Quand je regarde l'écran, l'écran me regarde.
Enfin le grand retour de la célèbre franchise, avec un épisode particulièrement bon, rattrapant comme il se doit la déception qu’avait été La Fontaine De Jouvence. Ce Pirates Des Caraïbes La Vengeance De Salazar retrouve ce qui faisait le charme du premier film et nous entraîne dans une aventure trépidante, jubilatoire et dépaysante. Si vous êtes fans de la saga, vous allez adorer !
Cela fait déjà 6 ans depuis le dernier Pirates Des Caraïbes. Un quatrième épisode mineur, qui voyait Gore Verbinski passer les commandes à Rob Marshall (Chicago) pour un résultat plus que décevant en raison d’un scénario paresseux et d’une mise en scène ne parvenant jamais à donner une quelconque ampleur aux aventures de Jack Sparrow. Le spectacle était cheap (les décors étaient vraiment honteux), aux antipodes des trois précédents films qui bénéficiaient de budgets colossaux et d’effets numériques incroyables. Autant dire que ce cinquième opus n’était pas franchement très attendu, d’autant que les affiches teaser ne donnaient pas spécialement envie. Il faut dire aussi que malgré l’énorme succès critique du tout premier épisode, ses deux suites avaient déjà divisé, certains leur reprochant un manque flagrant de rythme.
Pourtant Pirates Des Caraïbes est une saga bien plus importante qu’on ne l’imagine. Parce qu’elle est probablement la plus emblématique des années 2000 et qu’elle a eu une influence considérable sur nombre de gros blockbusters d’aujourd’hui. Parce qu’elle synthétise les qualités et les défauts de la plupart des productions du même genre sorties juste après, ces films au format épisodique qui avoisinent les 3h, extrêmement bavards, surlignant continuellement l’action par les dialogues, débordants de scènes inutiles tout en étant généreux et ambitieux. Bien entendu, nous sommes conscients que Le Seigneur Des Anneaux ou Harry Potter sont les deux meilleures franchises de la même période, ou du moins les plus remarquables, mais la saga de Disney a elle aussi redéfini le blockbuster moderne à sa manière. Personne ne misait sur le succès de Pirates Des Caraïbes lorsqu’il est sorti pendant l’été 2003 face au très attendu Terminator 3, d’autant qu’il s’agissait d’une adaptation d’un matériau de base pour le moins étonnant : la célèbre attraction de Disneyland. Son extraordinaire réception est liée à un contexte particulièrement favorable, et à des choix osés de la part de la firme aux grandes oreilles, notamment en ce qui concerne son casting. Ni Geoffrey Rush ni Johnny Depp n’étaient habitués à travailler dans des productions aussi gigantesques, apportant une caution artistique indéniable, voire une touche de folie bienvenue à un projet a priori formaté. Nous n’étions pas encore lassés par le jeu de l’acteur principal (qui semble depuis ne faire plus qu’un avec son personnage, à l’instar de Robert Downey Jr et Tony Stark), et sa prestation en Jack Sparrow était probablement l’une de ses meilleures, créant instantanément une nouvelle icone populaire complètement inattendue dans un long-métrage Disney. On pourra dire ce que l’on voudra du jeu de Johnny Depp, mais c’est bien grâce à lui que le personnage est devenu aussi culte, et non à son écriture. Et puis il y avait aussi la jeune Keira Knightley, que l’on allait retrouver juste après dans Love Actually, et Orlando Bloom, que le public venait de découvrir en Legolas dans la saga du Seigneur Des Anneaux. En revoyant le film aujourd’hui on note également la présence de l’actrice qui jouera dans le plus gros succès de tous les temps, Avatar, Zoe Saldana. Le spectacle était drôle (le gag de Will Turner qui casse le chandelier est toujours hilarant), bourré d’effets spéciaux impressionnants, avec une direction artistique absolument superbe, toute une mythologie qui fonctionnait parfaitement, une bande originale efficace que l’on doit à Klaus Badelt (un compositeur de l’écurie Hans Zimmer, qui a repris le score dans les suites) et une mise en scène géniale (la joute entre Will et Jack dans la forge qui suit les notes du thème principal).
Tournées d’une traite, les deux suites de la trilogie d’origine n’ont pas su faire la même unanimité, mais elles ont permis à Gore Verbinski de faire des films qui lui ressemblent un peu plus, en insistant sur cet humour décalé dont il est de plus en plus fervent. Des effets numériques encore plus bluffant, mais une histoire incompréhensible qui multiplie tellement les rebondissements et les traîtrises que l’on n’arrive plus à savoir qui fait quoi. Reste un deuxième opus particulièrement généreux en scènes d’action délirantes, la présence du génial Bill Nighy et de très belles images, pour un troisième film frustrant et bien trop long. Mais si la saga dans son ensemble s’avère inégale, elle a au moins eu le mérite de nous proposer à chaque fois des séquences d’une grande inventivité jouant avec intelligence sur le folklore marin, devenant par la même une référence en la matière qu’il sera difficile d’égaler dans un autre film de ce genre. Même le décrié quatrième épisode, le plus dispensable, le plus agaçant (Jack Sparrow et Barbossa sont deux personnages forts qui ont besoin d’être canalisés par d’autres personnages plus « fades » ou « ordinaires » comme Will ou Elizabeth, sinon ils deviennent rapidement fatigants à gesticuler dans tous les sens comme dans un dessin animé), compte une ou deux belles idées (notamment la scène des sirènes).
