Quand je regarde l'écran, l'écran me regarde.
Revoir chacun des trois premiers volets de la saga Alien est également l'occasion d'efectuer une réelle investigation cinématographique. La franchise a en effet pour particularité d'avoir été confiée à chaque fois à un metteur en scène émergeant ayant convaincu la production par son talent. Dans le cas de David Fincher, il s'agissait sans doute d'un pari plus osé que les deux premiers puisque le cinéaste américain n'avait à l'époque réalisé que quelques clips et courts-métrages (Ridley Scott avait au moins fait les Duellistes et James Cameron sortait de l'expérience Terminator quand ils ont été recrutés). Et l'on sait désormais que l'expérience n'a jamais été totalement concluante puisqu'il existe à chaque fois plusieurs versions des Alien, celle exploitée au cinéma n'étant jamais celle qu'ils auraient souhaité. Heureusement, la vidéo est là pour tenter de réparer cette forme de spoliation artistique - et le coffret sorti en 2010, la fameuse "Anthologie Alien", est une pure merveille permettant de profiter dans les meilleures conditions de ces monuments du cinéma fantastique.
Au cinéma, Alien3 ne m'a pas vraiment plu : malgré des qualités visuelles évidentes, je n'éprouvais pas face à l’exercice de Fincher le même enthousiasme que celui qui m’anime lorsque je m’absorbe dans Aliens de Cameron, voire l’original de Ridley Scott. Les choix osés concernant la mise en place des personnages (on en zigouille deux d'office, et le troisième est réduit à l'état de tête parlante) ainsi que l'évolution de Ripley sont frustrants, la narration est perturbante et le montage déstabilisant. Mais, souvent, certains films gagnent à être revus et leur exploitation en DVD permet régulièrement de redorer leur blason, de les appréhender suivant d’autres points de vue et avec le recul nécessaire pour, parfois, leur trouver un nouvel intérêt. L’excellent mag DVDVision avait d’ailleurs cette fâcheuse manie de nous offrir des dossiers extrêmement pertinents sur des œuvres qui n’avaient pas rencontré lors de leur distribution en salles la reconnaissance qu'elles méritaient (« fâcheuse » parce que la lecture de ces dossiers incitait automatiquement au revisionnage et, partant, à l’achat des galettes porteuses de nouveaux espoirs cinéphiliques) – des dossiers qui, justement, devaient leur justesse de ton au fait que plusieurs mois s’étaient passés entre la sortie du film et leur vente en DVD, à ce recul nécessaire à une meilleure appréhension de l'oeuvre. D'autant qu'il y avait de la matière dans cet opus, et les premiers revisionnages avaient confirmé le potentiel et les qualités intrinsèques du récit.
Le passage à la HD, avec une "version longue de travail restaurée", permettait d'effacer le sentiment d'à-peu-près du DVD, qui proposait des images un peu voilées, manquant parfois de définition dans les basses lumières (ce qui constitue le plus clair du métrage). L'histoire, quant à elle, fascine forcément avec une Ripley qui enfin s'assume totalement et prend en charge son statut maternel, envers et contre tout, mais également se positionne en tant que femme dans un milieu résolument et totalement machiste. Les personnages de Dillon et Clemens sont très charismatiques - et sont agréablement servis par des doubleurs français percutants, pour ceux que la VO rebuterait (mais comment ne pas profiter de la voix percluse de basses affolantes de Charles Dance qui se voit offrir là un de ses meilleurs rôles?). Leurs destins dissemblables ne peuvent que réjouir les amateurs de surprise et d'héroïsme de bon aloi.
Quelques envolées musicales extraordinaires viennent ponctuer des séquences stupéfiantes. Le film instille le malaise – bien plus que la peur viscérale - en hésitant constamment entre Alien et the Thing (cf. la scène du chien). Il joue constamment la carte du doute et reprend à son compte cette impérieuse nécessité de survie qui alimente chacun des volets de la saga, mais il semble par moments oublier son sujet : Fincher utilise le montage alterné de façon trop systématique (même si intelligente) bien que sa virtuosité saute littéralement aux yeux, avec des travellings époustouflants et une recherche constante du cadrage idéal. Le fait qu’un charcutage en règle ait été opéré en post-production après des projections-test désastreuses apparaît dès lors évident, d'autant que le script avait déjà fait l'objet de multiples réécritures. Le director's cut semble du coup plus cohérent, quoique tout aussi drastique dans ses choix, et possède l'avantage de ne pas sacrifier à la fluidité ni surtout au rythme (le seul reproche qu'on puisse faire à la version longue d'Aliens c'est de ralentir le tempo infernal de la version cinéma). On sent bien la volonté de revenir aux codes imposés par la version de Scott, en mettant l'argument SF de côté pour repartir sur des bases de film de survival/horror, et on remarque aussi la tendance de Fincher à chercher en permanence à imposer sa propre marque de fabrique, à briser les règles (et certains tabous) et à bâtir sa propre mythologie.
Au final, on a tendance à l'apprécier davantage qu'à la première vision, et c'est plutôt un film qui se bonifie avec le temps, offrant un finale aussi gratifiant qu'émouvant et proposant une conclusion plus que satisfaisante pour la franchise. Aliens lui demeure toutefois supérieur dans mon esprit et mon cœur (de manière totalement subjective, donc) mais il a fortement tendance à anéantir les efforts consentis par Jeunet pour le quatrième opus, bien dérisoire dans ses enjeux (et ne parlons pas des vs Predator, s'il vous plaît).
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Titre original |
Alien3 |
Mise en scène |
David Fincher |
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Date de sortie France |
26 août 1992 avec 20th Century Fox |
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Scénario |
Davids Giler, Walter Hill, Larry Feguson, Dan O'Bannon & Ronald Shusett |
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Distribution |
Sigourney Weaver, Charles Dance, Charles S. Dutton & Pete Postlethwaite |
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Musique |
Eric Goldenthal |
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Photographie |
Alex Thompson |
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Support & durée |
Coffret Blu-ray Fox (2010) "Alien Anthologie" Region B / 115 min |
Résumé : Seule survivante d'un carnage sur une planète lointaine, Ripley s'échoue sur Fiorina 161, planète oubliée de l'univers, balayée par des vents puissants. Une communauté d'une vingtaine d'hommes y vit. Violeurs, assassins, infanticides, ce sont les plus dangereux détenus de droits communs de l'univers. L'arrivée de Ripley va les confronter à un danger qui sera plus fort qu'eux.