyler |
Support & durée |
Blu-ray Universal (2021) region ALL en 2.39 :1/143 min |
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