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Quand je regarde l'écran, l'écran me regarde.

[critique] Jusqu’en enfer : Raimi s'amuse

Pas mauvais, mais déstabilisant.

Je vais tout de même faire montre d’indulgence car, sans être aussi terrifiant que Unborn (qui avait flanqué une de ces trouilles aux spectateurs lors d’une de ces rares séances où une salle entière frémissait, sursautait, se voilait les yeux ou se bouchait les oreilles !), Raimi sait utiliser tous les ingrédients du cinéma de genre avec une maestria indiscutable. On est moins dans l’hommage ou la parodie que dans le respect des codes, avec ce qu’il faut de détournements, de contrepieds et de recul. A la manière de Constantine, le film commence par une séance d’exorcisme qui tourne mal ; Raimi annonce la couleur, et clairement : il n’est pas disposé à nous tromper sur la marchandise, donc pas question de distiller artificiellement des temps morts. Certes, la densité des séquences choc ou gore semble moins importante que dans Unborn, mais on voit très vite, avec l’inconsistance flagrante des personnages, que le réalisateur des Evil Dead désire aller droit à l’essentiel.

Sur ce point, il tient la distance : il fait sursauter aux moments attendus et parvient même à surprendre, poussant notamment la bande son (et nos capacités auditives) à ses (leurs) limites. Le groupe de jeunes spectatrices en goguette planquées dans un coin et papotant à tout va s’est très vite calmée, du coup. La salle n’était pas remplie mais je me suis surpris à frissonner deux ou trois fois, et parfois par anticipation. Bon signe, d’autant que les spectateurs réagissaient favorablement, mais sans excès. Le hic, c’est ce qui a déjà été soulevé par certains complices blogueurs (voir ci-dessous) : Raimi semble ne pas réussir à (ou vouloir) se départir d’un certain humour souvent grossier, voire cartoonesque et il est bien difficile à trouver dans ce tic narratif une justification permanente. A certains moments, un gag visuel ou (plus rarement) une réplique déplacée va faire légèrement retomber la tension, mais c’est pour mieux la relancer efficacement juste après ; d’autres fois, au contraire, il conclut une séquence horrifique en la dédramatisant totalement - et là, c'est vraiment dommage, imaginez le soufflé qui retombe. On en vient sur le coup à avoir des accès de colère contre ce gâchis, alors que jusque là Raimi avait réussi à satisfaire nos attentes. Car le décalage entre un ton volontairement premier degré, fondé sur un usage agressif de la bande son, et un humour de collégien altère le plaisir qu’on peut prendre à ce genre de films. Doit-on rire ou s’effrayer ? Est-ce du lard ou… ? Vous voyez ?

Je ne parle pas de trahison, mais d’une sorte d’hésitation dans le positionnement. Dans les Evil Dead, c’était évident, pas ici.

L’autre problème est le manque d’empathie envers les personnages : on a du mal à prendre parti, l’héroïne étant d'une rare fadeur, les seconds rôles ne parvenant pas à se mettre en avant ou à détourner l’attention. Alison Lohman est juste assez mignonne pour qu’on s’intéresse un peu à elle, mais alors que Raimi ne lésine pas sur la quantité de substances jaillissant, vomies ou dégoulinant, l’hémoglobine est curieusement absente : Christine se fait frapper violemment et la contusion qu’elle a à la lèvre cesse miraculeusement de saigner dans la minute, puis disparaît aussi vite que si elle était la fille de Wolverine. On ne vibre pas vraiment pour elle.

Cela dit, on reconnaîtra encore à Raimi une certaine honnêteté dans son travail, notamment dans la fin qu’il a choisie. Et puis, il y a dans sa représentation de la damnation quelque chose d’incidemment cruel, malsain et choquant qui fait qu’on a vraiment l’impression de ne pas être venu pour rien.

 

 

 

Titre original

Drag me to hell

Réalisation 

Sam Raimi

Date de sortie

27 mai 2009 avec Metropolitan

Scénario 

Sam & Ivan Raimi

Distribution 

Alison Lohman, Justin Long & Jessica Lucas

Photographie

Peter Deming

Musique

Christopher Young

Support & durée

35 mm en 2.35:1 / 99 min

 

 

Résumé : Christine est une employée de banque préposée aux prêts. Raisonnablement ambitieuse, elle décide de se montrer un peu plus agressive que d’habitude pour décrocher le poste de directeur adjoint qui vient de se libérer. Pour cela, elle va jusqu’à refuser un 3e prolongement de prêt à une vieille femme menacée d’expulsion. Cette dernière, humiliée par la manière dont elle a été traitée, décide de se venger en jetant un sort à Christine. Cette dernière comprendra très vite qu’elle n’a plus que trois jours pour sauver son âme…

  

[critique] Jusqu’en enfer : Raimi s'amuse
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V
Cela me fait bien plaisir. Tu maintiens ta cote ou tu attends un peu avant de m'en proposer une ?
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C
A part pour le fait que cela fait peur (je n'ai pas eu peur malheureusement - j'adore avoir peur au ciné -, j'ai juste sursauté quelques fois), je suis entièrement d'accord avec cette critique (il va falloir que je sois inventive pour ne pas la copier ^_^). Je tiens à dire que le mélange cartoon/gore et ce qui m'a empêcher de rentrer dans les scènes susceptibles de créer un sentiment de terreur, parce que ça relâchait la tension beaucoup trop vite pour qu'elle soit appréciable.Et, malheureusement pour moi, ce film n'a pas réussi à faire se taire la bande de six gominés papoteurs pas très futes futes assis devant moi au ciné...
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G
je vais aller le voir cette semaine donc je reviendrais par ici mais cette critique m'a plu
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V
Oui, je partage l'avis de Wade : bien que cela soit très 1er degré, ça ne prend pas le chemin des Evil Dead, et l'humour est loin d'être omniprésent. Du coup, ça dégoupille la tension.
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W
Ca fait partie du jeu depuis bien longtemps chez lui, mais parfois ça fonctionne plus que d'autres. Dans les Evil Dead ça passait mieux selon moi.
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T
Je ne l'ai pas encore vu, mais je ne comprends pas trop les reproches à l'encontre du style de Raimi : le mélange cartoon/gore a toujours été présent dans son cinoche, ça n'a rien de neuf. Ca fait partie du jeu.
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V
Pour ma part, j'ai bien aimé Justin Long. Au fur et à mesure que je le vois au cinéma, j'apprécie son jeu d'acteur. Ici il à un rôle très secondaire mais je trouve qu'il s'en sors bien alors que l'actrice principale m'as un peu déçu sauf vers la fin où je l'ai enfin trouvé pas mal.
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C
Ouaip, avis mitigé quoi. Bon, j'irai quand même le voir mais je m'attends à être très certainement déçue alors...Et Monsieur Mac (Justin Long) dans tout ça, il s'en sort comment?
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V
"Jusqu'en enfer" est bien parti pour avoir une noté général de 3 ^^
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W
Une bonne déception pour moi, justement à cause de cet humour qui contrebalance trop les séquences horrifiques, pourtant bien mises en scène. Le travail sur le son est à ce titre réussi, mais bon, j'ai quand même l'impression que le film est passé à côté de son potentiel.
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