Quand je regarde l'écran, l'écran me regarde.
Si Jurassic World était un remake déguisé en suite de Jurassic Park, Fallen Kingdom est quant à lui une sorte de relecture de Lost World. Un gros film d’aventure bien bourrin, dont l’écriture paresseuse est compensée par sa très belle mise en scène. On attendait mieux d’un Bayona, mais pas de quoi bouder non plus ce divertissement généreux et efficace.
Vous aviez aimé Jurassic World ? Vous allez adorer Fallen Kingdom. Vous aviez détesté le film de Colin Trevorrow ? Cette suite ne devrait pas vous faire changer d’avis sur ce qu’est devenue la célèbre franchise initiée par Steven Spielberg. Car malgré la présence du génial réalisateur Juan Antonio Bayona aux manettes, Fallen Kingdom est avant tout une commande dont le cahier des charges ne permet que peu de débordements auteurisants. Autant dire que si l’on reconnaît la touche du metteur en scène espagnol, c’est surtout le scénario de Colin Trevorrow qui nous saute aux yeux lorsque l’on regarde ce nouveau Jurassic World.
Le précédent film avait su proposer un spectacle plutôt réjouissant avec un second niveau de lecture dans l’air du temps rappelant le propos de Jurassic Park - au risque de passer pour un produit d’un cynisme incroyable, malgré un excès de péripéties et un climax grotesque. Ce nouvel épisode suit une logique assez similaire, puisqu’il pourrait s’apparenter à une relecture thématique de Lost World, avec les mêmes qualités et les mêmes défauts que le film de Colin Trevorrow. En d’autres termes : Juan Antonio Bayona n’a probablement pas eu les coudées franches et seule sa très belle mise en scène distingue son film du Trevorrow. On assiste ainsi à une succession de scènes d’action plus ou moins réussies, reliées par une intrigue aussi « grossière » que logique (eu égard à l’orientation que prend la saga) saupoudrée de petites trouvailles qui sentent bon la série B sympathique.
On apprécie le film pour ce qu’il est, mais l’on comprend aisément que certains puissent ne pas adhérer à ce délire outrancier qui montre tellement de dinosaures à l’écran qu’ils en perdent tout leur pouvoir de sidération. Il faut bien se rendre à l’évidence : seul le tout premier Jurassic Park peut prétendre au titre de grand film, pour des raisons aussi différentes que sa gestion du suspens, sa représentation crédible des dinosaures, son double niveau de lecture, son écriture, son époque. Les suites peuvent au mieux être perçues comme de bons blockbusters mais ne marqueront jamais l’Histoire du cinéma. Ainsi, Fallen Kingdom ne prend aucun risque pour se démarquer des autres épisodes : écriture paresseuse qui se contente de recycler des idées issues des autres films, personnages caricaturaux et manichéens, humour qui désamorce systématiquement la tension, musique grandiloquente utilisée en dépit du bon sens, surenchère d’effets numériques (quand bien même il y a cette fois-ci énormément de robots) et – probablement ce qui nous aura le plus consterné - de plans à la symbolique surlignée au Stabilo.
Un trop plein de tout qui pourra avoir tendance à agacer, comme si le public d’aujourd’hui était incapable de suivre un film à la narration plus lente, et qu’il fallait à tout prix maintenir son attention avec des références faciles à la franchise ou en lui montrant toutes les deux minutes un truc un minimum spectaculaire pour le satisfaire (ce qui arrive au personnage de Chris Pratt lorsqu’il se retrouve face au volcan en est un bon exemple).
Pour autant, le Bayona fait bien le travail. L’on retiendra même
plusieurs scènes qui sortent particulièrement du lot, et dans lesquelles on reconnait parfaitement la touche personnelle du metteur en scène. L’introduction, ainsi, est très impressionnante, tandis que la scène dans la chambre de la petite fille rappelle l’esthétique de ses précédents films. Le réalisateur de The Impossible semble alors se faire plaisir, et l’on devine par instant ce qu’aurait pu être le film s’il avait pu jouir d’une plus grande liberté.
Un troisième chapitre est d’ores et déjà prévu. On va bien finir par l’avoir, cette adaptation en live des jouets Dinoriders ! Bref, on attendait mieux d’un Bayona, c’est vrai, mais pas de quoi bouder ce divertissement généreux et efficace !
Titre original | Jurassic World : Fallen Kingdom |
Date de sortie en salles | 6 juin 2018 avec Universal Pictures |
Date de sortie en vidéo |
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Photographie | Oscar Faura |
Musique | Michael Giacchino |
Support & durée | 35 mm en 2.39 :1 / 128 min |