Quand je regarde l'écran, l'écran me regarde.
Avec quelques compagnons de blogs (blog-pals ?), il nous arrive de discuter sur des thèmes liés au monde des comics – et notamment des comics Marvel grâce auquel nous nous sommes connus – virtuellement, hein ?
La dernière question concernait les lectures : les comics étant essentiellement écrits aux U.S.A., la version originale (VO) s’imposait. Mais le nombre de revues traduites et la qualité du papier en France peut éventuellement faire pencher la balance. Alors, et vous, VO ou VF ?
NB. Certains noms vous renverront aux blogs ou sites tenus par ces marvelophiles bienveillants : il suffit de cliquer dessus.
BIAZE : Pour moi, c'est très rapide : mon anglais étant proche du très médiocre, je suis pour la VF. Du coup, sur les forums où je vais, je participe peu à ce genre de débats. Les seuls VO que je possède sont des VO (achetés neufs) dédicacés par des auteurs, importés via bouquiniste de la maison d'édition Dynamic Force.
Voilà malgré les inconvénients que l'on peut trouver chez la "sandwicherie" dixit Neault [Neault désigne ainsi la maison d’édition Panini, au nom évocateur…], pour moi, l'abstraction des divers problèmes se fait sans mal. Car les séries sont légions et depuis Arédit Artima, peu d'éditeurs nous avaient servi autant de comics. Bref, un régal !
Vance :
Donc la VO...
Les puristes la revendiquent : comme au cinéma, seule la VO permet d'apprécier à sa juste valeur les véritables intentions de l'auteur ; la traduction, même la plus fidèle, agissant comme un
filtre plus ou moins opaque, et parfois tendancieux lorsqu'il trahit les penchants de l'interprète.
Traduttore, tradittore, non ?
Toute traduction est d'abord une réinterprétation : quand bien même elle serait d'une très haute qualité littéraire (Baudelaire adaptant Poe), le risque d'interférer, de parasiter, de pervertir
le message initial est grand.
Dans l'absolu, je préfère la VO. Même dans les comics : les jurons et autres interjections sonnent plus justes, le langage semble plus en prise avec la réalité. Ca me fait penser aux deux
versions que je connais en VF des X-Men de Claremont et Byrne : celle de Lug, que j'ai lue tant de fois que j'en connais des passages par cœur, a
pour elle un certain charme, parfois désuet, des tournures plutôt élégantes et parfois lourdingues, assez éloignés de l'écriture plus rentre-dedans de la VO. Ce que j'ai pu en lire dans les
rééditions en intégrale m'a déçu : ça fait horriblement artificiel, pièce rapportée ; c'est sans doute un peu plus fidèle au texte, mais à l'esprit ?
Cela dit, je lis très peu - voire quasiment plus - de comics en VO : d'abord parce que, par habitude, je prends mes magazines favoris tous les mois et j'y rajoute de temps en temps ce qui sort en
librairie. Si je me mettais à la VO directement, en passant par l'import et les TPB, je risquerais un décalage qu'il ne serait pas aisé à rattraper.
A une époque, un bouquiniste messin en recevait directement plusieurs dizaines par semaine, je m'y étais approvisionné (les premiers Stormwatch, les
premiers Gen13, les premiers WildC.A.T.s). Le commerce a périclité, certaines séries sont ressorties en
VF avec un papier de meilleure qualité. L'habitude a fait le reste. Cela dit, j'ai lu the Dark Knight "dans le texte", je pense qu'il s'agit d'un incontournable à ce niveau.
Avec la valeur actuelle du dollar, peut-être la commande de trade paperbacks bien fichus doit valoir le coup. Si on y gagne, même en y incluant les frais de port, je pense que c'est
profitable - surtout si c'est avec des œuvres d'excellents manieurs de langue (je pense entre autres à Bendis qui doit valoir son pesant de cacahuètes en VO, surtout après le très alléchant
article de Neault sur son bouquin).
Neault : Perso, je différencie en VO les revues kiosque
et les TPB. J'ai une préférence pour ces derniers, ne serait-ce que pour l'absence de pubs et les covers plus "rigides". Pour l'essentiel, ayant commencé en VF, j'y reste malgré les abominations
paniniennes.
Ce qui manque pour la VF, c'est surtout un éditeur et, au moins, des traducteurs qui s'intéressent à ce qu'ils lisent. Comme je l'ai rappelé sur le blog de Matt, on a pu assister a des énormités comme "Storm" traduit par "Tornade" alors que la mutante n'apparaît pas dans la scène et qu'il est question de la Torche ou encore le fameux "09 novembre" à la place du 11 septembre dans une énumération d'événements historiques. […]
Reste donc quelques petites incursions dans la VO pour ce qui n'est pas traduit (Ms. Marvel par exemple) ou des binz laissés de côté par Panini car jugés trop peu vendeurs (le Civil War Companion, les Spider-Man Fairy Tales, des trucs comme ça). Mais de là à tout prendre en VO, ça serait ennuyeux. Outre le fait qu'il y a parfois des séries avec un langage très imagé (on parlait justement de l'argot dans 100 Bullets toujours sur le blog de Matt) qui n'est pas forcément facile à lire, je me vois mal attendre à chaque fois de faire des commandes groupées de TPB pour gagner sur le port.
La VO reste donc pour moi marginale mais très utile en ce qui concerne les petites pépites délaissées par les maisons d'éditions (comme les Bendis dont on parlait). […]
Matt : Donc moi, je fais partie, vous vous en doutez, du clan "pro-VO".
Il y a de nombreuses facilités qui m'ont poussé vers ce choix (temps d'attente moins longs, prix euros/dollars très avantageux, etc.).
Mais surtout, je remarque que lorsque l'on se met à comparer VO/VF, on distingue une grosse différence de rythme dans les séries. Des comics écrits pas Bendis par
exemple contiennent de nombreux phylactères à la suite et ont une logique ayant pour but d'instaurer un certain rythme. Quand je lis la même chose en VF, je ne retrouve plus forcément les
passages qui m'ont fait vibrer dans la version originale. Ce ne sont plus les mêmes mots et ils n'ont plus du tout la même résonnance.
Par exemple, j'ai lu tous les Daredevil de Bendis en VO, et par moments, je relis quelques épisodes en VO, et j'ai
l'impression de redécouvrir entièrement cette série.
Je n'ai absolument rien contre les pro-VF, j'achète aussi pas mal d'œuvres en français. Je trouve que certaines sont suffisamment bien traduites pour être lues dans
la langue de Molière. Certains auteurs ne perdent pas trop à être traduits. Par exemple, j'ai lu des Transmetropolitains (de Warren Ellis) dans
lesquels j'ai pu comparer la traduction, il n'y a quasiment aucune perte. C'est très bien traduit. A partir de là, j'attends sagement les sorties VF.
Mais quand on se dirige vers certains auteurs qui ont tendance à vraiment travailler sur leurs textes, là, pour moi, la VO devient indispensable.
Les traductions VF, pour moi, c'est comme regarder un grand film de cinéma sur un minuscule écran TV 4/3. C'est comme écouter une symphonie de Beethoven sur un
transistor radio. Y a forcément de la perte.