Quand je regarde l'écran, l'écran me regarde.
Cinq ans auparavant, Nico nous demanda d'évoquer les films "qui nous rendaient heureux", ces feel good movies pour lesquels les Anglo-Saxons ont un don particulier, parvenant à inscrire durablement dans notre inconscient des oeuvres en apparence anodines. Même si de nombreuses références ont alors surgi de mon esprit enfiévré, le premier qui s'imposa fut : le Meilleur/the Natural. Ca tombe bien, le film fête ses 30 ans d'exploitation en salles chez nous, l'occasion d'exhumer un vieil article et de le dépoussiérer quelque peu.
J'en ai déjà parlé, mais ce film très américain sur la seconde chance, le don, le sport et ses valeurs humanistes, mais également si romantique dans sa conception et si mythologique dans sa portée, servi par un très grand Redford et une partition qui me fait irrémédiablement fondre, ce film disais-je, je peux me le repasser en boucle ou m'en sélectionner inlassablement les moments forts (la bande de feue la VHS a évidemment souffert de mes impulsions) - comme cette tension appuyée par un crescendo inouï (de la foule et de la musique) au moment où Roy Hobbs va frapper la balle pour la première fois alors qu'il a attendu des semaines que son coach l'appelle : un climax avant l’heure, qui se retrouve mais décuplé à la toute fin, dans ce match de la dernière chance où le destin d'une équipe, d'un club, d'un entraîneur et de ses confrères reposent sur sa propre capacité à surmonter la douleur (de sa blessure handicapante et de ses doutes) et à faire appel à ce don qu'il a cultivé par amour pour un père trop tôt disparu (la relation paternelle se traduit souvent aux Etats-Unis par l’image du père et du fils se lançant la balle, comme un rite de passage obligé – ils l’évoquent abondamment dans l’interview qu’organise Kevin Costner avec trois stars des Major Leagues en supplément du blu-ray de Jusqu’au bout du rêve).
C'est ce point d'orgue et cette délivrance qui me font vibrer, qui me font aimer le cinéma dans ce qu'il a de plus libérateur et merveilleux.
Je trouve que les Américains savent particulièrement bien se servir de ce suspense lié naturellement au sport pour en faire, sinon de grands films, du moins des séquences inoubliables. La trame des oeuvres fondées sur la vie d'un sportif hors du commun est souvent prévisible, inscrite dans le marbre, calquée sur celle des héros mythologiques dont ils sont les héritiers putatifs : grandeur, décadence et rédemtion. Ils finissent souvent par se ressembler. Mais celui-ci a une valeur particulière à mes yeux, notamment parce que, bizarrement, il n'est pas très connu : du coup - ça peut paraître ridicule, je le conçois - c'est un peu comme s'il était mon film à moi, je peux en parler à loisir comme d'une perle dénichée au hasard d'une errance en vidéoclub (alors que je l'ai vu pour la première fois sur la défunte 5, enregistré sur une VHS usée jusqu'à ce que l'achat d'un DVD vienne lui promettre une mort digne – jusqu’à ce que l’acquisition d’un blu-ray enterre le dit DVD, avec un bon quart d’heure de métrage inclus en plus), je peux le vanter sans pontifier, en narrer chaque détail avant de le prêter avec un mélange d'excitation et d'angoisse anticipée, espérant que cet ami partage un peu de mon plaisir si personnel et redoutant de me heurter à son incompréhension polie.
Titre original |
The Natural |
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Réalisation |
Barry Levinson |
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Date de sortie |
19 septembre 1984 avec TriStar |
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Scénario |
Phil Dusenberry d’après le roman de Bernard Malamud |
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Distribution |
Robert Redford, Glenn Close, Robert Duvall & Kim Basinger |
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Photographie |
Caleb Deschanel |
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Musique |
Randy Newman |
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Support & durée |
Blu-ray Sony (2010) Region All en 1.85:1 / 138 min |
Synopsis : En 1918, le rêve de Roy Hobbs est de devenir un grand joueur de Base-Ball. Il y parvient six ans plus tard lorsque sa carrière s'interrompt brutalement quand une femme lui tire dessus. Il reprend la compétition de haut niveau quinze ans après et mène son équipe à la victoire. Victoire qui, semble-t-il, n'est pas au goût de tout le monde.
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Critique du "Meilleur" par Ysengrimus