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Quand je regarde l'écran, l'écran me regarde.

[critique] le Hobbit : la Bataille des Cinq Armées

Voici donc le dernier chapitre de la trilogie du Hobbit de Peter Jackson, celui qui clôt non seulement les aventures de Bilbon mais également toute la saga de La Terre Du Milieu démarrée avec Le Seigneur Des Anneaux en 2001. Un film qui tient toutes ses promesses, même si l'on attendra d'avoir plus de détails sur la version longue annoncée pour être rassurés quant à certains éléments restés en suspens dans ce montage cinéma étonnamment plus court que ce à quoi le réalisateur Néo-Zélandais nous avait habitués. Pas de quoi bouder notre plaisir cependant, La Bataille Des Cinq Armées est un idéal de divertissement.

Autant le dire de suite, La Bataille Des Cinq Armées ne sera réellement un film complet que lorsqu'il sortira en version longue. Peter Jackson l'a annoncé directement, son montage sera plus long de 30 minutes, et nul doute qu'il sera bénéfique à l'œuvre qui sort la semaine prochaine. On sait depuis Le Seigneur Des Anneaux que les versions qui sortent en vidéo au mois de novembre de l'année suivante sont les plus intéressantes, les mieux rythmées, bref celles qui sont les plus conformes à la vision du réalisateur, même s'il a toujours déclaré que ses montages cinéma devaient être considérés comme étant les films idéaux. Pourtant, on se souvient tous à quel point les scènes supplémentaires des Deux Tours ou du Retour Du Roi en faisaient des films largement meilleurs. Il semblerait néanmoins que les 15 minutes ajoutées au Hobbit : Un Voyage Inattendu en aient refroidis plus d'un, comme si la quantité de matériel additionnel avait une quelconque influence sur sa qualité, au point que beaucoup considèrent les versions longues de la nouvelle trilogie jacksonienne comme superflues et opportunistes. Il n'en est évidemment rien, tant à la vision de ce troisième épisode l'on comprend en quoi chaque ajout des deux versions longues précédentes a de l'importance, aussi « ridiculement » minime soit-il (l'attirance de Kili pour les elfes, les pierres de Thranduil, Thrain…). De là à penser que beaucoup s'étaient déjà forgés un avis négatif sur la nouvelle trilogie de Peter Jackson avant même la sortie du premier film, il n'y a qu'un pas que l'on peut aisément franchir : de toute évidence, Le Hobbit est comme parasité par la réussite de l'adaptation du Seigneur Des Anneaux. Il faut dire que sa production chaotique ne doit pas être pour rien dans ce constat, et que le fait de savoir autant de détails sur la construction de l'œuvre filmique bien en amont de sa sortie officielle a probablement dû jouer sur les attentes et les préjugés. Si la production avait dès le départ annoncé vouloir faire une trilogie, peut-être que les spectateurs auraient moins eu à redire sur la pertinence de la démarche.

Pour redonner notre point de vue sur la question, et à la lumière de cette troisième partie, il nous apparaît une fois de plus relativement évident que Le Hobbit y a beaucoup gagné à reproduire le même schéma que Le Seigneur Des Anneaux, conférant un aspect cyclique à l'histoire fort intéressant dans ses similitudes et dans ses écarts. Toute la construction de la Terre du Milieu s'est faite sur des contes, des récits, que chaque génération aime à transmettre (en témoignent les nombreux passages des deux trilogies où un personnage fait référence à un événement passé comme le cousin de Bilbon qui inventa le jeu de golf, Sam demandant à Frodon si leur aventure serait un jour racontée, les deux livres écrits par les deux héros des deux trilogies). Le parti-pris de Peter Jackson ne semble ainsi plus si « commercial » que cela (pour reprendre un terme mal utilisé) et devient au contraire vraiment pertinent. Les événements du Seigneur Des Anneaux devraient même prendre une nouvelle dimension à la suite du Hobbit (notamment sur le pouvoir évocateur des parcours opposés de Thorin et d'Aragorn).

Quant aux nouveaux montages proposés par Peter Jackson, on peut dire qu'ils n'ont rien à envier à ceux de la première trilogie. Et plus que jamais, La Bataille Des Cinq Armées se verra grandement améliorée par l'ajout de scènes d'ores et déjà annoncées (et pour certaines vues dans le teaser de cet été !). En réalité, pour la première fois, l'on se dit que la version cinéma ne peut se suffire à elle-même, car le réalisateur de Bad Taste ne s'était jamais permis de faire autant de coupes sur des éléments pourtant importants de l'intrigue dans ses autres montages. Disons-le d'emblée, ce n'est pas un hasard si ce film est le plus court de tous. Peter Jackson ne le cache plus, le montage que vous verrez au cinéma cette année n'est qu'un brouillon de la véritable version qui sortira l'an prochain. Un montage totalement en phase avec les attentes des spectateurs cinéma et des programmateurs, qui demandent à avoir un spectacle rythmé, plus court, sans les fameuses « fins à rallonge » du Retour Du Roi. On se retrouve ainsi avec un film qui va trop vite, qui ne prend quasiment jamais son temps, et qui laisse en suspens nombre de sous-intrigues pourtant importantes à la cohérence du récit. Attention aux légers spoilers, mais en gros Beorn n'apparaît que 10 secondes, il n'y a aucune conclusion à l'arc de Radagast (ni aucune mention sur le fait qu'il donne ses affaires à Gandalf, un élément pourtant soulevé dans le commentaire audio du premier épisode), ni d'ailleurs à ceux d'autres personnages comme Thranduil (que deviennent les pierres qu'il convoite tant ?), Bard (que devient-il ?) et d'autres que l'on ne citera pas. Et qu’en est-il de l'Arkenstone ? Bref, beaucoup trop de questions restées en suspens à la fin du film, qui trouveront probablement leurs réponses dans la version longue.

