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Quand je regarde l'écran, l'écran me regarde.

Jusqu'à la XIIIème génération

Maudits ! Maudits ! Tous maudits jusqu'à la treizième génération de vos races !


Ces mots auraient été prononcés par Jacques de Molay, grand-maître de l'Ordre des Templiers, lors de son supplice sur le bûcher de l'île aux Juifs à Paris le 19 mars 1314.

 

Hier, c’était le vendredi 13 février.

On peut être superstitieux. Certains ne sont même pas sortis de chez eux. D’autres se sont dits que c’était le moment de jouer au Loto. Quelques-uns, peut-être, ont cherché dans leurs souvenirs, dans leurs livres, ou sur l’Internet, les origines de cette tradition. Ils auront trouvé des références à la Cène, pourquoi pas… mais sans doute seront-ils tombés sur un entrefilet, un article de blog ou d’encyclopédie, qui rappelle la mémoire de ce vendredi 13 octobre 1307, quand le roi de France Philippe IV le Bel, secondé par Nogaret, a mis en place l’une des plus belles rafles de toute l’Histoire de France, une entreprise visant à arrêter, simultanément, et dans tout le royaume, les Templiers afin de les traduire en Justice au plus tôt.

On ne s’appesantira pas aujourd’hui sur les motivations royales : besoin de fonds sans doute, crainte envers un Ordre qui était devenu si puissant que les souverains de l’Europe entière lui étaient redevables. Philippe nécessitait de reprendre le contrôle. Il lui fallait faire tomber les Templiers, quitte à créer des fausses preuves, à faire parler les plus faibles avec tous les moyens que l’Inquisition lui mettrait entre les mains.

L’organisation de la rafle fut un modèle du genre : les lettres d’ordre avaient été distribuées dans toute la France avec une date et une heure précise : chaque Commanderie serait prise d’assaut le même jour, à la même heure. Le résultat, face à l’ampleur de la tâche, fut une réussite quasi totale. Quelques fuites avaient eu lieu, qui permirent à des Templiers de passer les Pyrénées afin de trouver refuge en Aragon, chez un souverain qui avait partie liée à l’Ordre. D’autres prirent la mer pour s’établir en Grande-Bretagne où il n’y eut pratiquement pas de suite donnée à leur procès.

Mais la très grande majorité des frères, sénéchaux et maîtres fut emportée, captive.

Le 13 octobre 1307, Jacques de Molay, le grand-maître, et les 140 Chevaliers de la maison-mère furent donc arrêtés à l'Hôtel du Temple sous des chefs d'inculpation douteux (profanation de la croix lors de rites d’initiation mystérieux, idolâtrie d'une tête de chat – on a aussi parlé d’une tête humaine enfermée dans un reliquaire, sodomie), tout comme des centaines d'autres Templiers de Province.
Le procès dura près de sept ans (comme il traînait un peu trop, le roi destitua le juge qu’il estimait favorable à l’Ordre et fit accélérer la procédure) et, un à un, sous les tortures, les Chevaliers du Temple finirent par avouer les crimes qu'on leur imputait : les confessions dépassaient même parfois les espérances secrètes des procureurs. Sous la pression de Philippe le Bel, le pape Clément V émit le 3 avril 1312 la bulle Ad providam, annonçant la suppression de l'Ordre : les Templiers qui résistaient encore aux supplices se sentirent alors abandonnés même de leur autorité tutélaire, et beaucoup perdirent tout espoir. Quelques-uns avouèrent ce qu’on leur demandait d’avouer. Puis, étrangement, ils se rétractèrent, faisant d’eux des relaps, des hérétiques retombant dans leurs torts. Ainsi, le 18 mars 1314, Jacques de Molay, emprisonné depuis octobre 1307 dans la prison du Temple, fut conduit devant la cathédrale de Notre-Dame pour entendre le verdict du procès. Cet homme mal connu, dont la conduite lors de ces années de captivité suscite bien des questions, se mit à haranguer la foule en disant que leurs aveux avaient été volés, que les Templiers n'avaient commis aucun crime et étaient victimes d'une machination. L’exécution était du coup inévitable. Le bûcher fut dressé sans tarder.

 
Le lendemain, 19 mars 1314, alors que les flammes s’apprêtaient à dévorer son corps meurtri, Jacques de Molay s'écria :


«Pape Clément ! Roi Philippe ! Avant un an, je vous cite à paraître au tribunal de Dieu pour y recevoir votre juste châtiment ! Maudits ! Maudits ! Tous maudits jusqu'à la treizième génération de vos races !»


Qu’on me permette, comme d’autres le firent avant moi (engendrant un flot de littérature teintée de romantisme et de mysticisme, des débats sans fin, parfois malsains mais aussi des séries télévisées et des vocations liées à l‘Histoire mystérieuse), d’évoquer brièvement la suite. La malédiction du grand-maître allait s'accomplir : Clément V mourut le 20 avril 1314 d'étouffement. Philippe le Bel décéda dans la nuit du 26 au 27 novembre 1314 d'un ictus cérébral ; ses trois fils devaient périr dans les douze années suivantes, sans laisser de descendance mâle, mettant ainsi fin à la lignée directe des Capétiens.

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V
Merci, ça fait plaisir. Tout le monde connaît les Templiers, mais qui peut se vanter de les connaître vraiment ?
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W
Un bref résumé vraiment captivant; je ne connais pas du tout les Templiers et toute l'histoire les concernant, mais ça donne sacrément envie. Avec cette aura de mystère et de malédiction sucitant encore plus l'intérêt...
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V
Oui, ce sont précisément les Templiers qui m'ont poussé vers l'Histoire : la leur est fascinante.A propos de relaps, c'est précisément pour cette même raison que Jeanne d'Arc a été brûlée : après avoir reconnu ses "torts", elle s'est rétractée (en fait, on l'a retrouvée vêtue à nouveau d'habits d'homme) ce qui l'a condamnée.
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N
Bravo pour ce rappel d'un épisode historique passionnant qui a effectivement engendré pas mal de fictions et débats, mais il faut dire que tout y est : machination politique, ordre secret, malédiction, tortures...Et je viens en plus d'apprendre le terme "relaps". ;o)
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