Quand je regarde l'écran, l'écran me regarde.
Une mini-série écrite et dessinée par Guy Davis (2001), édition les Humanoïdes associés 2004.
Résumé :A Venisalle, cité baroque d’une France imaginaire, bercée par l’opulence et la décadence, Vol de Galle a voué sa vie à combattre les esprits malins. Et lorsque ses pouvoirs d’Inquisiteur voient leurs limites, c’est sous l’apparence du Marquis qu’il traque les démons ayant pris forme humaine. Mais le doute s’est emparé de lui : et s’il avait été dupé ?
Une chronique de Vance
Encore un succès à mettre à l’actif de ma collaboration aux Illuminati !
C’est que l’œuvre de Guy Davis est d’une consistance étonnante, puisant avec ingéniosité et respect au cœur des mythes modernes et classiques, aux lisières du steampunk et du récit de dark fantasy. L’artiste, qui avait déjà travaillé sur une version punk de Sherlock Holmes, a su créer un monde cohérent et fascinant, dévoilé progressivement au long de la confession que fait Vol de Galle à la statue de la sainte De Massard à laquelle il a voué son existence. Ainsi, à l’instar des séries où le héros évolue dans une ville à l’image de sa psyché torturée (ne serait-ce que la Gotham de Batman, où le quartier de Hell’s Kitchen des meilleurs Daredevil), Venisalle est l’autre protagoniste du récit très dense de la traque permanente du Marquis. Une ville baroque dont les façades bariolées des édifices renvoient aux tourments intérieurs que les hommes vont confesser à tire-larigot histoire de purger leur psyché : Venisalle, d’apparence parfaite, sublime et imposante, étincelante et pure, est rongée par le vice, le stupre et la luxure que les hommes dissimulent sous des masques de Carnaval. Il y a un peu de Dark World dans cette bande dessinée, mais Davis va plus loin avec ce personnage poursuivant une mission sainte sans savoir au départ qu’il avait été le jouet de forces supérieures : les armes dont il dispose, le pouvoir de déceler le démon sous les oripeaux des victimes, ne lui ont pas été donnés par une sainte. La Croisade de Vol de Galle n’est autre qu’un pacte démoniaque.
Il n’y a pas d’innocence, il n’y a pas de honte : les citoyens ne craignent pas les démons, ils se donnent joyeusement à eux.
L’austérité apparente des dessins n’est là que pour mieux enfermer le lecteur dans les affres du personnage central, qui commence sa lancinante confession dès le premier chapitre, nous narrant ses rencontres et ses combats, mais aussi nous éclairant sur les dessous de cette cité qui s’endort chaque soir malgré le poids de ses péchés patents. Davis utilise un langage très cinématographique dans ses découpes de cases et ses inserts et plante le décor avec une science de l’ambiance graphique étonnante. Mieux : il sait dépeindre les corps à corps avec habileté. Le Marquis fait feu avec maestria de ses improbables pistolets à canons rotatifs et transperce les chairs de son épée.
En revanche, on pourra légitimement reprocher aux visages de tous se ressembler (il faut souvent rechercher dans un détail d’habillement pour distinguer deux hommes).
Je voyais au-delà de l’enveloppe humaine, au-delà de la chair… Mon regard se frayait un chemin jusqu’à l’âme des hommes… jusqu’à l’enfer lui-même.
Sincère, puissante et désespérée, cette œuvre mérite largement qu’on s’y attarde.
Ma note : 4,2/5
Citations :
Ne t’écarte pas de ce qui constitue ta foi… car la foi, c’est la Loi.
Vous apprendrez avec l’expérience, mon garçon, que le commun des mortels peut être bien plus versé dans le péché que les démons ne pourraient l’imaginer.
Les hommes sont nerveux, sire général. Ils sont dévorés par le doute, mais encore plus par la peur. Or la peur, c’est la Foi. Et la Foi fait la Force.