Quand je regarde l'écran, l'écran me regarde.
Une origin story pour des personnages et une histoire connus de tous, certes très plaisante, mais dont l’intérêt reste à prouver. Les acteurs sont convaincants, la direction artistique originale, mais l’on pouvait s’attendre à encore plus délirant de la part de Joe Wright. Un honnête divertissement familial ponctué de belles surprises.
On avait vraiment hâte de découvrir le nouveau film de Joe Wright, le réalisateur talentueux de Anna Karenine et Hanna. Et c’est probablement parce que l’on en attendait trop que l’on est ressorti de la séance de Pan un peu mitigés.
Non que cette énième variation autour du célèbre personnage créé par Barrie soit mauvaise, pas du tout même, mais l’on se dit que le spectacle manque d’ampleur, d’inventivité, de cette touche de folie qu’apporte habituellement le metteur en scène dans ses films. Comme s’il s’était freiné de lui-même, car s’adressant à un public plus large que lors de ses précédents films.
Et si sa mise en scène est toujours intelligente et élégante, ses débordements créatifs se font plus rares dans Pan. On notera néanmoins de très belles surprises ponctuant un récit relativement balisé, des éléments originaux donnant une véritable personnalité au projet de Joe Wright. On retiendra notamment la reprise d’une chanson - dont nous tairons le titre - par Hugh Jackman, ou encore sa formidable version du village des Indiens, faite de bric et de brocs et bourrée d’idées géniales. Il en aurait fallu bien plus pour que Pan soit considéré comme un grand film, mais en l’état on s’amusera de ces petites trouvailles apportant de la fraîcheur à un univers archi-connu.
Quoi qu’il en soit, l’on se demande surtout ce qui a bien pu motiver le réalisateur à vouloir raconter la préquelle de Peter Pan. Parce qu’en l’état, il ne se passe pratiquement rien de follement excitant dans Pan, d’inédit ou apportant une quelconque plus-value à une histoire maintes fois racontée. Pan est pour ainsi dire un remake des aventures traditionnelles de Peter Pan. Sauf qu’il s’agit, parce que c’est dans l’air du temps, d’une origin story. L’on pouvait comprendre l’intérêt d’un film comme Hook, avec son Peter devenu adulte, l’on pouvait comprendre également que les débuts de la relation entre le jeune garçon et sa Némésis le Capitaine Crochet puissent faire l’objet d’un long-métrage. Pourtant, Pan ne semble pas s’en préoccuper plus que cela. Crochet est ainsi présenté comme un acolyte de Peter, son plus fidèle ami ou tout comme, mais il n’est quasiment pas mis en avant, l’on ne ressent presque jamais le potentiel conflit qui les amènera à devenir des ennemis jurés. Le personnage joué par Garrett Hedlund est si éloigné de l’image que l’on s’en fait qu’il en vient même à ne plus avoir de sens dans cette histoire. Crochet est caractérisé comme un gentil aventurier, un brin manipulateur mais surtout charmeur, prêt à tout pour défendre Peter. Un personnage de plus aux côtés de Peter face au véritable bad guy du film, Barbe Noire.
En outre, même Peter, pas encore totalement Peter Pan, ne ressemble pas au petit garçon facétieux que tout le monde connait. A quoi bon réaliser une origin story sur ces personnages si ce n’est pas pour faire en sorte que le public puisse les reconnaître, ou du moins puisse comprendre pourquoi ils sont devenus ainsi par la suite ? Pour cela il faudrait que Joe Wright puisse réaliser un second épisode, tant le film semble démarrer réellement que dans sa dernière partie. Frustrant, donc.
Auparavant, l’on aura donc eu droit à un quasi remake des précédentes adaptations, avec Barbe Noire en lieu et place de Crochet. Le film se laisse en revanche suivre avec beaucoup de plaisir, car il faut avouer que d’un strict point de vue technique il arrive à maintenir notre attention de bout en bout. Sa 3D est plutôt immersive (avec quelques recadrages assez inutiles), la musique de John Powell illustre agréablement toutes ces images colorées et foisonnantes. Il faut aussi dire en outre que le casting, s’il pourra surprendre tout d’abord, est particulièrement convaincant. Le jeune Levi Miller s’en tire très bien (il n’est pas agaçant comme peut rapidement le devenir un acteur jouant Peter Pan), Hugh Jackman s’en donne à cœur joie, cabotinant juste comme il se doit, Garrett Hedlund fait comme il peut pour donner de l’épaisseur à son rôle et Rooney Mara, en Lili La Tigresse qui a tout de la Princesse Mononoké, bien que non Indienne (mais cela peut s’expliquer dans le contexte du long-métrage), est parfaite. Tout juste pourra-t-on râler sur le peu de présence d’Amanda Seyfried à l’écran, dans un rôle plus que secondaire. On lui préfèrera le Peter Pan de P.J. Hogan sorti début 2004, ou encore le Hook de Spielberg sur bien des aspects, mais cette relecture version Joe Wright n’en demeure pas moins très honnête.
Un divertissement familial intelligemment mis en scène par un Joe Wright légèrement bridé (il aurait pu nous faire du Baz Luhrmann avec ce genre de sujet). C’est déjà largement mieux que la majorité des productions du même genre.
Très correct.
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Titre original |
Pan |
Mise en scène |
Joe Wright |
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Date de sortie |
21/10/2015 avec Warner Bros. |
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Scénario |
Jason Fuchs d’après J.M. Barrie |
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Distribution |
Hugh Jackman, Rooney Mara, Levi Miller, Garrett Hedlund & Amanda Seyfried |
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Photographie |
John Mathieson |
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Musique |
John Powell |
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Support & durée |
2.35 : 1 / 111 minutes |
Synopsis : Proposant un nouveau regard sur l'origine des personnages légendaires créés par J.M. Barrie, le film s'attache à l'histoire d'un orphelin enlevé au Pays Imaginaire. Là-bas, il vivra une aventure palpitante et bravera maints dangers, tout en découvrant son destin : devenir le héros connu dans le monde entier sous le nom de Peter Pan.