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Quand je regarde l'écran, l'écran me regarde.

Brimstone

Brimstone

RÉSUMÉ : Liz vit tranquillement dans une petite bourgade du Far-West avec son mari et ses deux enfants. Malgré son handicap (elle est muette), elle parvient à rendre service à la communauté en tant que sage-femme. Mais lorsqu'un nouveau pasteur se présente comme révérend, elle comprend que l’enfer qu’elle a vécu dans sa jeunesse a fini par la rattraper…

En 2017, après cinq ans de dur labeur, Martin Koolhoven pouvait enfin projeter son film, Brimstone, qui fit le tour des festivals, recueillit une pluie de louanges et de récompenses dans son pays d’origine (les Pays-Bas), fascina et divisa les critiques dans le monde : un western doublé d’un thriller intense, dur, violent et sans concession, mettant en avant la lutte incessante et vaine des femmes contre la violence écrasante des hommes.

Brimstone est donc loin d’être consensuel. Koolhoven, lorsqu’il était en recherche de financements (le projet a plusieurs fois failli capoter non seulement en raison de l’âpreté des sujets abordés mais également du désistement des deux acteurs vedettes pressentis), a pourtant préféré conserver le contrôle total de son œuvre et refusé d’être produit par une firme d’Hollywood qui lui aurait refusé le final cut. Ce sont donc des compagnies européennes qui ont contribué, la France étant comme souvent dans ces cas en très bonne place.

Brimstone

Dans un cadre qui n’est pas sans rappeler le récent the Thicket, on y suit le chemin de croix (quasi littéralement) de Liz, dont on découvrira plus tard, au long de chapitres habilement rétroactifs, qu’il ne s’agit pas de son vrai nom. Aidée de sa fille Sam, très mûre pour son âge, et qu’elle élève avec sagesse et bienveillance, elle assiste les femmes du village lors de leurs accouchements : dans ces communautés fortement engoncées dans les carcans religieux (ce sont en majorité des immigrés néerlandais, extrêmement rigoureux dans l’observance des préceptes bibliques), l’appui d’une femme dégourdie est nécessaire dans ces moments où les hommes se retrouvent démunis. L’on se doute que cette vie en apparence tranquille, rythmée uniquement par les péripéties d’un milieu en mutation avec les vagues de pèlerins s’enfonçant toujours plus loin et profondément dans l’immensité du Far-West, ne durera pas : après tout, le film s’ouvrait sur un chapitre intitulé « Apocalypse »… Et c’est l’arrivée du Révérend (terrifiant Guy Pearce dans un rôle directement inspiré de celui de Mitchum dans le sublime la Nuit du Chasseur) à la chaire du petit temple de la paroisse qui va bouleverser l’ordre établi : à sa vue, Liz se met à trembler. Son sermon évoquant l’Enfer la tétanise, et elle fera tout son possible pour éviter de le rencontrer, malgré l’insistance de son mari. Et ce qui devait arriver survint : un accouchement se passe mal, le nouveau-né n’y survit pas et l’opprobre est désormais jetée à la face de Liz qu’auparavant tout le monde appréciait.

Brimstone

La vie auparavant paisible de Liz n’est plus désormais qu’une succession de tragédies, jusqu’à ce que sa propre famille se retrouve menacée. Elle sait que c’est le fait de ce sombre pasteur qui semble vouloir resserrer chaque jour son étreinte sur elle : de quoi a-t-elle peur ? Comment se sont-ils connus et que lui a-t-il fait pour qu’elle éprouve autant de peur panique à son encontre ?

Cela sera narré à rebours dans les deux chapitres suivants (« l’Exode » et « la Genèse ») dans lesquels on suivra son enfance chaotique entre une mère effacée et soumise et un père appliquant à la lettre la doctrine chrétienne, et sa fuite éperdue loin de cette existence bien trop contraignante et humiliante lorsqu’on est une jeune femme : plutôt vendre son corps que son âme. Refusant les diktats patriarcaux et le sort de sa mère qu’elle adorait pourtant, elle choisit de pouvoir mener son destin seule. Tâche impossible dans un Far-West bien trop soumis à la loi du plus fort et à la domination mâle. Il ne lui reste que l’espoir d’une vie meilleure, un jour, plus tard… à moins que son passé la rattrape, rouvrant ses plaies à peine refermées et déchaînant les enfers sur Terre…

Brimstone

Filmé avec une rare élégance, le métrage se montre sans aucune complaisance pourtant et les acteurs, Dakota Fanning en tête dans son meilleur rôle adulte, se montrent terriblement convaincants dans les épreuves subies par leur personnage. Les thèmes soulevés (l’oppression patriarcale et religieuse, les violences faites aux femmes et enfants, l’inceste) ont fait réagir les spectateurs de manière diverses, choquant bon nombre d’Américains mais fascinant les Européens. Sans excès de voyeurisme, certaines séquences suscitent le malaise, volontairement : à la brutalité sauvage des westerns des générations précédentes, se limitant à l’affrontement d’hommes entre eux ou contre une Nature farouche, se substitue le Mal insidieux dans l’interprétation des textes religieux, qui parvient à trouver des justifications fallacieuses à la perpétration d’actes ignobles. Après tout, les Croisés allaient joyeusement buter les infidèles au nom du Christ et contre la promesse d’un accès au Paradis

Rien ne change, sauf que la violence s’exerce sur une moindre échelle, dans les familles et les commerces, une violence plus domestique avec des hommes qui s’emparent des existences de leurs épouses et leurs filles, les modelant à leur guise et rarement pour leur bien-être à elles. La plupart de ces femmes choisissent la soumission là où d’autres, plus rares, optent pour la rébellion et le droit de disposer d’elles-mêmes.

 

Brimstone

Un film intense dont la beauté de la partition et des images heurte la violence des faits et gestes des protagonistes, dans un cadre idéal voulu par Koolhoven, grand admirateur des films de Sergio Leone (fun fact : une partie des séquences a été tournée dans la région d’Almeria, sur le site de Il était une fois dans l’Ouest) : après tout, le Far-West a toujours été aussi beau que cruel.

Titre original

Brimstone

Date de sortie en salles

22 mars 2017 avec les Bookmakers

Date de sortie en vidéo

27 février 2019 avec the Jokers

Réalisation

Martin Koolhoven

Distribution

Dakota Fanning, Guy Pearce, Carice Van Houten & Kit Harrington

Scénario

Martin Koolhoven

Photographie

Rogiers Stoffers

Musique

Tom Holkenborg

Support & durée

Blu-ray the Jokers (2025) en 2.40 :1 / 149 min

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