Quand je regarde l'écran, l'écran me regarde.
Comme pour sa précédente réalisation (la Passion), le buzz autour du projet était très intense. Mel Gibson avait à cette époque le don d’attirer sur lui les foudres de certains bien-pensants qui se croyaient obligés de descendre le film avant même les premières projections, obéissant à quelque ordre impérieux issu d'une morale systématiquement réprobatrice.
Le fait est qu’Apocalypto est déroutant. Brut(al), sans compromis, c’est moins une chronique historique pointue qu’une histoire assez naïve, ni subtile, ni surprenante : les duels et confrontations sont annoncés dès le départ et leur résolution est dans l’ordre des choses. Un western basique dans la jungle, avec quelques idées qui rappellent Predator (le défi jeté aux cieux, l’utilisation de l’eau, de la boue et des éléments végétaux), sur une ligne inspirée de Braveheart, en plus animal.
Et pourtant, cette facette primaire procure déjà son lot de scènes jouissives, grâce à un sens aigu du rythme, une maîtrise ahurissante des données climatiques ou géographiques et cette énergie viscérale, atavique, proche de la sauvagerie, que Gibson insuffle dans certaines séquences. De l’attaque du village à la course-poursuite enlevée, pas de répit, pas de pause. Pas de fioriture non plus : les coups portés sont rehaussés par une bande son donnant la part belle aux bruitages et par des ralentis à foison. Pas de sentiment : les lames d’obsidiennes tranchent la peau, déchirent les entrailles, font jaillir le sang.
Il y a quand même ce moment intermédiaire où les prisonniers sont menés à la cité. Une procession (inutilement) lente, qui casse le rythme et dilate le temps, pendant laquelle se multiplient les grosses ficelles (le sadisme des sous-chefs, la malédiction de la fille malade, le symbolisme de l’éclipse). Une partie qui nous montre les temples et la civilisation dans toute sa gloire décadente avec force panoramiques descriptifs et qui fascine autant qu’elle ennuie. Elle nous dévoile un Gibson complètement sincère dans son approche, même si maladroit.
Le tout laisse songeur : on se surprend à apprécier la virtuosité de la caméra numérique, l’aspect survival bourrin, puis on culpabilise en pointant du doigt les facilités et la faiblesse de l’intrigue, voire les libertés prises avec l’Histoire (qu’on connaît pourtant mal). Cet homme qui se débat dans une société dans laquelle il ne se reconnaît pas avant de retrouver son élément naturel et d’y puiser sa force, s’il ne parvient pas à émouvoir, nous renvoie les échos d’un cinéma particulier, primitif et naturel, un peu provocateur mais pas aussi malsain qu’on nous le dit. On y parle d’honneur bien plus que de vengeance, car pour se venger, il faut d’abord survivre.
Tétanisant, dérangeant et, au final, plaisant.
J’ai beaucoup aimé.
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Titre original |
Apocalypto |
Réalisation |
Mel Gibson |
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Date de sortie |
10 janvier 2007 avec Quinta Distribution |
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Scénario |
Mel Gibson & Farhad Safinia |
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Distribution |
Rudy Youngblood, Raoul Trujillo & Dalia Hernandez |
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Photographie |
Dean Semler |
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Musique |
James Horner |
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Support & durée |
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