Quand je regarde l'écran, l'écran me regarde.
C’est un OFNI dans le paysage cinématographique contemporain. Matrix Resurrections de Lana Wachowski sort enfin en vidéo. L’occasion de découvrir ou redécouvrir cette extraordinaire suite méta, qui prend à contrepied toutes les attentes et dont les nombreuses maladresses et critiques que l’on peut faire à son encontre semblent paradoxalement jouer en sa faveur. Décevant mais également jubilatoire et stimulant. En voici un test UHD.
Synopsis : Deux réalités parallèles – celle de notre quotidien et celle du monde qui s’y dissimule. Pour savoir avec certitude si sa réalité propre est une construction physique ou mentale, et pour véritablement se connaître lui-même, M. Anderson devra de nouveau suivre le lapin blanc. Et si Thomas... Neo... a bien appris quelque chose, c’est qu’une telle décision, quoique illusoire, est la seule manière de s’extraire de la Matrice – ou d’y entrer... Bien entendu, Neo sait déjà ce qui lui reste à faire. Ce qu’il ignore en revanche, c’est que la Matrice est plus puissante, plus sécurisée et plus redoutable que jamais. Comme un air de déjà vu…
Que cela fait un bien fou de voir un film qui, on le sait, va susciter autant d’admiration que de rejet ! Un film tout sauf fade, tout sauf consensuel, aux antipodes de la production cinématographique hollywoodienne actuelle. Car c’est explicite dans son long-métrage : si Lana Wachowski a accepté d’écrire et de réaliser cette suite, c’est pour éviter que les exécutifs de la Warner - bien décidés à relancer la franchise - n’en fassent n’importe quoi ! Et en cela, Matrix Resurrections est une œuvre unique, qui prend à contrepied toutes les attentes pour proposer aux fans une réflexion sur leur rapport au média et à la pop culture, plutôt qu’un énième gros blockbuster insipide de plus. Parce que Lana sait qu’elle ne pourra probablement pas réitérer l’exploit de réinventer le genre, que ce soit par sa mise en scène ou ses effets spéciaux. Le Bullet-Time a tellement été copié depuis 20 ans que l’effet est presque devenu ringard aujourd’hui, et rares sont les films qui impressionnent encore réellement les spectateurs grâce à leurs images de synthèse (le Neo virtuel de Reloaded, malgré son aspect factice, était un tour de force incroyable à son époque).
Ainsi, ne regardez pas Matrix Resurrections pour ses scènes d’action : elles sont brouillonnes et totalement inutiles dans le récit. Deux hypothèses : soit Lana Wachowski s’en moque totalement et les enchaîne comme des passages contractuellement obligés, soit on devait la réussite de celles des premiers épisodes à sa sœur Lilly et à Yuen Woo-Ping. Toujours est-il que l’on ne retrouve quasiment jamais les sensations éprouvées devant des séquences telles que celle de l’autoroute dans Reloaded. Au moins, vous êtes prévenus : par rapport à la trilogie des années 2000, ce quatrième épisode est plus modeste. Et cela se remarque d’ailleurs jusque dans ses décors, peu variés et inspirés. Mais qu’à cela ne tienne, si Matrix Resurrections n’assure pas niveau spectacle, il trouve son intérêt dans son scénario. Une histoire finalement très proche de celle du tout premier Matrix. Et qui en fait une bien meilleure conclusion que celle de Revolutions. Oubliez la science-fiction, Matrix est une romance. Autant qu’un film méta qui réfléchit sur le pouvoir de la fiction, sur ce que les créateurs arrivent à transmettre au public. Un film plus Punk que Cyber. Il y a du Ready Player One dans le film de Lana Wachowski !
Tout n’est clairement pas parfait, de nombreuses idées sont à la limite du ridicule (Lambert Wilson…) ou simplement sous-exploitées (la nouvelle alliance Hommes-Machines), et l’on comprend que cette suite ne puisse faire l’unanimité. Mais toutes ses maladresses et les critiques que l’on pourrait faire à son encontre nous semblent paradoxalement jouer en sa faveur : cela rend le long-métrage plus « humain ». Comme par exemple cette sensation d’un tournage en improvisation totale (ce qui n’est pas le cas bien entendu) avec ses raccords douteux comparé à la rigueur de la trilogie. Et peu importe ce que l’on pense de ce Matrix, l’on ne peut remettre en doute la sincérité de Lana Wachowski, une artiste entière qui ne cède pas aux sirènes d’une industrie qui tourne en boucle sur elle-même sans se remettre en question. Forcément décevant, parce que c’est une suite tardive à l’une des trilogies de SF les plus importantes de l’Histoire du cinéma moderne, mais surtout constamment jubilatoire et stimulant !
S’il y a bien consensus, c’est sur la qualité technique de l’édition UHD de la Warner. La copie 4K de Matrix Resurrections est absolument superbe. Le master serait a priori 4K d’origine, et non du 2K amélioré. Si l’on ne peut pas le confirmer, toujours est-il que le résultat à l’écran ne déçoit pas. Ayant été tourné en numérique, le film offre une image bien définie, colorée, sans aucun défaut de compression. Les noirs sont profonds, et la quasi totalité du long-métrage profite du HDR puisque les sources de haute lumière sont extrêmement nombreuses. Du très bon boulot. On ne pourra en revanche nier que l’aspect numérique - bien plus prégnant sur ce film que sur la majorité des autres productions tournées dans ce format - est assez étonnant, voire tout simplement moche. C’est une question de goût, mais certaines scènes sont vraiment à la limite d’avoir le rendu d’une série TV. Cela tranche encore plus radicalement avec l’image des précédents épisodes de la trilogie, qui sont d’ailleurs visibles dans de nouveaux master 4K très satisfaisants (avec quelques réserves sur le nouvel étalonnage).
Quant au son, en Dolby Atmos VO et VF (oui oui !), il est également de grande qualité. Des effets directionnels constants, de belles basses, une dynamique très correcte et des voix audibles. Tout ce que l’on attend des pistes d’un film à grand spectacle actuel. Ne vous attendez pas non plus à avoir le même rendu que les pistes son de la trilogie originale. Celles-ci étaient bien plus démonstratives.
Le Blu-ray vendu avec l’UHD est très convaincant. Si l’image est un peu moins nette et colorée, elle n’en demeure pas moins très satisfaisante. VO et VF sont également en Dolby Atmos.
Les bonus se trouvent sur le Blu-ray. De nombreuses featurettes et deux documentaires making-of revenant sur la genèse du film. Des suppléments très sympathiques. Pas la même portée que la fameuse option « lapin blanc » du premier DVD de Matrix, mais pour une édition actuelle, c’est plus que recommandable.
Titre original |
The Matrix Resurrections |
Date de sortie en salles |
22 décembre 2021 avec Warner Bros. |
Date de sortie en vidéo |
21 avril 2022 avec Warner Home Video |
Date de sortie en VOD |
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Réalisation |
Lana Wachowski |
Distribution |
Keanu Reeves, Carrie-Anne Moss, Yahya Abdul-Mateen II, Jonathan Groff, Jessica Henwick, Neil Patrick Harris, Jada Pinkett Smith, Priyanka Chopra Jonas, Christina Ricci & Lambert Wilson |
Scénario |
Lana Wachowski, Lilly Wachowski, David Mitchell & Aleksandar Hemon |
Photographie |
John Toll |
Musique |
Johnny Klimek & Tom Tykwer |
Support & durée |
Blu-ray UHD 4K Warner (2022) region ALL en 2.39:1 / 148 min |