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Quand je regarde l'écran, l'écran me regarde.

[critique] Jurassic Park ou l'émerveillement traumatique

[critique] Jurassic Park ou l'émerveillement traumatique

Dans la filmographie de SpielbergJurassic Park, distribué après Hook et avant la Liste de Schindler, semble conçu comme un pivot entre le merveilleux et la prise de conscience, entre l'enfance décomplexée et l'âge adulte responsable, voire paranoïaque et perclus de remords. Solide dans sa narration, souvent virtuose dans sa mise en scène, pertinent dans son casting, bluffant par sa gestion des effets spéciaux, le film est presque systématiquement salué par les critiques comme l'un de ceux qui parviennent à capter et à retranscrire l'essence même des rêves d'enfant, à la structure et aux intrigues candides, mais dissimulant les peurs les plus profondes car issues de ces terreurs ataviques qui hantent les recoins les plus obscurs de nos mémoires ancestrales.

Bien que ne faisant (et heureusement !) pas l'unanimité, Jurassic Park fait partie de ces oeuvres définitivement adoptées par une large part du public constituée de ceux qui l'ont découvert au cinéma et lui portent un culte indéfectible, nourri de cet enthousiasme juvénile lié à la découverte sur grand écran des dinosaures numériques, les premiers à paraître à la fois réalistes, et terrifiants. Certains ne se sont pas encore remis de leur émerveillement traumatique et continuent à le revisionner régulièrement sans la moindre once de lassitude. C'est que Spielberg, pour adapter le roman de Crichton, a choisi des angles de vue malicieux, enrichi de leurs propres paradoxes. Ainsi, comme le disait si bien Nico qui fait partie des aficionados précités, ce film sur les monstres n'est pas construit comme un film de monstres, quand bien même il en reprendrait certaines des recettes établies. Au contraire même puisque il entretient au premier abord l'inévitable fascination pour ces créatures disparues, sources de mythes et de vérités approximatives. Passons sur le prétexte, suffisamment intriguant avec ce qu'il faut de verbiage pseudo-technologique pour s'afficher sous la bannière "SF" (un moustique, de l'ADN, un peu de science laborantine et le tour est joué) : s'il fera hurler les puristes, il n'en demeure pas moins pertinent dans la démarche proposée. Le film parvient à être passionnant en ménageant savamment, presque miraculeusement, les bonnes doses de merveilleux, de mystère, d'action et d'angoisse en ne ménageant pas son casting.

Ce dernier est une excellente trouvaille, même si je suis parfois perplexe sur la manière dont certains personnages sont présentés. Ainsi, aux côtés des trop lisses héros-parfois-bourrus-mais-gentils et des méchants caricaturaux, on a deux personnages finement écrits, nageant entre deux eaux et interprétés avec malice par Goldblum et Attenborough, adjuvants singuliers à la trame quasi initiatique de l'odyssée des deux scientifiques affublés de deux enfants moins vulnérables qu'ils n'y paraissent. Goldblum, à lui seul, hisse le niveau général par son questionnement, ses prises de position et sa désinvolture naturels. Amusant de voir que le plus physique de tous les scientifiques invités (on connaît la propension de l'acteur à dévoiler son torse et ses épaules de nageur) soit également celui qui s'avèrera incapable de marcher, poids mort dont la verve et la douce folie finiront par manquer dans un finale haletant mais paradoxalement trop maîtrisé, trop attendu, trop "écrit".

Jurassic Park est une oeuvre à part dans la carrière de Spielberg, fruit consanguin des angoisses primitives des premiers longs-métrages (comme d'habitude, la gestion des enfants est une merveille et rappelle des séquences équivalentes de Rencontres du 3e type ou E.T.) et d'une vision plus sereine de l'avenir directement inspirée des écrivains d'anticipation de l'Age d'or, plaçant ainsi notre réalisateur dans le rôle du Bon Docteur asimovien, humaniste et raisonnablement optimiste tout en étant conscient des failles et maladresses de notre science balbutiante. A bien y réfléchir, A.I. et également Minority Report développaient des arguments similaires.  

 

Le blu-ray Universal est une réussite, avec son image en 1.85:1 au grain agréable et au contraste saisissant (certains détails nocturnes ressortent comme jamais auparavant). La piste audio en VO est puissante et plutôt équilibrée.

 

Titre original

Jurassic Park  

Date de sortie en salles

20 octobre 1993 avec Universal Pictures

Date de sortie en vidéo

10 octobre 2000 avec Universal Pictures

Photographie

Dean Cundey

Musique

John Williams

Support & durée

Blu-Ray Universal (2011) region B en 1.85 :1 / 122 min

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P
C'est un sacré bon film quand même. Evidemment, l'antinomie apparente avec "la liste de Schindler" sorti au même moment avait minoré la portée de cet exercice d'entertainment (Spielberg toujours amateur de grand écart a fait de même cette année avec "Ready Player One" et "Pentagon Papers").<br /> Il y a du Conan Doyle (Attenborough en simili Challenger) et de l'Indiana Jones (le look du paléontologue joué par Sam Neil) dans ce Park à thème qui ressuscite ces créatures mythiques que sont les grands sauriens, et observe également avec une étrange curiosité ces autres : les enfants. C'est le grand sujet de Spielberg depuis bien longtemps (le cruel réalisateur en nourrissait son grand requin dès les seventies), confirmant la part de Truffaut qui vit toujours en lui.
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