Quand je regarde l'écran, l'écran me regarde.
Ne vous fiez pas à la jaquette ou aux affiches : il ne s’agit pas d’une romance torride et moite, mais d’un thriller politique qui tente de dénoncer les exactions d’un régime autoritaire. L’intention est louable, le résultat l’est nettement moins… mais il y a Jennifer.
Synopsis : Chili, 1973.
La dictature n’atteint pas les hautes sphères de la société. Irene en fait partie : fiancée à un officier de l’armée, elle poursuit une carrière de journaliste et tente d’explorer le monde qui l’entoure tout en évitant autant que possible les pièges de la censure. Elle fait alors la connaissance de Francisco qu’elle engage comme photographe pour un reportage sur une des nombreuses « saintes » opérant dans sa région. C’est avec lui qu’elle va ouvrir les yeux sur l’oppression fasciste et les exactions gouvernementales qui gangrènent son propre pays…
Les noms défilant au générique du début donnent le ton : en dehors de Jennifer Connelly (et Stefania Sandrelli), la plupart des acteurs sont hispaniques – mais ils vont s’exprimer en anglais, un anglais forcément hésitant, manquant de naturel. En 1994, c’était encore courant, mais ça passe difficilement de nos jours.
Survient donc Jennifer Connelly, yeux pétillants et chevelure ondulée. Sa beauté rayonne et ses premières scènes sont illuminées par son allant, son aura. Dans ces premières séquences, on aura droit à l’une des deux séquences un peu « chaudes », quelques secondes sur le corps nu d’un homme et un vertigineux décolleté. Le film, adapté du témoignage d’Isabel Allende, se veut autre chose : Jennifer y interprète une jeune femme faisant partie des nantis, donc peu touchée par l’oppression constante du régime de Pinochet. Cependant, quelque chose en elle la pousse à aller au plus près des problèmes de son peuple, au grand dam de ceux qui veillent sur elle.
Arrive alors Banderas, mâchoire virile et sourcils froncés. Sans être brillant, il est parfait pour ce rôle. Sauf que, sous le reportage qui les placera face aux violences de l’État, doit se dérouler une brûlante histoire d’amour : Irene s’ouvrira son seulement à la vérité atroce qui frappe son pays, mais aussi à une relation non planifiée avec ce bel inconnu. Et c’est là que le bât blesse : pris séparément, chacun des interprètes paie de sa personne et semble convaincu par son rôle. Mais, comme disait Nico dans l’article précédent, la sauce ne prend pas et l’on n’y croit guère : la magie n’opère pas entre ces deux-là et on se sent même mal à l’aise lors de leurs étreintes, et notamment une scène se déroulant après avoir découvert une pile de cadavres.
En dehors de cela, le film se déroule cahin-caha, la faute à un montage mal maîtrisé qui sème des ellipses et laisse des affaires en suspens. La réalisation ne brille pas non plus par son élégance, voire son efficacité, et plusieurs scènes prêtent à sourire avec leurs effets ridicules qu’on croirait tirés d’un vieux gore des années 70.
Bon an, mal an, le couple tentera de faire éclater la vérité au risque de s’attirer les foudres des dirigeants, et mettront alors leur vie en danger. Dans l’intervalle, inexplicablement, Jennifer aura les cheveux lissés…
Un sujet intéressant, mais traité à la va-comme-je-te-pousse, sans style et sans une once de symbolisme. Si, par moments, on peut s’attendre à des développements rappelant la Maison aux esprits, le soufflé retombe systématiquement. Il s’agit d’un petit film sur une histoire qui aurait pu être passionnante, intense et enrichissante, menée par deux artistes beaux comme des dieux mais qui n’ont pas encore atteint la pleine mesure de leur talent. On reste très loin d’un Missing ou de la Jeune Fille & la Mort.
Le DVD Warner, malgré son âge, a de beaux restes et fait le job.
Titre original |
Of Love & Shadows |
Date de sortie en salles (Espagne) |
22 février 1995 avec Miramax |
Date de sortie en vidéo |
7 septembre 2005 avec Warner Bros. |
Réalisation |
Betty Kaplan |
Distribution |
Jennifer Connelly, Antonio Banderas & Stefania Sandrelli |
Scénario |
Isabel Allende & Donald Freed |
Photographie |
Félix Monti |
Musique |
José Nieto |
Support & durée |
DVD Warner (2005) zone 2 en 1.78 :1 / 99 min |