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Quand je regarde l'écran, l'écran me regarde.

[critique] Mon nom est personne : farce glorieuse

[critique] Mon nom est personne : farce glorieuse

Il y a longtemps, ce film se mêlait dans mon esprit à d’autres westerns « spaghetti » dans un genre très vague qui plaisait aux plus jeunes (mes frères et moi) et faisait grincer des dents les plus âgés, qui pestaient contre ces productions infâmes osant se moquer des icônes indéboulonnables (John Ford/John Wayne en tête). C’était il y a longtemps. Nous étions jeunes et ne connaissions du cinéma que les plaisirs qu’il nous procurait : les frissons, le rire, les bouffées d’adrénaline. Le reste était accessoire.

A présent, j’en sais un petit peu plus.

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Mon nom est Personne aurait pu alors pâtir des nouveaux critères, beaucoup plus rigoureux, qui président désormais à mon appréciation des œuvres du VIIe Art. Il n’en est rien. Bâti à la croisée des chemins, à la fin d’une ère sur le point d’être révolue, ce film a été pensé d’abord comme une réponse pleine de verve au succès triomphal de la saga des Trinita qui plongeait Sergio Leone dans le désarroi. Piqué au vif (comment ces petits films sympathiques mais bien moins ambitieux que ses réalisations pouvaient-ils amasser autant de recettes ?), le maître eut l’idée saugrenue de réitérer le message crépusculaire proféré en 1968 dans Il était une fois dans l’Ouest tout en y insérant un trublion ouvertement inspiré par le personnage de Trinita, dans un mélange osé de comédie et de drame.

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L’un des documentaires présents sur le blu-ray raconte comment Sergio Leone a ruminé le script pendant près de huit mois, envoyant balader une bonne vingtaine de scénaristes et de réalisateurs. Et même si Valerii a été sollicité (et même prié !) pour le mettre en scène, Mon nom est Personne est avant tout une œuvre de Leone. Plus linéaire que ses opus précédents (pas de flashbacks pour raconter l’origine de l’un des personnages ou la raison de son désir de vengeance),  il s’avère au visionnage, et paradoxalement, moins fluide, moins harmonieux, avec un montage optant pour des ellipses ardues et des enchaînements peu logiques. Pourtant, on n’y prête guère attention tant le mariage osé de la farce et de la tragédie fonctionne, l’une sublimant l’autre par un jeu de regards impressionnant (Fonda, impeccable en icône de l’Ouest, passant son temps à plisser les yeux, les projecteurs du chef opérateur lui étant insupportables) et des dialogues instantanément culte. On retrouve ce western si singulier dépeint par les Italiens, aux protagonistes aussi glorieux que veules, aussi brillants que sales, toujours opportunistes. Si les méchants semblent tout droit sortir d’un cirque, avec leurs trognes bouffies et leurs grimaces indélébiles, les héros ont tous leur face obscure, bien loin du manichéisme apparemment primaire des films à papa. Au milieu d’eux, il faut avouer que Terence Hill/Personne illumine l’écran, gai-luron surdoué mais solitaire, ne cherchant jamais à tirer parti de ses qualités (plus rapide que le plus rapide des pistoleros, et nettement plus malin) sauf pour survivre, et vouant une admiration sans borne envers Beauregard, ce mentor qu’il n’a jamais eu, un modèle plus grand que nature et dont il ne veut pas voir la fin inéluctable. Et bien que l’élève soit sans conteste déjà supérieur à un maître sentant le poids des années, et malgré les deux faux duels qui les confrontent (trois en comptant la scène du cimetière indien), jamais Personne ne remettra en cause le statut de Beauregard. Comme si, au moment du passage de flambeau, le récipiendaire ne l’acceptait qu’à condition de renforcer encore l’image sublime de l’idole du passé.

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Soulignons la présence de Jean Martin, qui m’avait impressionné dans Peur sur la ville et qui campe un Sullivan droit dans ses bottes et très crédible.

Les nombreuses séquences inoubliables sont surtout à voir en VF (il n'y avait de toutes façons pas de vraie VO, la version italienne étant pénible, la version anglaise moins drôle). Le blu-ray permet en outre de mettre enfin en valeur, et dans la bonne tonalité, l’extraordinaire partition – assez culottée – d’Ennio Morricone, qui avait réussi à imposer ses vues au réalisateur en lui demandant de lui laisser le temps de développer ses thèmes. Son score empli d’autocitations savoureuses est une réussite. On terminera par l’image, plutôt bien restaurée (les arrière-plans sont très bons) malgré une séquence apparemment oubliée, très granuleuse et virant au jaunâtre (dans la grange). L'ensemble a été approuvé par Jennifer, qui connaît le film sur le bout des doigts.

Donc...

 

 

Titre original

Il moi nome è Nessuno

Mise en scène 

Tonino Valerii & Sergio Leone

Date de sortie au cinéma

14 décembre 1973 avec les Films Jacques Leitienne

Date de sortie en DVD

7 avril 2003 avec FIS

Scénario 

Sergio Leone, Ernesto Gastaldi & Fulbio Morsella

Distribution 

Terence Hill, Henry Fonda & Jean Martin

Photographie

Armando Nanuzzi

Musique

Ennio Morricone

Support & durée

Blu-ray StudioCanal (2012) region B en 2.35 :1/110 min

 

Synopsis Jack Beauregard, légende de l'Ouest, désire mettre un terme à sa carrière de pistolero et envisage de s'embarquer pour l'Europe. Mais un jeune admirateur, affirmant s'appeler Personne, ne l'entend pas de cette oreille. Il veut faire entrer Beauregard dans l'Histoire en l'amenant à combattre la Horde sauvage.

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A
Jean Martin, surtout pour son rôle dans La Bataille d'Alger
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G
Que dire de plus que jennifer, rien et magnifique. Ceux qui critique négativement ce film ne l'on pas compris. Effectivement il faut des vrais hommes (et des femmes) pour en inspirer d'autres.
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J
<br /> Un film indé modable dont on ne peut se passer. Il est de loin le western (même si c'en n'est pas vraiment un) que je préfère, les répliques à force deviennent cultes et la musique nous berce<br /> avec un réel bonheur et une mélodie exceptionnelle. Je ne m'en lasserai jamais.<br />
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