Quand je regarde l'écran, l'écran me regarde.
Même si l'hiver ne semble pas être (pour l'heure) particulière froid et hostile, rien de tel qu'une bonne romance cinématographique comme prétexte pour se pelotonner sur un canapé, une boîte de mouchoirs et les bras de son partenaire à portée de main. Et, parmi les films d'amour sortis en 2015, l'un d'entre eux est susceptible de faire partie de ces Feel Good Movies qui mettent du baume dans la tête au moment des fêtes.
Mettons tout de suite les points sur les i : Ruth & Alex ne restera pas dans les annales, tout du moins chez les critiques professionnels. Il risque également d'ennuyer bon nombre de spectateurs par son choix de narration (essentiellement focalisé sur le couple star au sein d'une intrigue qui n'avance jamais) et de décevoir ceux qui voulaient voir se déverser des torrents d'émotion. On comprend mieux sa sortie en direct-to-video après sa vision, car on a vraiment l'impression que le film ne raconte rien, ou pas grand chose. En tout cas, pas grand chose de palpable.
Qu'est-ce qui a bien pu attirer donc Morgan Freeman lorsqu'il a mis ses billes dans ce projet d'adaptation ? Car ces quelques jours dans la vie de deux new-yorkais un peu bohême n'ont absolument rien de palpitant, ne dévoilent rien et ne changent rien. C'est bien dans la manière dont les personnages réagissent à un double événement (ils envisagent de quitter l'appartement dans lequel ils ont passé toute leur vie de couple alors qu'un présumé terroriste est recherché dans leur quartier), questionnant leurs choix et revisitant leur passé afin de déterminer leurs options que se situe l'intérêt de ce récit presque introspectif, totalement inoffensif mais moins anodin qu'il n'y paraît.
Car si nos retraités interrogent de manière pertinente mais attendue certains travers de notre société contemporaine (l'éducation des enfants, l'omniprésence médiatique), ils mettent avant tout en valeur quelque chose de bien moins concret mais beaucoup plus significatif : leur cadre de vie. Ces deux-là s'aiment, c'est un fait, et depuis longtemps : leur complicité, leur duplicité sautent aux yeux. Chacun connaît les manies de l'autre et se souvient des anecdotes les plus remarquables de leurs premiers émois. Ils se connaissent à la perfection et sont tout à fait synchrones, même si chacun jouera à sa façon des petits défauts de l'autre juste histoire de pimenter leur relation. Et ce qui a aussi contribué à leur bonheur, c'est la manière dont ils se sont intégrés dans leur quartier. Lorsque les premiers visiteurs débarquent chez eux, ils admettent tous la même chose : cet appartement est magnifique, et la vue sur New-York est mémorable. Par le biais de ce lieu qui a abrité leur passion et leurs ébats, s'insinue en nous une sorte de félicité, enjolivant un cadre qui en devient presque idéal. C'est un New-York de carte postale qu'on nous présente, avec des riverains qui se connaissent tous, se rendent mutuellement service et s'apprécient. Alors certes, il y a cinq étages à gravir (que même leur chien peine à monter) et il serait plus raisonnable d'envisager de vivre dans un endroit plus accessible. Mais a-t-on raison d'être raisonnable quand on a dépassé la soixantaine ?
Vous l'aurez compris, Ruth & Alex, sous ses dehors de comédie romantique passéiste emplie de clichés sur le temps qui passe, cherche avant tout à mettre en lumière ce qui compte vraiment, tous ces petits riens qui déterminent le bien vivre, qui enrichissent notre existence et la rendent un peu moins inutile.
Les spectateurs de l'excellent série the Good Wife auront en outre la joie de retrouver Carrie Preston, quoique pour un court moment. Ils savoureront la composition sans faille du toujours impeccable Morgan Freeman qui passe son temps à interroger ses congénères sur la pertinence de leurs propos, vieux peintre un peu bougon mais terriblement attachant dont l'amour pour sa femme (Diane Keaton, lumineuse) n'a jamais connu la moindre éclipse. Un film qui nous fait toucher du doigt la félicité et nous montre qu'on peut bien vieillir dans une métropole hurlante, paranoïaque et désordonnée comme New-York : les raisons qui peuvent légitimement en faire un top classement des films d'amour si tant est que vous soyez sensible au propos.
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Titre original |
5 Flights up |
Mise en scène |
Richard Loncraine |
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Date de sortie France |
14 octobre 2015 avec Factoris Films (DTV) |
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Scénario |
Charlie Peters d'après le roman Heroic Measures de Jill Ciment |
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Distribution |
Diane Keaton, Morgan Freeman & Carrie Preston |
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Musique |
Andrew Marcus |
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Photographie |
Jonathan Freeman |
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Support & durée |
DVD Factoris Films (2015) en 2.35:1 / 88 min |
Synopsis : Ruth et Alex, un couple new-yorkais, voient leur quotidien bouleversé lorsqu'ils décident de vendre leur appartement de l'East Village après y avoir vécu ensemble des décennies durant.