Quand je regarde l'écran, l'écran me regarde.
Un roman de Diana Wynne Jones (1986) ã Pocket Jeunesse 2005
Une histoire très riche, pleine de rebondissements et partant dans de nombreuses directions, au point de laisser parfois le lecteur dubitatif : s’il est écrit suivant les préceptes d’un conte de fées traditionnel, avec ses héros, ses adjuvants, ses ennemis et sa quête, il se perd parfois dans certains méandres qui, en agrémentant davantage le tissu de la narration (et contribuant à orner la toile de fond), ont tendance à embrouiller le récit, au point que les motivations de certains des personnages apparaissent floues. Cela dit, cette impression est peut-être due à la traduction d’un ouvrage qui aurait été facile d’accès s’il s’était débarrassé de certaines scories. L’auteur fourmillait sans doute d’idées et a cherché à les placer dans un texte qui n’a que l’apparence du conte pour enfants – il fait partie de cette longue litanie d’ouvrages spontanément apparus dans la liste des collections « Jeunesse » alors qu’ils faisaient naguère partie des catalogues adultes (comme le Seigneur des Anneaux). Il est vrai que la littérature de jeunesse a connu une embellie qui lui fait étiqueter comme tel à peu près tout et n’importe quoi depuis le succès phénoménal des Harry Potter.
Or ce livre est bien répertorié comme « livre pour enfants », édité chez Pocket Jeunesse sous le numéro J1273 avec un bandeau précisant « A partir de 11 ans ». Certes, la trame n’est pas des plus originales, et les péripéties de Sophie Chapelier se suivent sans déplaisir, d’autant que les lieux et les personnages ont ce pittoresque non éculé par les adaptations de Walt Disney. Et puis, ce château qui bouge, dont la porte principale ouvre sur quatre destinations différentes (dont une située dans un autre monde), est en soi une merveille d’imagination. Car l’histoire mêle avec malice quelques éléments du bestiaire des contes à d’autres plus fantastiques, dans une ambiance poétique. Les énigmes qui parsèment l’ouvrage ne sont pas des plus aisées et peuvent échapper à la compréhension des plus jeunes qui préfèreront se rabattre sur la psychologie de Calcifer, le charmant démon du feu dont le pacte passé avec Hurle (Howl dans la version originale) constitue la pierre angulaire de l’histoire ; Hurle lui-même, magicien séduisant mais à la sombre réputation, au caractère fantasque et capricieux ; Sophie, morose mais volontaire, soupe au lait mais pleine de compassion. L’aventure de sa vie est traitée à travers son point de vue, ce qui fait que certaines notions nous sont éludées. Et sous les coups de théâtre, les expérimentations de Michael (le jeune adjoint de Hurle), les soucis de Sophie pour sa famille et la menace grandissante de
Demeure un problème, et il est de taille : l’adaptation de Miyazaki (dans le Château ambulant). Si le cadre, les personnages et les enjeux sont à peu près les mêmes, le génial réalisateur nippon a sensiblement dévié de la ligne directrice à mi-parcours, simplifiant la narration et modifiant même les caractéristiques de certains des personnages (au lieu du pays natal de Hurle, l’une des portes du château mène dans son passé ; Calcifer voit ses origines réécrites ; les sœurs de Sophie sous carrément mises sous l’éteignoir et l’Epouvantail à tête de navet voit son rôle subtilement changé, de même que les différents avatars de chiens – les amoureux du Chien asthmatique ne le retrouvent pas dans le livre). Du coup, il faut bien l’avouer, le film d’animation des studios Ghibli est nettement plus cohérent, bien que la relation particulière entre Hurle (Hauru dans l’anime) et Sophie ait été maintenue.
Au final, le livre est plaisant, dégageant un charme désuet tout en cultivant le paradoxe d’être plutôt moderne et parfois inventif. Un côté très britannique qui le distingue des contes populaires et dont on comprend qu’il ait charmé Miyazaki.
Un grand merci à Cécilia qui m'a offert ce livre.
Vous trouverez sur cette page une présentation du premier livre d'une série du même auteur dont on dit beaucoup de bien outre-Manche.