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Quand je regarde l'écran, l'écran me regarde.

[critique] Men, Women & Children : haro sur les réseaux

Le nouveau film du réalisateur de Up In The Air est aussi ambitieux que profondément agaçant. En adaptant le roman de l'écrivain Chad Kultgen, Jason Reitman tente de dresser un portrait le plus représentatif possible de notre société moderne et des rapports que les gens entretiennent avec les réseaux sociaux. Ainsi si l'interprétation de Men, Women & Children est sans faille, l'on ne peut pas en dire autant de son scénario dépourvu de subtilité qui accumule les clichés et qui n'invite pas à la réflexion. Décevant et à la limite de la prétention.

S'il y a bien une qualité que l'on peut accorder à Jason Reitman, c'est celle de toujours choisir des sujets ambitieux pour ses films. Le réalisateur indé ne fait pas dans la facilité lorsqu'il fait Juno, Up In The Air ou, donc, Men, Women & Children. Des films dont les thèmes devraient a priori inviter à la réflexion. Malheureusement, il semblerait que cette fois-ci le metteur en scène se soit complètement fourvoyé dans une histoire qui le dépasse totalement. Il faut dire qu'avec ses nombreuses récompenses et son statut de jeune surdoué (pour schématiser), Jason Reitman donne l'impression de s'être un peu trop senti « intouchable », « légitime » et « invulnérable » en tentant d'adapter le roman à succès (bien qu'apparemment controversé) de Chad Kultgen qui se penche sur les changements qu'ont apporté les nouveaux modes de communication dans les interactions sociales. En tous cas c'est ce que l'on s'imagine après avoir vu ce Men, Women & Children, qui est souvent à la limite de la prétention au détriment d'une humilité qui aurait été salutaire pour aborder un tel sujet. Le film se veut ainsi le vecteur d'une sorte de message universel, assommant ses spectateurs à grand coup de morale aussi douteuse que peu nuancée. Et surtout indigne de la réputation d'un tel metteur en scène.

Usant de ficelles grossières, Jason Reitman accumule les clichés et les stéréotypes pour étayer sa « thèse » : « internet et les réseaux sociaux c'est pas bien si on fait pas attention à la façon de s'en servir ». Toutes les situations les plus éculées passent devant la caméra du réalisateur : la jeune ado qui ne comprend pas les dangers de s'exhiber à poil sur un site web et qui veut devenir célèbre, le jeune reclus dans sa chambre passant son temps sur World Of Warcraft, le couple qui se trompe mutuellement sur des sites de rencontres, la mère de famille tendance psychorigide qui bloque tout accès aux réseaux sociaux à sa fille… Des personnages qui malgré leur « fonction » auraient pu être intéressants s'ils avaient été caractérisés avec subtilité. Or, il n'en est rien, et le film passe son temps à dénoncer des choses évidentes sans une once de recul ou de finesse (la voix off est dispensable). L'on finit par s'agacer devant une oeuvre qui semble n'avoir été réalisée que sur la base de son idée de départ (très intéressante au demeurant tout de même) et dans une volonté d'être une référence du genre (son statut d'OVNI a tout pour en faire ce que l'on appelle un peu trop facilement un film « culte », ou du moins c'est probablement ce que les auteurs ont pu se dire), mais qui n'invite jamais à se remettre en question sur nos propres rapports aux réseaux sociaux.

Tout n'est cependant pas à dénigrer, et si l'on peut toujours mettre en doute la sincérité de la démarche de Jason Reitman et ses motivations réelles, il n'en reste pas moins un bon metteur en scène et un bon directeur d'acteurs. Certains arcs sont nettement meilleurs que d'autres, et l'on appréciera le jeu de quelques comédiens qui arrivent à apporter une touche d'émotion à un long-métrage relativement calculateur. Men, Women & Children a néanmoins le mérite d'aborder un thème captivant. Pas un mauvais film, juste un long-métrage dont les intentions sont discutables.

 

 

Titre original

Men, Women & Children

Mise en scène 

Jason Reitman

Date de sortie

10/12/14 avec Paramount

Scénario 

Jason Reitman & Erin Cressida Wilson, d'après Chad Kultgen

Distribution 

Ansel Elgort, Jennifer Gardner, Kaitlyn Dever, Adam Sandler & Judy Greer

Photographie

Eric Steelberg

Musique

Nick South

Support & durée

1.85 : 1 / 119 minutes

 

Synopsis : Men, Women & Children brosse le portrait de lycéens leurs rapports, leurs modes de communication, l’image qu’ils ont d’eux-mêmes et leur vie amoureuse. Le film aborde ainsi plusieurs enjeux sociétaux, comme la culture des jeux vidéo, l’anorexie, l’infidélité, la course à la célébrité et la prolifération de contenus illicites sur Internet. Tandis que les personnages s’engagent dans des trajectoires, dont l’issue est parfois heureuse et parfois tragique, il est désormais évident que personne ne peut rester insensible à ce bouleversement culturel qui déferle sur nos téléphones, nos tablettes et nos ordinateurs.

 

 

[critique] Men, Women & Children : haro sur les réseaux
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C
C'est amusant parce que je n'y ai pas du tout vu le message que tu donnes (les réseaux sociaux et internet, ce n'est pas bien si on n'y fait pas attention), j'y ai surtout vu une étude de la solitude à l'époque actuelle et de la manière dont internet servait à la fois à briser et à renforcer celle-ci. Si certains côtés étaient exagérés, j'ai bien aimé cet éventail de personnes qui n'arrivent pas à se comprendre parce qu'elles doivent vivre dans l'idée que les autres se font d'elles sans pouvoir être elles-mêmes. Je pense qu'internet, c'était juste le prétexte pour s'intéresser à la famille américaine actuelle (dont tous les états sont brossés, de la famille aimante à la famille dysfonctionnelle en passant par les divorcés ou parents célibataires, tout comme on brosse divers états adolescents) et pour voir comment elle a bien pu évoluer.
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