A dire vrai, La Fontaine De Jouvence trouve une utilité inattendue avec le cinquième film sortant cette année : il permet de faire une petite pause dans l’arc narratif de Will Turner, qui revient – ce n’est pas un spoil car il est présent dans la bande annonce et en promo - dans La Vengeance De Salazar. Une pause plus qu’utile, donc, puisque les retrouvailles avec lui en sont d’autant plus émouvantes. Ce n’est certes pas le personnage principal du film, mais il fallait montrer le temps passé depuis la fameuse bataille avec Davy Jones, ce que le film de Rob Marshall peut désormais faire.
Et donc ce nouvel opus ? Une véritable réussite ! Simple, direct, jubilatoire comme La Malédiction Du Black Pearl, avec le goût pour les bizarreries et les scènes d’action du Secret Du Coffre Maudit. Joachim Rønning et Espen Sandberg (les deux réalisateurs du très bon Kon Tiki) ont parfaitement su saisir ce qui fait le charme de la saga, en élaguant la plupart des défauts inhérents aux multiples sous-intrigues des épisodes 2 à 4. Non que La Vengeance De Salazar ne compte pas un grand nombre de personnages et d’arcs narratifs, mais tout est vraiment facilement compréhensible. Et pourtant ce n’était pas gagné, car en plus de l’arrivée de deux jeunes héros, interprétés par les convaincants Kaya Scodelario (Le Labyrinthe et Le Labyrinthe La Terre Brûlée) et Brenton Thwaites (Maleficent), et du nouveau bad guy (formidable Javier Bardem), qui ont tous une histoire à raconter, les scénaristes ont décidé d’enrichir le background de personnages déjà bien connus (Geoffrey Rush est de retour, inimitable Barbossa), dont une origin story à Jack Sparrow (hallucinants effets numériques pour rajeunir Johnny Depp, comme on a déjà pu en voir dans Ant-Man, Captain America Civil War et Les Gardiens De La Galaxie Vol. 2) qui fonctionne étonnamment très bien.
Les metteurs en scène livrent des séquences d’une grande inventivité que n’aurait pas renié Gore Verbinski, qu’il s’agisse de celle de la banque, de la guillotine, ou bien encore de la mer séparée en deux. C’est très beau, certaines images arrivent instantanément dans le top des plus belles de la saga, c’est drôle, c’est trépidant, c’est tout ce que l’on demande à un nouvel épisode des aventures de Jack Sparrow.
La Vengeance De Salazar se paie même le luxe d’être le film le plus émouvant de la franchise, et pourrait être un très bon – enfin- épisode final. Sauf que la scène post générique nous fait rapidement comprendre qu’il y aura une suite. On espère d’ailleurs que ce sera l’occasion de retrouver le personnage de Penelope Cruz, puisque son arc n’est pas totalement bouclé (regardez la scène post générique du film dans lequel elle joue). Quoi qu’il en soit, profitez déjà de cet excellent blockbuster estival, qui remet à flot une saga populaire qui avait bien besoin de ce petit coup de boost. Du dépaysement, du fun, des acteurs géniaux, on se croirait presque revenus à la sortie du premier film au cinéma. Tout au plus pouvons-nous nous interroger sur le changement de titre en VF, qui ne reprend pas l’une des célèbres répliques de l’attraction – et qui est prononcée dans le premier film par le perroquet - ainsi que sur le jeu de Johnny Depp, plus effacé que d’habitude derrière un personnage continuellement sous l’emprise du rhum. Vu la qualité relative de la majorité des grosses productions actuelles, on ne pourra pas en vouloir aux scénaristes de ressasser certains schémas qui ont fait le succès des anciens épisodes dès lors que cela continue de bien marcher.
Non ce n’est pas d’une originalité folle, oui il y a quelques facilités scénaristiques à la mode (le toutéliage agace, mais ici il passe plutôt bien). Nul doute que Pirates Des Caraïbes ne fera pas l’unanimité, mais cela serait un peu exagéré que de souligner le manque de renouvellement d’une saga de 5 films quand à côté on bouffe du Marvel trois fois par an. En ce qui nous concerne, cette mythologie nous séduit toujours autant ! On adore et on attend vivement le prochain épisode !
Titre original | Pirates Of The Caribbean : Dead Men Tell No Tales |
Date de sortie en salles | 24 mai 2007 avec Walt Disney |
Date de sortie en DVD |
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Photographie | Paul Cameron |
Musique | Geoff Zanelli |
Support & durée | 35 mm en 2.35:1 / 128 min |