Quand je regarde l'écran, l'écran me regarde.
Premier long-métrage derrière la caméra pour le comédien Andrea Di Stefano qui a porté le projet à bout de bras durant 5 ans pendant lesquels il s'est attelé à l'écriture du scénario. Avec son acteur principal littéralement monstrueux et envoûtant éclipsant un pourtant excellent casting, et un choix plutôt osé de s'écarter du biopic traditionnel, Paradise Lost s'impose comme un film incontournable par un metteur en scène très doué et doté d'un grand sens du spectacle.
Andrea Di Stefano, que nous avons eu la chance de rencontrer à l'issue de la projection du film, aime à le répéter : Paradise Lost n'est pas un biopic sur la vie de Pablo Escobar. Il n'en reprend pas les codes. Le réalisateur se sert de ce « mythique » trafiquant colombien et d'un postulat de base bel et bien véridique (un homme à qui Escobar a confié la mission de cacher son trésor avant d'ordonner son exécution pour garder l'emplacement secret) pour aborder son oeuvre par le prisme d'un thriller psychologique dans lequel il n'est paradoxalement jamais nécessaire d'avoir de quelconques connaissances historiques pour l'apprécier totalement. Car si tout ce que l'on voit du personnage de Pablo Escobar, comme nous l'a confirmé le réalisateur, est fondé sur de véritables faits (y compris jusque dans le moindre dialogue, le film est à ce titre extrêmement documenté), il aurait tout aussi bien pu s'agir d'un anti-héros de fiction sans que cela ne nuise à l'histoire. C'est la grande force du film de Di Stefano, qui arrivera sans aucun doute à impliquer absolument tous les spectateurs, y compris ceux qui pourraient être rebutés par les biopics « traditionnels ».
Bien évidemment, ne rien savoir sur le trafiquant enlève un peu de piment à l'histoire - d'autant que Benicio Del Toro le joue à la perfection - mais le personnage est tellement bien écrit que l'on peut immédiatement le classer parmi les figures légendaires des « parrains » du 7e Art, avec Don Corleone et Montana, deux grandes sources d'inspirations selon le réalisateur lui-même. Et si Di Stefano n'arrive pas à égaler ses illustres modèles, il a au moins le mérite d'avoir mis en scène un film presque amplement maîtrisé construit sur une ligne directrice dont il ne s'écarte jamais. Ce qui intéresse le réalisateur italien, c'est davantage de faire le portrait intime de cet homme, d'en saisir les nuances, de comprendre en quoi quelqu'un d'aussi attaché aux valeurs familiales puisse commettre tous ces horribles actes (Di Stefano a tenu à nous expliquer que le FBI ne l'avait pas listé parmi les trafiquants mais parmi les serial killers). Ainsi, le réalisateur ne le montrera volontairement jamais réellement en action, il ne filme d'ailleurs aucune scène de drogue, ne faisant qu'évoquer au détour d'une phrase son trafic de cocaïne. La violence graphique est également quasi absente au profit d'une forme de torture psychologique bien plus dérangeante. L'on a l'impression que l'ombre de Pablo Escobar plane sur tout le métrage, quand bien même ce dernier n'est finalement qu'un personnage secondaire face à celui interprété par Josh Hutcherson. C'est la grande qualité de Benicio Del Toro, celle d'imprimer la pelloche dès sa première apparition avec son interprétation glaçante et hypnotisante (notamment parce qu'il reste continuellement insondable, avec cette petite lueur de folie dans le regard qui en fait un personnage à la fois charismatique, drôle, autant aimé que redouté), quitte à éclipser le reste du casting pourtant très juste y compris dans les scènes où il n'est qu'évoqué et n'apparaît pas. On pourra toutefois retenir la performance d'Hutcherson, qui, notamment dans la dernière partie, arrive à faire passer une très large palette d'émotions à l'écran. L'on pourrait presque vous conseiller d'aller voir le film uniquement pour ses acteurs, mais ce serait réducteur tant le récit reste captivant de la première à la dernière scène. Di Stefano joue habilement avec un montage « éclaté », et parce qu'il place son public dans l'action dès la première minute, arrive à le maintenir en haleine brillamment - il faut dire que le suspens est parfois insoutenable, comme lors de cette fameuse séquence où le héros doit faire face à un choix inexorable qui pourrait le faire définitivement basculer dans le monde de son « oncle ».
Malheureusement, et malgré toutes ses indéniables qualité, Paradise Lost n'est pas exempt de défauts. On pense par exemple à sa mise en scène caméra à l'épaule qui pourra un peu fatiguer lorsqu'elle n'est pas justifiée totalement (on comprend l'intérêt mais pas l'utilisation qui en est tout le temps faite) et à l'arc narratif de la nièce d'Escobar qui paraît trop évasif pour que l'on s'attache réellement à son couple. L'on aurait aimé un film un peu plus long, notamment pour accentuer les relations entre les trois personnages principaux. Mais en l'état, le métrage fonctionne tout de même vraiment très bien et il serait vraiment idiot de ne pas le recommander tant il s'avère être une bonne surprise.
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Titre original |
Escobar : Paradise Lost |
Mise en scène |
Andrea Di Stefano |
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Date de sortie |
05/11/14 avec Pathé Distribution |
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Scénario |
Andrea Di Stefano & Francesca Marciano |
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Distribution |
Benicio Del Toro & Josh Hutcherson |
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Photographie |
Luis Sansans |
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Musique |
Max Richter |
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Support & durée |
2.35 : 1 / 114 minutes |
Synopsis : Nick pense avoir trouvé son paradis en rejoignant son frère en Colombie. Un lagon turquoise, une plage d’ivoire et des vagues parfaites ; un rêve pour ce jeune surfeur canadien. Il y rencontre Maria, une magnifique Colombienne. Ils tombent follement amoureux. Tout semble parfait… jusqu’à ce que Maria le présente à son oncle : un certain Pablo Escobar.