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Quand je regarde l'écran, l'écran me regarde.

[critique] le Village : le bois des secrets

A l'époque où Shyamalan impressionnait, semblant transformer en or chaque film qu'il réalisait et écrivait, celui-ci commença à s'insinuer dans les petites failles nées à l'époque de Signes : le propos s'avérait trop grossier, la chute ne parvenait plus à donner du sens au corps du script et à sa narration précieuse. Malgré tout, je lui avais alors conservé mon admiration, pour plein de petites raisons. Ce ne sera qu'avec la désastreuse expérience de Phénomènes que Shyamalan cessa de m'impressionner.

Le film en lui-même est beau, parfois hiératique, développé sur un souci constant d'esthétisme et une recherche permanente du plan expressif - tout le contraire d'un tournage au kilomètre. Le montage est à e sujet extrêmement convaincant. On y trouve une façon cohérente de juxtaposer des plans parfois anodins ou presque ridicules qui est tout simplement bluffante. Les acteurs sont tous remarquables (Joaquin Phoenix en tête, boursouflé de talent, mais n'oublions pas la troublante Bryce Dallas Howard), même si certains semblent un peu dépassés par l'événement, ce qui ne gâche rien d'ailleurs. Le fait que celui qui focalise l’attention du premier tiers de l’histoire disparaisse de l’avant-scène donne un équilibre étonnant au métrage : il y a le film de Lucius, puis celui d’Ivy. Il y a surtout une vraie recherche de la vérité au-delà des apparences, une confrontation à l’Autre, une quête de la maturité : ces deux héros, malgré les doutes de l’un et l’infirmité de l’autre, sont prêts à prendre tous les risques pour affronter l’inconnu. Mieux : cette façon qu’a Lucius de prendre la main de sa bien-aimée, de lui révéler après un long mutisme que oui, il l’aime et ferait tout pour son bonheur, la manière dont leurs sentiments s’expriment à l’écran, à la frontière de la mièvrerie, apporte une nouvelle pierre à l’édifice ; on se prend à retrouver les sensations qu’on éprouvait devant Mononoké ou les enfants du Château dans le Ciel. Quelque chose de pur et d’innocent, montré sans esbroufe, sans malice.
L’impression désagréable que j’avais ressentie au cinéma (le fait que tout ce travail remarquable ne serve qu'une "petite" histoire sans grande ambition) s’est un peu dissipée avec le temps et les visionnages en vidéo. C’est vrai que l'intrigue demeure somme toute légère, et elle a du mal à supporter l'ensemble de l'intérêt de l'œuvre. Il est nécessaire de se laisser prendre par le rythme du film, languissant mais intense.


Quant à la morale, elle traite à mon sens de la futilité de la clandestinité : des bons sentiments et des idéaux élevés n'ont jamais suffi à construire quelque chose de viable. En fait, c'est surtout le constat d'une cruauté insupportable qui a conduit à cette extrémité qu'est l'isolement - l'exil ! - afin de retrouver ce que l'humanité à de plus précieux. Mais rien n'y fait : le ver sera toujours dans le fruit... Ne trouvez-vous pas au contraire cela cynique que c'est l'argent de l'un qui permette la mise en place d'une communauté fondamentalement non-matérialiste ? 


Comme toujours, il y a matière à réflexion, et c'est encore une fois le signe d'un grand faiseur de cinéma. 

 


La VF DTS propose un son impressionnant d’ampleur, avec des dialogues très clairs (sauf au début, bizarrement) et des basses terrifiantes. Les murmures et grincements sont un véritable délice. La musique, discrète, remplit son office. La VO est encore plus détaillée et clinquante.

 

L’image est agréable, avec un souci d’homogénéité des couleurs, donc un manque de contraste apparent. L’ambiance est étrangement dominée par les tons assez froids (notamment à cause du manque de rouge). Le grain confère un visuel très cinéma et renforce encore le caractère bucolique du métrage. 

 

 

Titre original

The Village

Réalisation 

M. Night Shyamalan

Date de sortie

18 août 2004 avec Buena Vista International

Scénario 

M. Night Shyamalan

Distribution 

Bryce Dallas Howard, Joaquin Phoenix, Adrien Brody, Sigourney Weaver & William Hurt

Photographie

Roger Deakins

Musique

James Newton Howard

Support & durée

DVD Touchstone (2005) zone 2 en 1.85:1 / 108 min

 

Synopsis : Dans un petit village ceint par les bois, la communauté paisible qui y vit s’apprête à vivre un grand bouleversement : en effet, Lucius, un jeune homme ambitieux, décide de voir au-delà de la lisière de la forêt, malgré l’avertissement des Anciens qui expliquent qu’elle est le siège de créatures avec lesquelles un pacte a été conclu. Or Ivy, une jeune aveugle fille du chef de village, a décidé d’approuver son initiative…

[critique] le Village : le bois des secrets
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V
Au fait, j'en ai profité pour corriger une coquille (oh mon Dieu, encore une !) : c'est que ça se fourre partout ces bêtes-là ! Donc merci à ceux qui ont déposé ces commentaires, ça a attiré mon attention (d'ici à ce que ça a été fait exprès, il n'y a qu'un pas de parano).
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V
Bien d'accord (décidément !). Toutefois, je persiste à penser qu'il y a bien un message, oh, peut-être pas délivré solennellement, mais perceptible, ou du moins, une interprétation qui va au delà du cadre du film. C'est d'ailleurs ce qu'on peut dire de tous les films de Shyamalan pour lesquels j'ai à chaque fois une certaine tendresse, quand ce n'est pas carrément de l'admiration (Incassable est une pure merveille). C'est justement dans cet exercice que le réalisateur a trouvé les limites de son expression avec le très bel exercice qu'était la Jeune Fille de l'ea, où le message était délivré de façon trop systématique et ostentatoire.
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N
J'ai beaucoup aimé aussi Le Village (comme tous les Shyamalan que j'ai pu voir jusqu'ici d'ailleurs).<br /> Quant à la morale, oui, c'est un peu ça (on n'échappe pas à sa condition et l'homme doit faire avec sa propre violence). Encore que, "morale", c'est peut-être trop dire. J'y ai vu surtout d'abord une excellente histoire plus qu'un film porteur d'un message. <br /> J'aime particulièrement l'ambiance intemporelle du film, quand je l'ai vu la première fois, je ne savais quasiment rien de l'histoire et je me suis laissé porté par ce petit côté onirique et effrayant. Esthétiquement, c'est un beau film en tout cas.
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V
De la poudre aux yeux ? Je ne pense pas. Enfin, ce n'est pas l'impression que j'en ai eu. C'est vrai qu'on peut trouver que l'intrigue se déballonne, mais j'ai au contraire bien apprécié les retournements constants, avec ce héros charismatique qui passe la moitié du film alité et cette vérité qui dérange.
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P
Le Village, c'est un peu de la poudre aux yeux, non ? Bon c'est bien filmé, mais Brody est imbuvable.
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