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Quand je regarde l'écran, l'écran me regarde.

le Jeune Messie, en vidéo le 19 mars 2020

le Jeune Messie, en vidéo le 19 mars 2020

La période pascale est toujours propice à la diffusion, car au visionnage, de films tournant autour de la thématique du Christ, voire des piliers de la religion chrétienne. Sous-genre particulier du peplum, le film biblique exalte les valeurs dans un mélange parfois indigeste de grands sentiments, de visions exaltées, de messages rebattus dans une ambiance où le kitsch le plus sublime côtoie le dépouillement le plus propice au recueillement. Dans la gestion des nombreux figurants comme dans la multiplication des décors et costumes ou encore dans la composition de musiques ronflantes ou solennelles, les producteurs et les réalisateurs se contredisent parfois, se neutralisent souvent, à moins qu’ils ne travaillent de concert à un projet porté par une foi incontestable phagocytant toute considération purement technique ou artistique.

De Ben-Hur à la Plus Grande Histoire jamais contée, de la Tunique à la Passion du Christ, de Barabbas à l’Evangile selon Saint-Matthieu, les projets divergent dans leur style comme dans leur portée mais finissent immanquablement par dire les mêmes choses, quand bien même ils seraient teintés d’iconoclastie voire d’hérésie. Qu’on soit chrétien ou non, ils éveillent en nous quelque élan enfoui, quelque pulsion messianique oubliée, comme l’écho de croyances ataviques dont notre civilisation est issue. Car malgré ses excès, la violence, les souffrances ou les tortures qu’elle a inévitablement engendrées, la religion sait aussi catalyser ce qu’il y a de plus fort en l’homme, le porter dans l’accomplissement de certaines de ses œuvres les plus ambitieuses.

Si la fin de l'ère des grands studios a également signé la fin des projets pharaoniques (dans tous les sens du terme), elle n’a pas empêché d’autres productions, parfois plus confidentielles, moins clinquantes, mais cherchant à délivrer une autre vision, une autre approche, un autre point de vue sur le destin hors du commun de ces hommes qui peuplent la Bible.

le Jeune Messie, en vidéo le 19 mars 2020

Du coup, faire un film sur Jésus n’est pas une mince affaire : soit on suit le mouvement, on reste dans les clous (c'est-à-dire qu’on respecte le canon évangélique) et on contente la papauté tout en ennuyant le cinéphile moyen, soit on essaie quelque autre argument, quelque autre exégèse capable de réveiller l’intérêt assoupi du spectateur tout en risquant les foudres des institutions chrétiennes, juives ou autres. Les foules amassées devant les salles projetant la Dernière Tentation du Christ ont peut-être réfréné certaines ardeurs, mais ont contribué à la notoriété du film, qu’il soit objectivement réussi ou pas.

le Jeune Messie, en vidéo le 19 mars 2020

Nous voici aujourd’hui devant un objet filmique hybride qu’il n’est pas aisé d’appréhender. Il s’agit de l’adaptation d’un récit d’Anne Rice, écrivaine mondialement célèbre depuis Entretien avec un vampire, et qui s’était récemment convertie au catholicisme avant d’opter vers 2010 pour un christianisme indépendant et plus tolérant. Out of Egypt (2005, non encore traduit en France) retrace un épisode peu détaillé de la vie du Messie, depuis les dernières semaines de son séjour en Egypte avec ses parents jusqu’à son retour en Palestine : alors qu’il n’est encore qu’un enfant en quête d’identité, il réalise déjà des miracles et suscite questionnements et méfiances tout autant qu’admiration et respect. Rice se serait appuyée sur différents textes dont bon nombre ne font pas partie du canon catholique (tel l’Evangile de Pierre) afin de dépeindre un garçon de sept ans à mi-chemin de l’illumination, avant qu’il soit prêt à arpenter le chemin de sa destinée. Mais le contexte politique n’est guère propice à son retour, et le roi Hérode, fils éponyme d’un père génocidaire, est déjà prêt à l’éliminer alors que les rumeurs enflent sur ce jeune garçon doté de pouvoirs mystiques. Quant à Jésus lui-même, il s’interroge : ses parents ne lui ont pas encore révélé son origine, craignant qu’il soit trop jeune pour comprendre les implications de l’Immaculée Conception, mais il commence à déceler l’impact de ses actes, de ses choix et de son existence sur les gens qu’il est amené à fréquenter. Le garçon se cherche un destin et a besoin de guides spirituels, et l’éducation même protectrice et aimante de ses parents ne lui suffit plus.

le Jeune Messie, en vidéo le 19 mars 2020

Tourné dans des extérieurs somptueux (comme dans la région Basilicate en Italie) et au sein des fameux plateaux de Cinecittà, le Jeune Messie dispense des séquences un peu monotones avec application, sans excès ni voyeurisme. L’interprète principal parvient à faire son job avec suffisamment de talent pour retenir l’attention et tenir la dragée haute à quelques vieux routiers des écrans (on retrouvera quelques-unes des figures de séries telles Game of Thrones). Si Sean Bean est mis en avant sur les affiches, il n’occupe ici qu’un rôle secondaire, quoique pas anecdotique, celui d’un officier romain sommé par Hérode de stopper la menace que représente Jésus.

le Jeune Messie, en vidéo le 19 mars 2020

Une belle photographie mettant en valeur décors et paysages, une musique assez discrète laissant les acteurs s’exprimer sereinement sous-tendent une réalisation sans éclat ni ambition. Tout comme dans le film controversé de Mel Gibson, on s’interroge sur ce personnage tiers, démon invisible aux yeux de tous sauf du futur Christ, qui intervient dans sa vie afin de tester ses capacités, poussant les esprits belliqueux, colériques ou faibles à agir. Si on comprend son utilité dans la trame du script, on adhère mal à son utilisation, maladroite, manquant cruellement de subtilité.

Voir le personnage du Christ encore en devenir, incarné dans un garçon poli, souriant mais perplexe quant à son avenir et sa mission, est une gageure assez stimulante. Le DVD de Saje Distribution, disponible depuis le 19 mars, permettra de s’en faire une bonne idée en ces temps confinés propices à la réflexion et à la recherche d’une certaine sérénité.

Titre original

The Young Messiah

Date de sortie en salles (USA)

11 mars 2016 avec Focus Feature

Date de sortie en vidéo

19 mars 2020 avec Saje Distribution

Date de sortie en VOD

19 mars 2020

Photographie

Joel Ransom

Musique

John Debney

Support & durée

DVD Saje (2020) en 2.35 :1/111 min

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S
J’aime beaucoup votre blog. Un plaisir de venir flâner sur vos pages. Une belle découverte et un blog très intéressant. Je reviendrai m’y poser. N’hésitez pas à visiter mon univers (lien sur pseudo) Au plaisir.
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