Quand je regarde l'écran, l'écran me regarde.
Un film de James Gray, ça veut déjà tout dire : il est de ces cinéastes qui se complaisent dans un univers propre, immédiatement reconnaissable aux amateurs par certains codes. Fidèle à lui-même, il dépeint les vicissitudes de personnes écrasées sous le poids de leurs responsabilités ou de leur appartenance à un milieu spécifique.
Lorsqu'on en sort, force est de constater que l’impression d'ensemble est positive, mais n’empêche pas l’apparition sporadique de quelques gênes récurrentes, notamment dans l’interprétation. Wahlberg, le frère flic, ne semble laisser transparaître aucune émotion, son côté monolithique et atone déconcerte, alors que Duvall, en père rigoureux et amer, est véritablement impressionnant ; il confère à statut ce côté « monstre sacré » trop souvent usurpé grâce à la plume complaisante de journaleux en manque d’inspiration une réelle authenticité. Bobby, joué par l’incontestable Joaquin Phoenix, c'est aussi autre chose : regard hypnotique, tension permanente, il incarne à merveille le gars jamais tout à fait satisfait de son sort, constamment sur la brèche, évitant autant que faire se peut de se poser des questions existentielles qui risqueraient de lui dévoiler une réalité et un avenir peu glorieux ; un grand rôle, quoique trop académique et sans réelle surprise. Eva Mendes (Amada) est nettement moins gonflante que dans Hitch, sa sensualité exacerbée est comme mise sous l’éteignoir par une caméra revêche qui sait toutefois la dévoiler violemment lors de séquences éprouvantes.
La fin de l'histoire est prévisible et un peu désenchantée, d'autant que le coup du fils rebelle qui s'engage comme flic pour venger sa famille, c'était tout de même un peu osé. On ne parvient pas de ce fait à totalement se passionner, cherchant vainement un retournement, un dérapage qui engagerait la fin du script dans une voie sans issue pleine de cris et de douleur. L’ensemble offre malgré tout de (très) belles scènes, au gré d’un cadrage très proche des personnages, une impression permanente d'étouffement, de claustrophobie, renforcée par des images sombres. C’est souvent prenant, parfois haletant.
Evitez la VF : elle est atroce (honteuse même). A noter que le score est signé du compositeur de Dracula.
Titre original | We own the night |
Date de sortie en salles | 28 novembre 2007 avec Wild Bunch Distribution |
Date de sortie en DVD | 3 juin 2008 avec Wild Side |
Photographie | Joaquin Baca-Asay |
Musique | Wojciech Kilar |
Support & durée | 35 mm en 1.85:1 / 114 min |