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Quand je regarde l'écran, l'écran me regarde.

Bella : en vidéo depuis le 1er mai 2021

Bella : en vidéo depuis le 1er mai 2021

Synopsis : Ancienne gloire du football, aujourd'hui cuisinier dans le restaurant mexicain de son frère, José s'est retiré du monde mais quelque chose l’intrigue chez Nina, une jeune serveuse qui vient d’être renvoyée. Au cours d’une longue journée ordinaire à New York, ils vont non seulement affronter leur passé, mais découvrir comment le pouvoir de guérison d'une famille peut les aider à embrasser l'avenir.

On peut dire qu’il aura pris son temps.

Lorsqu’en 2006 Bella est présenté au Festival International du Film de Toronto, il ne dispose pas des atouts des autres métrages en lice, certains étant carrément des poids lourds et attendus au tournant : pourtant, ce n’est ni le Babel d’Iñárritu, ni le Black Book de Verhoeven, ni Une grande année de Ridley Scott ou Volver d’Almodóvar, the Fall de Tarsem Singh ou the Fountain d’Aronofsky, le Vent se lève de Ken Loach ou encore the Host de Bong Joon-ho, ni même Election de Johnnie To qui seront récompensés cette année-là, mais un petit film américano-mexicain qui remporte le Prix du Public et se lance dans la course aux Oscars (où il ne fera pas long feu, malheureusement). Incroyable.

Sur le papier, on ne voit pas bien ce qui a pu mettre cette obscure production en avant et on se dit que ce devait être une sorte de tire-larmes construit sur les schémas imparables des téléfilms dramatiques envahissant les après-midis des chaînes hertziennes : les spectateurs ont été émus, c’est tout, pas de quoi en faire un chef-d’œuvre.

Bella : en vidéo depuis le 1er mai 2021

Cela dit, ça ne reste pas suffisant pour décrocher un Grand Prix d’un Festival majeur (et ce ne fut pas le seul que Bella décrocha d’ailleurs). Alors voyons de quoi il en retourne précisément.

Les premières minutes de lecture du DVD sont capitales, et un esprit chagrin aurait pu ne même pas aller au-delà des bandes-annonces du distributeur : Saje Distribution, fondée en 2012 par Hubert de Torcy, est en effet spécialisée dans les films « d’inspiration chrétienne » et le péplum annoncé n’est autre qu’un biopic sur Saint-Augustin… OK, donc on voit tout de suite de quoi il en retourne.

Sauf que… en fait, pas vraiment. Et cette anticipation a de quoi d’abord agacer puis agréablement surprendre car là où on s’attend à du cousu de fil blanc et de gros sabots sur le pouvoir de la foi, la rédemption, le pardon et la miséricorde, on se retrouve avec exactement ce qui est annoncé sur la jaquette (pour une fois pas du tout mensongère) : un drame intimiste tout en délicatesse. Alors oui, on devine aisément certains des ressorts du film mais le dernier quart nous réserve quelques jolies surprises mises en scène avec malice et tact.

L’ouverture se fait sur une plage : un jeune homme barbu contemple une scène de joie entre des enfants qui s’amusent ; l’insistance de son regard, où on ne parvient à se décider pour de l’affection ou de la nostalgie, finit par inquiéter un couple de personnes âgées qui s’empresse de héler les gamins.

Et on saute dans le passé : une rue de New-York, un ultra bôgosse latino taquine quelques garçons qui jouent au foot avec une balle fatiguée ; José est sur son trente et un car il s’apprête à signer dans un grand club de « soccer », pour le plus grand bonheur de son manager de frère. Les voilà partis pour le contrat de leur vie dans une magnifique décapotable vintage.