On ressent un peu la même frustration que devant l'absence de Saroumane et la mise à l'écart de Gothmog dans la version salle du Retour Du Roi. Dommage, car tout le reste témoigne d'un immense soin accordé à la mise en scène et à l'adaptation et d'un profond respect pour Tolkien. Bien évidemment, on pourra toujours trouver à redire sur les quelques choix douteux de Peter Jackson et de Philippa Boyens, mais rien de fondamentalement énervant : après tout on commence à connaître le fameux « mauvais goût » du réalisateur et sa propension à verser dans des délires parfois too much. Ici, cela se traduit une fois de plus par un « Legolas-show » du plus bel effet (cette fois il fait du Mario), quelques designs dégueulasses (le troll qu'affronte Bard pour sauver ses enfants), et quelques répliques naïves de Tauriel. On pourra par contre s'étonner du traitement fait au personnage de Daïn Ironfoot, interprété par Billy Connolly et pourtant apparemment totalement fait en numérique en lieu et place d'un maquillage comme pour les autres nains, qui fait presque de la figuration (même si ses répliques sont hilarantes), et d'un clin d'œil (volontaire ou non) à Dune qui semble complètement inutile. On pourra aussi trouver les quelques duels finaux franchement poussifs, amoindrissant paradoxalement le pouvoir émotionnel de leurs scènes. Sans compter que pour la première fois depuis 5 films, il n'y a pas de prologue sous forme de flashback ni le thème du Hobbit joué lorsque le titre apparaît. Mais finalement, tout ceci n'est que du détail, et l'on ne peut que se réjouir de retrouver une fois de plus les aventures de Bilbon sur grand écran (en HFR !).

Si la bataille tient toutes ses promesses, on pourra surtout féliciter Peter Jackson de ne pas avoir versé dans la démesure : après tout, la bataille du Gouffre de Helm et celle des Champs du Pelennor du Seigneur Des Anneaux se doivent de garder tout leur impact. Ici, comme on le sait, l'échelle est réduite. Cela ne l'empêche pas d'accumuler les séquences d'action d'anthologie, mais le metteur en scène revient systématiquement sur les quelques figures héroïques dans des contextes intimistes, parce que finalement ce sont bel et bien Thranduil, Bard, Azog, Thorin et Bilbon qui détermineront l'issue de la guerre. On aurait en revanche souhaité voir davantage les Nains pendant les combats. Assez étonnamment, ceux-ci ont moins d'importance à l'écran que dans les deux premiers épisodes, et leur dernière scène avec Bilbon est terriblement frustrante tant elle est courte. On notera aussi deux incroyables séquences, d'abord celle de l'attaque de Laketown par Smaug, ensuite celle de l'arrivée du Conseil Blanc à Dol Guldur. Enfin, si l'épilogue n'est pas à la hauteur de celui de la précédente trilogie, celui-ci n'est pas dénué d'émotion et boucle parfaitement l'histoire que Peter, Fran et Philippa ont agréablement bien reliée à celle de l'Anneau sans en faire trop.

Un idéal de divertissement, disais-je, toujours aussi bien réalisé, à l'interprétation parfaite, où le spectaculaire ne prend jamais le pas sur l'émotion, même si vraiment frustrant tant l'on a l'impression de ne pas avoir vu la véritable version du film. Naturellement, évidemment immanquable !

 

 

Titre original

The Hobbit, The Battle Of The Five Armies

Mise en scène 

Peter Jackson

Date de sortie

10/12/14 avec Warner

Scénario 

Peter Jackson, Fran Walsh, Philippa Boyens & Guillermo Del Toro d'après JRR Tolkien 

Distribution 

Ian McKellen, Martin Freeman, Richard Armitage, Evangeline Lilly, Benedict Cumberbatch, Orlando Bloom, Lee Pace & Luke Evans

Photographie

Andrew Lesnie

Musique

Howard Shore

Support & durée

2.35 : 1 / 144 minutes

 

Synopsis : Atteignant enfin la Montagne Solitaire, Thorin et les Nains, aidés par Bilbon le Hobbit, ont réussi à récupérer leur royaume et leur trésor. Mais ils ont également réveillé le dragon Smaug qui déchaîne désormais sa colère sur les habitants de Lac-ville. A présent, les Nains, les Elfes, les Humains mais aussi les Wargs et les Orques menés par le Nécromancien, convoitent les richesses de la Montagne Solitaire. La bataille des cinq armées est imminente et Bilbon est le seul à pouvoir unir ses amis contre les puissances obscures de Sauron.

 

 

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M
Un énorme bravo...c'est parfaitement résumé!
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V
Merci pour lui, il s'est donné du mal, mais quand on aime...
L
Excellent, Nico, bravo !!!
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