Quand je regarde l'écran, l'écran me regarde.
Le 5 mars 2025, Koba film mettra à disposition du public français un vieux projet de Peter Dinklage qui a fini par voir le jour tout récemment : l’adaptation d’un roman de Joe R. Lansdale se déroulant dans l’Ouest américain à l’aube du XXe siècle.
RÉSUMÉ : Texas, début du XXe siècle. Chasseur de primes et tireur d’exception, Reginald Jones est recruté par le jeune Jack afin de sauver sa sœur kidnappée par l’impitoyable tueur « Bill l’égorgé » et son gang. Avec l’aide d’un ancien esclave et d’une prostituée, ils partent à leur poursuite. Une longue traque à travers le Texas qui les mènera jusqu’au Big Thicket, une forêt maudite redoutée de tous…
The Thicket désigne un endroit reculé, une forêt sombre où se jouera la conclusion de l’histoire et, pour une fois, le titre trouvé par les distributeurs français colle assez à l’intrigue : on est face à un western brut, sans fioriture, empli de personnages peu recommandables au milieu desquels Jack Parker et sa sœur Lula, d’innocents adolescents frappés par le sort (leurs deux parents ont succombé à la variole), font à la fois office de Candide et de victimes expiatoires. D’abord pris en mains par un grand-père un peu plus expérimenté (c’est-à-dire qu’il a réussi à survivre dans cet univers où les représentants de la loi s’inclinent devant les plus forts), ils se retrouvent face à la bande de l’abominable Bill aux multiples surnoms, criminel recherché dont la prime s’élève à 10 000$ (à moins que ce ne soit que 1000$ - un petit gag récurrent qui tiendra jusqu’à la fin). Bill flingue tout le monde, laisse Jack sur le carreau et s’empare de Lula. Fin de l’acte 1.
Lorsqu’il retrouve ses esprits, Jack se retrouve seul et démuni, ce qui s’annonce problématique dans un Texas livré aux rigueurs de l’hiver et à la cruauté des hommes. La chance est avec lui, en la personne de « Shorty » qui vient d’en terminer avec son dernier job (fossoyeur) et a eu des mots avec son employeur, réticent à payer, le forçant à quitter la ville précipitamment, avec une troupe de mercenaires à ses trousses. Flanqué de son fidèle acolyte, Reginald Jones (de son vrai nom) hérite de Jack qui le supplie de l’aider à retrouver sa sœur. La hauteur de la prime pour la capture du bandit finira par le persuader : les voilà partis en chasse, traquant la bande de « Cut Throat » Bill en suivant le moindre indice (en général un monceau de cadavres) en étant eux-mêmes traqués par Simon et son frère Malachi…
Les premières minutes donnent le ton : une longue route déserte dans un paysage désolé, une antique moto qui surgit et passe devant Lula. Une ambiance steampunk se dégage de ces séquences muettes qui se poursuivent par des funérailles près d’une ville désertée à cause de la maladie qui sévit… La mort rôde et couvre de son ombre pesante l’ensemble du film, dans lequel les protagonistes tentent comme ils peuvent d’échapper à son étreinte implacable. Reginald fait partie de ces gars qui saisissent la moindre opportunité pour améliorer leur maigre ordinaire : aussi roublard que talentueux, il a hérité d’un passé trouble (qui se dévoilera à a toute fin) quelques capacités hors du commun, dont celle d’être un tireur d’élite. Mais sa petite taille ne joue pas en sa faveur dans cette contrée abrupte peuplée d’êtres veules ou abjects. D’où son indécrottable méfiance : seul Eustace, son jovial homme à tout faire, a su gagner sa confiance. La mission de Jack ne l’enchante guère, et il a fallu de trésors de persuasion de la part d’Eustace (avec 10 000$, on peut se refaire) pour qu’il accepte de s’engager sur cette périlleuse voie. Surtout que le jeune homme n’est pas facile à gérer : bardé d’illusions et ignorant de la vie, il est prêt à enlever la première prostituée venue pour la soustraire à son mac. Voilà donc Reginald bombardé chasseur de primes et mentor, et tout cela bien malgré lui.
Les somptueux paysages enneigés de l’Alberta (où s’est tournée l’intégralité des scènes du métrage) sont particulièrement mis en valeur par le directeur de la photo, et le réalisateur multiplie les angles de prises de vues pour profiter de ce spectacle, du très grand angle où les personnages se perdent dans l’immensité au toujours cinégénique God’s eye dans ces travellings verticaux au milieu des forêts silencieuses. Cela apporte un indéniable plus produit à un film qui trahit trop souvent son petit budget, avec son montage un peu chaotique, ses acteurs pas toujours très justes (si Dinklage est absolument impeccable, le reste de la distribution manque cruellement de relief et il s’avère assez difficile d’apprécier les borborygmes de Juliette Lewis dans un rôle qu’elle a choisi d’interpréter avec outrance ; quant à James Hetfield, il a la carrure et la voix qui se prêtent au personnage qu’il endosse, mais pas encore le jeu adéquat), ses trucages désuets et son script finalement assez basique.
L’accent est davantage mis sur l’ambiance que les décors naturels magnifient : certes, ce n’est pas le Grand Silence mais on retrouve cette solennité inquiétante qui transparaissait dans the Revenant ou, plus récemment, dans certaines séquences de la très bonne série American Primeval. Dommage pour le coup que de nombreuses approximations dans la mise en scène laissent ce goût d’inachevé d’autant que, dans un métrage qui ne dédaigne pas la violence, il finit par s’avérer un peu trop sage. Crade, poisseux, certes, sanglant aussi, mais moins brutal que prévu : on est loin d’un Bone Tomahawk par exemple, sans doute pour éviter de passer sous les fourches caudines d’un classement trop strict qui limiterait le nombre de spectateurs.
Le résultat est ainsi un mélange de frustration et de plaisir, ce dernier presque exclusivement lié aux apparitions de Peter Dinklage. La musique est plutôt fonctionnelle et ne laissera pas autant de souvenirs que la photo dont on a parlé, le tout plutôt bien mis en valeur par la copie HD disponible sur le blu-ray de Koba Films : la VO en 5.1 est équilibrée avec des dialogues bien audibles (sauf les marmonnements de Juliette Lewis, on vous l’a dit), l’image est bien définie et les effets de lumière à travers les frondaisons ou sur la neige sont sublimes, avec un contraste bienvenu qui aide à la lecture des scènes nocturnes. Le disque dispose également d’une piste VF, mais pas de bonus en vue.
Titre original |
The Thicket |
Date de sortie en salles (US) |
6 septembre 2024 2024 avec Tubi Movies |
Date de sortie en vidéo |
5 mars 2025 avec Koba Films |
Réalisation |
Elliott Lester |
Distribution |
Peter Dinklage, Levon Hawke, James Hetfield & Juliette Lewis |
Scénario |
Chris Kelley d’après l’œuvre de Joe R. Lansdale |
Photographie |
Guillermo Garza |
Musique |
Ray Suen |
Support & durée |
Blu-ray Koba (2025) en 2.35 :1 / 108 min |