Quand je regarde l'écran, l'écran me regarde.
Imaginez que Mon voisin Totoro ne soit qu'un segment d'un film plus vaste, plus grand, plus dense mais tout aussi sincère, émouvant et flirtant harmonieusement avec le merveilleux. C'est le pari réussi de ces Enfants loups, œuvre d'une richesse inouïe qui ne laissera personne insensible.
Je suis venu à ce film grâce encore à l’influence des contributeurs du Palmarès, dont certains ont eu la chance de le visionner en avant-première mondiale à Paris, lorsque le réalisateur Mamoru Hosoda était venu le proposer aux fans en compagnie de son interprète principale, la comédienne Aoi Miyazaki, qui prête sa voix à Hana, la mère courage du métrage. Auparavant, Hosoda s’était déjà fait un nom dans l’Hexagone, et dans le monde de l’animation internationale : la Traversée du Temps avait fait grand bruit notamment à Annecy, et Summer Wars avait déchaîné les passions (malheureusement, proposé dans trop peu de copies en France pour qu’on puisse le voir au cinéma). Deux films piochant dans le goût immodéré des Nippons pour la SF tout en accommodant le genre à une sauce particulière dans laquelle l’élément humain prédomine : Hosoda construit d’abord ses films autour de ses personnages, de leur évolution et de leurs interactions émotionnelles.
Avec les Enfants loups, il semble aller plus loin encore, tout en conservant le goût de l’animation classique rehaussée par des segments numériques, d’une réalisation plutôt sage parsemée de fulgurances visuelles. Son style reste parfaitement reconnaissable mais il traduit cette fois une histoire s’étalant sur bien plus de temps, de la rencontre de Hana avec son bien-aimé jusqu’à l’adolescence des enfants issus de cette union. On notera aussi la présence d’une narration en voix off qui donne à l’ensemble autant un côté réaliste (par sa finalité de témoignage) et fabuleux (on nous raconte une histoire qui emprunte aux contes de fées). Hosoda va donc s’efforcer d’emplir les pauses entre les différentes péripéties par des séquences intimistes où les émotions s’expriment avec intensité et pudeur, cette élégance diaphane caractéristique du mouvement Pure Love : la romance simple d’Hana, tout comme l’éducation de ses enfants particuliers, nous séduit par ce choix de petites touches de sentiments purs, ces tranches de vie concrètes baignées d’allégresse ou de désespoir, ces petits dialogues stimulants. Dissimulant sa peine après la perte de son compagnon mystérieux, Hana va s’atteler à une tâche presque insurmontable : sans revenu autre que de maigres économies, comment élever deux enfants impossibles à intégrer dans la société d’une grande ville ? Deux enfants qui n’ont pas encore fait le choix de leur nature, mi-humains mi-loups (ils passent d’un état à un autre par métamorphose, ils ne manifestent pas de caractère hybride à proprement parler – ce qui a son importance pour la suite du récit). Reste la campagne la plus reculée, dans une nature magnifiée presque intacte dans laquelle quelques villageois épars tentent de subvenir à leur besoin tout en regardant d’un œil critique les rares citadins qui s’aventurent parmi eux. Hana, toute jeune femme ayant déjà connu une vie bien pleine, devra reprendre à zéro, réapprendre à vivre tout en veillant farouchement sur sa progéniture. Quant aux deux petits êtres, il faudra bien qu’ils fassent leur choix : l’appel de la forêt toute proche se heurtera aux sirènes de la camaraderie et de la vie parmi les humains. Le choix est-il obligatoire ? Cela équivaudra-t-il à la négation même de sa propre nature, de ses origines ?
Lentement et sans à-coups, le film pose ces questions et fait évoluer ses personnages qui hésiteront, choisiront, regretteront mais n’oublieront jamais. Chacun d’entre eux se frottera à la vie à sa manière, parfois tardivement, parfois contraint jusqu’à un accomplissement qui n’était pas écrit d’avance, mais apparaît, au final, parfaitement logique.
Une belle partition souligne ces épisodes débordant de poésie, de tendresse, souvent tragiques ou doux-amers, quelque part entre Mononoké et Totoro dont on a par moments l’impression de percevoir le regard bienveillant.
Magnifique.
Ma note (sur 5) : |
4,4 |
Note moyenne au Palmarès (classé 1er en août 2012) : |
4,36 |
Okami kodomo no ame to yuki
Mise en scène |
Mamoru Hosoda |
Genre |
Anime |
Production |
Studio Chizu & Mad House ; distribué en France par Eurozoom |
Date de sortie France |
29/08/2012 |
Scénario |
Mamoru Hosoda & Satoko Okudera |
Distribution |
Aoi Miyazaki (voix originale) |
Durée |
117 min |
Musique |
Masakatsu Takagi |
Support |
35 mm |
Image |
1.77 :1 ; 16/9 |
Son |
VF DD 5.1 |
Synopsis : Hana et ses deux enfants, Ame et Yuki, vivent discrètement dans un coin tranquille de la ville. Leur vie est simple et joyeuse, mais ils cachent un secret : leur père est un homme-loup. Quand celui-ci disparaît brutalement, Hana décide de quitter la ville pour élever ses enfants à l'abri des regards. Ils emménagent dans un village proche d'une forêt luxuriante…