Bella : en vidéo depuis le 1er mai 2021

Puis on saute, beaucoup plus tard cette fois-ci, au sein d'un restaurant latino qui se prépare au coup de feu de midi. On n’a aucun mal à reconnaître très vite le chef : malgré sa barbe, ce beau ténébreux aux yeux rêveurs et à la moue boudeuse, c’est le José qui s’envolait vers la gloire, c’est aussi l’homme qui perdait son regard dans les vagues de l’océan (au début du film, vous suivez ?). Quelque chose de grave lui est arrivé, on le comprend aisément, mais il semble se complaire dans cet emploi usant, au service d’un frère exigeant (c’est le patron du resto), sans se plaindre, sans s’énerver. Sa brigade l’adore et le respecte et il sait admirablement bien tempérer les ardeurs du frangin parfois tyrannique. Sauf qu’aujourd’hui Nina est en retard. On l’a vue peu de temps auparavant, se précipiter pour prendre le train après avoir acheté un test de grossesse. Oui, vous voyez le tableau : Nina est en retard et elle est enceinte. Ce n’est pas un spoiler car cette évidence est criante. Mais son retard est de trop pour un Francisco au bord de l’implosion : elle est renvoyée sans autre forme de procès. On imagine l’état d’esprit de cette jeune femme qu’on devine seule et qui va devoir affronter une grossesse vraisemblablement non désirée.

Bella : en vidéo depuis le 1er mai 2021

C’est là qu’intervient José. On sentait dans ses iris troublés une peine incompressible, et sa mutité cachait mal une forme de souffrance qu’il traduisait par des élans de générosité et un investissement permanent dans un travail ardu. Quelque chose le pousse à accompagner Nina, au moins jusqu’à la gare ; il ne dit pas grand-chose mais écoute gravement. Puis finit par l’emmener manger chez une amie qui tient un autre restaurant, laissant de but en blanc son équipe en cuisine au pire moment de la journée.

C’est le début de leur petit périple à deux : Nina s’ouvrira un peu à cet homme si bon et si attentif, qui choisit des destinations aussi étonnantes que pertinentes sans jamais donner l’impression d’attendre autre chose qu’une simple complicité et une oreille réciproque. Ensemble, ils iront chez ses parents à lui et elle découvrira enfin l’origine de ses fêlures et le cadre de vie dans lequel il a grandi.

José parle peu mais montre beaucoup. A son image, les dialogues laissent souvent place à des non-dits terriblement évocateurs, et certaines sentences inaudibles claquent comme des évidences morales. Quelque chose de fort va se nouer entre ces deux-là et, bien loin des romances tragiques des téléfilms évoqués plus haut, un pacte tacite va se créer qui les liera à jamais.

Bella : en vidéo depuis le 1er mai 2021

Avec un souci constant d’authenticité, le réalisateur s’attarde surtout sur les visages de ces acteurs magnifiques qui sourient et pleurent avec élégance. Eduardo Verastegui, qui a commencé sa carrière au cinéma en misant sur son physique avenant (on l’a appelé le « Brad Pitt mexicain »), apparaît comme une sorte de figure christique en adéquation parfaite avec son personnage. Il faut dire que l’acteur s’est très tôt tourné vers des préoccupations moins futiles que le show-business et se trouve à la tête de nombreuses associations caritatives ; sa société de production a d’ailleurs co-financé le film. En face de lui Tammy Blanchard campe une sorte de petite sœur d’Hilary Swank, souvent sur la défensive mais sensible et juste.

Bella : en vidéo depuis le 1er mai 2021

A eux deux, bien aidés par une bande son discrète mais agréable et un montage habile insérant ce qu’il faut de flash-backs dans le récit de cette journée qui décidera de la vie et de l’avenir de deux êtres en perdition, ils hissent ce film modeste au rang de ceux qui laissent quelques souvenirs délétères pleins d’allégresse et de tendresse, qui vous montrent avec acuité ces petits riens qui font les grands touts de l’existence, ces décisions qui peuvent vous perdre et ces autres susceptibles de vous sauver, ces promesses qui vous honorent et ces principes qui vous définissent. On se surprend à sourire en chœur, à s’émouvoir de leurs aveux, à s’émerveiller de leurs trouvailles et à se réconforter dans ces scènes toutes simples de vie de famille.

Privilégiez autant que possible la version originale pour le plaisir d’entendre l’accent chantant de l’espagnol mexicain.

Une jolie découverte.

Titre original

Bella

Date de sortie en salles (USA)

30 novembre 2007 avec Roadside Attraction

Date de sortie en vidéo

1er mai 2021 avec Saje Distribution

Date de sortie en VOD

1er mai 2021

Réalisation

Alejandro Monteverde 

Distribution

Eduardo Verastegui, Tammy Blanchard, Manny Perez & Ali Landry

Scénario

Alejandro Monteverde, Patrick Million & Leo Severino

Photographie

Andrew Cadelago

Musique

Stephan Altman

Support & durée

DVD Saje (2021) zone 2 en 1.77:1 /88 min

 

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