Quand je regarde l'écran, l'écran me regarde.
Synopsis : En 1766, une bête terrifie le Gévaudan tuant régulièrement femmes, enfants et individus isolés malgré la présence d’une troupe en permanence. Sous la pression royale, le naturaliste Buffon décide alors d’y envoyer un de ses protégés, le chevalier de Fronsac, un libertin revenu de la guerre contre les Anglais en Amérique. Accompagné de Mani, son frère de sang rescapé de la tribu des Mohawks, il est accueilli chez le marquis d’Apcher où il fait la connaissance des notables de la région, et notamment la famille de Morangias dont il tombe épris de la fille, Marianne. Les premières battues organisées engendrent un massacre de loups, mais Fronsac est persuadé que la Bête n’est pas parmi eux : plus grande, plus puissante, elle semble douée d’intelligence… à moins qu’elle ne soit guidée par une main humaine.
J’aime Christophe Gans. Sans doute pour son immense culture cinéphilique et son goût immodéré pour le cinéma de genre, dont il a digéré de puis longtemps les codes et les tenants. Sans doute aussi pour sa participation à Necronomicon qui l’a mis en contact avec quelques réalisateurs ayant une vision particulière des films d’horreur. Certainement surtout pour Crying Freeman que j’ai vu pour la première fois en sa présence : Gans y avait montré un bel aplomb sur des questions pointues de passionnés et évoqué d’autres adaptations de manga – à condition que Cameron ne lui coupât pas l’herbe sous le pied.
Pourtant, aucun de ses trois grands longs métrages n’est totalement convaincant. Crying Freeman procure de beaux moments sur un rythme étonnamment solennel et met en avant une grande maîtrise du cadrage et des scènes d’action, avec l’usage généreux de ralentis très graphiques magnifiant la prestation de l’excellent Dacascos. Il laisse toutefois une curieuse impression de vide. Silent Hill rate son objectif initial (celui de faire peur) mais impressionne par la manière dont les décors sont mis en valeur : certains plans sont époustouflants et véritablement immersifs. Là aussi, le rythme plutôt languissant peine à accrocher le spectateur.
Il en va de même, mais avec plus d’ampleur ici.
Le Pacte des Loups a tout du film jouissif sur le papier. Il s'avère d'abord un melting-pot ahurissant, savant et audacieux mélange d’enquête historique (donc en costumes – très réussis), de fantastique larvé (saisissant dans la première partie) et d’actioner distillant au bon moment de l’action acrobatique et des fusillades. La recherche d’un certain réalisme permet d’insérer des raccourcis osés et des parallèles farfelus : Gans n’est pas tant dans la rupture de ton que dans une volonté de synergie des genres. Il joue effrontément de l’exotisme, celui des forêts denses du Gévaudan au fond de la Lozère, de ses châteaux Renaissance aux tours orgueilleuses, mais aussi celui de ces Peaux-Rouges qui luttèrent aux côtés de Français aventureux contre les colons britanniques, dans un Canada chargé de mystères. Mani, dernier des Iroquois, était homme-médecine : il parle aux arbres, reconnaît les totems de chacun et peut réveiller les (presque) morts. Et il n’a pas son pareil dans le combat, que ce soit au corps à corps ou au maniement du tomahawk, où sa coordination et une certaine grâce font merveille .
Dacascos y est pour beaucoup : parlant peu, il illumine l’écran par sa stature.
À côté, la distribution détonne. On a parfois l'impression que ces acteurs sont trop empruntés dans des costumes pas du tout sur mesure - pourtant j'ai toujours eu un faible pour Cassel, qui semble mettre du temps avant d’entrer dans son personnage, constamment dans l’excès et le décalage. C’est pire pour Le Bihan, dont le modernisme, qui paraissait fondé, fait cruellement tache avec une diction lourde et monocorde qui jure face aux répliques appliquées d’une Émilie Dequenne difficile à cerner. Étrangement, on relèvera la performance assez pertinente de Monica Bellucci qui, si elle prête allègrement ses formes à la caméra langoureuse de Gans, sait instiller un peu de folie dans le caractère le plus énigmatique de la cohorte. Elle permet notamment d'introduire une vision onirique très réussie. Soulignons aussi le jeu de Hans Meyer qui parvient à donner de la profondeur à son rôle de marquis. Pour l’anecdote, Jacques Perrin, après Cinema Paradiso mais avant les Choristes, nous refait le coup du témoin âgé qui raconte une partie de sa vie .
D’autre part, il faut bien admettre que, si la version longue tente de combler des trous béants de narration, elle est aussi trop longue et complaisante, avec des enchaînements pas toujours heureux. Malgré un nombre impressionnant de mouvements de grue et la multiplication des caméras pour les dialogues afin de varier les champs-contrechamps, l’ennui guette parfois. La relation Fronsac/Marianne en souffre beaucoup et on se demande bien ce que vient faire la crise identitaire de son frère Jean-François (Cassel) à la fin du film. Le duel final, autre fois risible, n’est pas si ridicule que ça : les comédiens ont été bien entraînés, Gans sait s’entourer.
Je l’ai dit, néanmoins, j'aime bien ce film, malgré ses défauts évidents, sa structure chaotique, son finale décevant : il possède une grosse puissance évocatrice et donne à voir quelques excellentes scènes. Et puis, il dégage un fort capital sympathie que ne fournit pas le pourtant impressionnant Silent Hill. L’Histoire mystérieuse sonne à votre porte : cela devrait faire vibrer instantanément quelques cordes sensibles.
La version DVD a longtemps été décriée par les spécialistes. Le résultat avec du bon matériel de visionnage était pourtant souvent somptueux, avec des extérieurs très détaillés, des couleurs pétaradantes qui ressortaient dans l’ambiance volontairement glauque conférée au film (les saisons ressortaient parfaitement, les scènes de neige ne sonnaient pas faux et les acteurs jouaient souvent dans des conditions précaires : contrairement au Titanic de Cameron, ici, la vapeur d’eau qu’ils rejettent n’est pas rajoutée numériquement). Néanmoins les intérieurs, dès que la lumière était faible, souffraient assez nettement : les visages viraient au rouge sombre et la définition chutait sensiblement. Quant à la bande-son en DTS, elle était dévastatrice avec des basses abyssales mais des dialogues très légèrement en retrait. L’objet DVD collector en revanche ne souffrait pas la moindre contestation : son format livre, bien que fragile, a fait que de nombreux aficionados l'ont conservé même lorsqu'ils sont passés à un autre support.
Le passage à l'UHD est une réussite sur tous les plans, rehaussant davantage encore l'aspect esthétique d'une oeuvre désormais somptueuse et parvenant même à réparer quelques grossières erreurs d'origine (comme la fameuse intégration numérique de la Bête). Le coffret collector, sans avoir l'élégance du premier, est une mine d'informations précieuse pour tous les amoureux du cinéma.
Titre original |
Le Pacte des loups |
31 janvier |
31 janvier 2001 avec Studio Canal |
Date de sortie en vidéo |
7 novembre avec Studio Canal |
Réalisation |
Christophe Gans |
Distribution |
Samuel Le Bihan, Marc Dacascos, Vincent Cassel, Jérémie Rénier, Émilie Dequenne, Jacques Perrin & Monica Bellucci |
Scénario |
Stéphane Cabel & Christophe Gans |
Photographie |
Dan Laustsen |
Musique |
Joseph LoDuca |
Support & durée |
Blu-ray UHD 4K Metropolitan (2022) region ALL en 2.39:1 / 151 min |
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