Quand je regarde l'écran, l'écran me regarde.
Le film de Sergio Corbucci fait partie des références en matière de western "spaghetti". Le fait de l'avoir vu après la Trilogie du dollar permet de noter les similitudes et les différences de traitement entre un Leone et le père du premier Django. On est vraiment dans l'ambiance glauque des productions italiennes, avec un Far-West sordide, sale, macho et cruel où les principes et les grandes valeurs, soulignées dans les productions américaines, disparaissent au profit du plus fort, ou du plus malin, en tous cas de celui qui aura la plus grande volonté de survivre.
Plus crépusculaire que les trois premiers Leone, il se rapproche du radicalisme de Il était une fois dans l'Ouest : ces montagnes de l'Utah constamment enneigées montrent un pays qui est loin d'être le paradis sur Terre, avec des villageois vivant sous la coupe réglée des sans-abris planqués dans les montagnes et d'un banquier véreux dirigeant la ville en cumulant les mandats. Assez proche de l'Homme sans nom, Silence est carrément muet (un flashback nous apprend pourquoi) et sa vie est entièrement calquée sur un besoin fondamental de vengeance, qui trouvera écho dans celui d'une jeune veuve : Trintignant est carrément parfait dans le personnage. Cette fois, Corbucci renverse les rôles, le chasseur de primes n'étant plus le héros, mais un être violent et machiavélique (superbe Kinski). On a droit à de magnifiques plans très graphiques de chevauchées dans la neige, et quelques jolis petits panoramiques qui viennent dynamiter les traditionnels champs-contre-champs et compensent une utilisation trop systématique des zooms/dézooms vertigineux. Mais la caméra manque de stabilité dans les très gros plans et certaines scènes d'extérieur accusent un nombre de prises influant sur des optiques soumises à rude épreuve (dans le froid) ; les premières minutes montrent aussi un curieux effet de grille sur certaines images et l'ensemble affiche un gros manque de définition.
Le
film perturbe par son rythme indolent, qui a perdu plusieurs des spectateurs de ce ciné-club (certains ont même somnolé) et qui s'accorde étrangement avec le lyrisme de la partition de
Morricone, très enlevée ; ses dialogues manquent souvent d’aplomb et n’ont pas l’impact de ceux des films de Leone. Mais c’est avant tout
son côté nihiliste qui retient l’attention : il a d’ailleurs rebuté bon nombre d'exploitants (la fin, surprenante et osée, est de loin
la plus sombre des films du genre : l'influence de Peckinpah est patente, mais semble avoir engendré une réaction radicalement différente du
traitement d'un Mon nom est Personne,
plus philosophe et enjoué). Violent et sans concession, avec un humour réduit à la portion congrue (là aussi, c'est inhabituel pour une production transalpine de cette époque), c'est un film
déroutant qui a certainement marqué les esprits à l'époque.
Le DVD choisi pour la projection n'est pas de la meilleure des factures mais proposait une intro par Jean-Pierre Dionnet, qu'il faut évidemment utiliser, et la fameuse fin alternative exigée par
certains pays, plus positive mais complètement ridicule.
Ma note (sur 5) : |
3,8 |
Le film prévu au Ciné-Club de mai sera : Tampopo.
Titre original |
Il Grande Silenzio |
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Mise en scène |
Sergio Corbucci |
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Production |
Les Films Corona & Adelphia Compagnia |
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Distribué en France par |
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Date de sortie France |
19 novembre 1968 |
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Scénario |
Vittoriano Petrilli, Sergio & Bruno Corbucci, Mario Amendola |
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Distribution |
Klaus Kinski, Jean-Louis Trintignant, Frank Wolff & Vonetta McGee |
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Durée |
105 min |
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Musique |
Ennio Morricone |
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Photographie |
Silvano Ippoliti |
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Support |
DVD Studio Canal zone 2 2008 |
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Image |
1.66:1 ; 16/9 |
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Son |
VF 2.0 |
Synopsis : Dans la province de l'Utah, aux Etats-Unis. Le froid extrême de cet hiver 1898 pousse hors-la-loi, bûcherons et paysans affamés à descendre des forêts et à piller les villages. Les chasseurs de prime abusent de cette situation. Le plus cruel se nomme Tigrero. Mais un homme muet, surnommé "Silence", s'oppose bientôt à eux...