Quand je regarde l'écran, l'écran me regarde.
Un film de John Carpenter (1982) avec Kurt Russell.
Score d’Ennio Morricone, maquillages de Rob Bottin.
Un blu-ray Universal region All (2008)
VOST DTS Master Audio
Synopsis : Antarctique, hiver 1982. Un chien poursuivi par un hélicoptère norvégien trouve refuge dans une station américaine où une douzaine de désœuvrés attendent la relève du printemps. Les deux Norvégiens semblent bien décidés à supprimer l’animal et font feu sans discernement, au point qu’il faut les neutraliser. Intrigués par cette soudaine rage (peut-être expliquée par l’isolement forcé des scientifiques dans ces conditions extrêmes), une équipe part explorer le camp des Scandinaves. Elle reviendra bientôt avec un étrange cadavre non humain et des cassettes vidéo évoquant la découverte d’un vaisseau extraterrestre enfoui dans la neige. Suite à un accident au chenil, les Américains devront se rendre à l’évidence : quelque chose rôde à présent dans leur base, quelque chose capable d’assimiler toute forme de vie – et de l’imiter. Elle peut être n’importe lequel d’entre eux…
Après une bonne vingtaine de visionnages de ce film en VF (et des souvenirs inénarrables au cinéma), il était grand temps de se pencher sur la VO. Le temps d’assimiler les accents différents (entre un Nauls et son langage presque caricatural de Noir funky et un Garry au phrasé impeccable, on a McReady et sa coolitude transparaissant dans ses phrases traînantes), l’immersion était la même.
C’est vrai que, la surprise passée, l’impact des séquences haletantes n’est plus comparable. La magie Carpenter fonctionne pourtant (presque) aussi bien qu’en salles : efficacité maximum dans un film où la lumière faiblarde et les décors claustrophobiques (des couloirs confinés de la station aux étendues glaciales balayées d’un vent polaire) contribuent à entretenir une ambiance savamment anxiogène. Big John procède par touches progressives, installant savamment la peur, avec une caméra parfois très mobile qui sait se faufiler derrière une anfractuosité, un entrebâillement ou à travers une grille pour nous révéler l’étrange, l’inquiétant puis l’horrible. Le montage est à l’aune de ce métrage sans temps mort mais qui sait prendre son temps, avec des séquences se finissant, presque en un soulagement, par un fondu au noir habile. Cette évidente maîtrise à faire monter la tension (par le biais de l’angoisse puis de la suspicion) n’oublie pas de nous en mettre plein la vue avec des gros plans dégoûtants sur les incroyables maquillages créés par Rob Bottin, qui a dû s’en donner à cœur joie tant la chair, les viscères et l’hémoglobine envahissent l’écran, dans un foisonnement parfois à la limite de la nausée. Je connaissais par cœur les expressions d’écœurement de Blair lorsqu’il pratique ses autopsies sur des corps torturés où les organes se fondent les uns aux autres alors que la chair fumante exhale des pestilences presque perceptibles : des plans qui laissent des traces sur le jeune spectateur.
De fait, dans sa première heure, Carpenter se montre incontestablement brillant, forçant le respect par l’adéquation entre ses séquences lourdes de sens et ce score où Morricone tente étonnamment de se rapprocher de l’efficacité maximum des précédentes compositions du réalisateur (New-York 1997 et Halloween) avec cet ostinato de notes basses pleines de sombres promesses.
On a parfois, à l’époque, reproché au metteur en scène d’oublier l’aspect véritablement angoissant de l’original (un film d’Howard Hawks connu en France sous le titre la Chose d’un autre monde, et dont on peut voir quelques extraits dans Halloween) mais je ne peux qu’admirer sa volonté à faire littéralement exploser la vérité après nous avoir fait monter l’adrénaline. Certes, la séquence du test sanguin ne me fait plus sursauter, mais l’énervement des scientifiques attachés contre leur gré et leur terreur quand ils découvrent l’identité de leur voisin sont toujours contagieux. Reste, c’est vrai, que la fin, toute en accélération, commet quelques ellipses incongrues et raccourcis qui transpirent la facilité, fondant l’œuvre en un survival sans pitié, cynique et crépusculaire qui aurait mérité une plongée plus profonde dans les méandres de l’effroi.
Quant à Kurt Russell, il montre avec son personnage de McReady une autre facette de ce héros charismatique qu’était le Snake Plissken de New York 1997 : dur à cuire, borné, facétieux, rebelle et animé d’une volonté inébranlable, une sorte de Jack Burton amer et désenchanté.
Une réussite qui ne vieillit pas. Son prochain remake pourra-t-il en faire autant ?
Ma note : 4,4/5
Le blu-ray n’est déjà plus de prime jeunesse.
L’image de ce film des années 80 manque de netteté mais la colorimétrie renforcée du support apporte un gain dans le côté nauséeux des dissections, éviscérations et autres transformations de la Chose. Bonne tenue du contraste aussi, entre des intérieurs plongés dans une pénombre glaçante et des étendues enneigées baignant dans une lumière froide et dure. Son enveloppant qui met en valeur la musique et booste les explosions (étouffées sur le DVD).
Lire aussi :
> l’article de Sypnos sur la version blu-ray.