Quand je regarde l'écran, l'écran me regarde.
Le 12 septembre sont sortis dans les bacs les rééditions en HD de deux films de François Truffaut : le Dernier Métro et Jules & Jim. De quoi se faire un avis assez pertinent sur deux œuvres phares (et chronologiquement opposées) de la carrière de ce réalisateur élégant et passionné, que j'aime beaucoup mais que je connais finalement assez peu.
Dans ce film de 1962 (donc peu de temps après les 400 Coups par lequel il se révélait au monde du cinéma, après une décennie passée en tant que critique), l’année même où il publiait le recueil de ses entretiens avec Alfred Hitchcock, on sent la volonté manifeste de Truffaut d’adapter à tout prix ce roman d'un auteur qu'il admire, considérant qu’il s’agit d’une œuvre phare de la littérature. De fait, on s’aperçoit assez vite de l’extrême modernité du propos, bien que se déroulant au début du siècle (entre 1910 et la montée du nazisme) : la description presque chirurgicale de la relation chaotique entre ces hommes idéalistes et cette femme qui se refuse à céder à l'amour, par ses atermoiements, ses auto-apitoiements, ses introspections, mais surtout cette liberté de ton, laisse rêveur. L’un des piliers de la Nouvelle Vague, élément volontairement modéré et sentimentaliste du mouvement, se frottait ici à un récit tragique qui lui permettait de délaisser le monde de l’enfance avec lequel il se sentait d’incontestables affinités.
Et la mise en scène
souvent brillante, quoique ressemblant par moments à de l’expérimentation ludique, alternant longs plans-séquences assez osés et montage
abrupt de plans à la composition travaillée (on a même droit à un petit travelling compensé !), renforce par ses parti-pris cet aspect
brumeux, lancinant, empreint de nostalgie éthérée qui plane au-dessus de cette histoire traversée par des fulgurances : au XXIe siècle, il faut avouer qu’on a du mal à entrer dans le
film, ne serait-ce que par ce choix de redoubler des dialogues énoncés sur un ton monocorde crispant (seules quelques scènes d’intérieur diffusent un son diégétique, la plupart des paroles
prononcées étant même parfois asynchrones), par ce côté « théâtre filmé » de certaines scènes, par le caractère indolent de l'ensemble duquel ressort spontanément la fraîcheur de
Jeanne Moreau. Tout comme le tempo assez étrange du métrage, sees ellipses et ses ruptures déconcertantes.
Belle restauration, il reste très peu de défauts liés à l'âge du film même si le noir et blanc n'a pas le charme et le piqué de celui de
Casablanca. La piste sonore est très nette malgré quelques effets d’échos sporadiques liés au doublage et on peut profiter des quelques mesures d’une partition de Georges Delerue assez discrète. Ce nouveau master est proposé avec un livret de 42 pages.
Ma note (sur 5) : |
3,5 |
Jules & Jim
Mise en scène |
François Truffaut |
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Genre |
Romance post-moderne |
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Production |
Sédif Productions, distribué en France par MK2 |
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Date de sortie France |
24 janvier 1962 |
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Scénario |
Jean Gruault d’après le roman d’Henri-Pierre Roché |
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Distribution |
Oskar Werner, Henri Serre, Jeanne Moreau & Sabine Haudepin |
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Durée |
105 min |
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Musique |
Georges Delerue |
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Support |
Blu-ray TF1 Vidéo region B (2012) |
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Image |
2.35:1 ; 16/9 ; N&B |
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Son |
VF 2.0 |
Synopsis : Paris, dans les années 1900 : Jules, allemand et Jim, français, deux amis artistes, sont épris de la même femme, Catherine. C'est Jules qui épouse Catherine. La guerre les sépare. Ils se retrouvent en 1918. Catherine n'aime plus Jules et tombe amoureuse de Jim.