Quand je regarde l'écran, l'écran me regarde.
Un film de Tarsem (Singh) (2006) avec Lee Pace & Justine Waddell, présenté par David Fincher & Spike Jonze, d’après le film bulgare Yo-ho-ho de Valery Petrov (1981).
Un blu-ray M6 (2009).
Résumé : 1920 dans un hôpital californien. Un cascadeur de cinéma muet victime d’un accident décide d’égayer le quotidien d’une petite hindoue pleine d'imagination en lui racontant des histoires épiques et merveilleuses, notamment celle où les 5 Guerriers fantastiques se révoltent contre le diabolique Gouverneur Odious. Ce faisant, son conte se nourrit de ses propres fantasmes et exigences sur la vie, et de la passion débordante de la petite…
Une chronique de Vance
The Fall est un film de Tarsem, le réalisateur du controversé the Cell (images magnifiques, scénario vain). Ici, s'inspirant assez ouvertement de la mouvance du Labyrinthe de Pan, il s'appuie sur une structure réalisant une synthèse entre l'Histoire sans fin et Princess Bride : dans le monde réel, un adulte raconte une histoire fantasmagorique à une enfant, mais leurs avatars prennent place dans l’histoire et le narrateur comme l’auditeur peuvent influer sur le cours du récit. La séquence d’ouverture au ralenti, dans un somptueux noir & blanc, annonce la couleur : on va en prendre plein les yeux. Dès les premières secondes, on ne peut que béer d’admiration (j’ai dû faire « Wow ! » une paire de fois).
Cachou (lire par ailleurs son article) avait été séduite par la recherche permanente d’une esthétique exceptionnelle, des plans à couper le souffle tant par les textures que par le choix des couleurs, l’éclairage et le cadrage. Elle avait raison : visuellement, c'est époustouflant. Tarsem a parcouru le monde pendant 5 ans pour trouver des paysages absolument sublimes et des monuments géométriquement parfaits : 26 sites sur 18 pays ont été shootés, de Bali aux îles Fidji pour leurs atolls et eaux cristallines en passant par le Cambodge, Istanbul, l’Egypte, l’Afrique du Sud (les scènes d’hôpital) et l’Inde (la cité de Jodhpur) principalement. Truffant chaque scène de filtres poussés, retravaillant la photo en saturant les couleurs, il obtient sur ce blu-ray un résultat qui figure parmi ce qu'on trouve de plus beau à visionner actuellement. Un peu à la manière de Hero, il joue habilement avec la lumière et les teintes primaires dont il affuble assez habilement les personnages principaux (les caractérisant spécifiquement comme chez Disney), mais aussi les décors (la cité bleue au pied du palais du Gouverneur Odious est magnifique).
La petite fille, Alexandria, est craquante, son anglais un peu approximatif (s’améliorant naturellement pendant les six semaines de tournage) rend ses séquences à la fois plus touchantes et plus justes (donc, à ne goûter qu'en VO). L'histoire est sympathique, souvent à la limite de la mièvrerie mais sans s'y jeter vraiment, avec cette manière assez roublarde (mais déjà vue par ailleurs - voir par exemple le Magicien d'Oz) de réutiliser des personnages du réel pour peupler le conte. Ce qui peut agacer c'est ce côté film-somme, vendu comme un chef-d’œuvre absolu (que peu connaissent...) alors que le résultat est plus proche d'une très belle série B. C’est un peu agaçant quand on lit la jaquette de se voir presque contraint de respecter ce film, de l’élever au rang qui lui sied. Comme pour le Secret de Terabithia par exemple, vendu pour ce qu’il n’est pas – alors que ses qualités intrinsèques devraient lui suffire.
Parmi ses délires visuels, je n’ai pas pu ne pas apprécier la maîtrise étonnante des images multiples chères à Dali, pour un plan extraordinaire rappelant Espagne de 1938, ou Impressions d’Afrique de 1940 (on remarquera que pour l’affiche, la production s’est encore une fois inspirée du génie catalan en réadaptant le Visage de Mae West – utilisable comme appartement surréaliste). A noter également une très jolie petite séquence en animation évoquant l’intervention chirurgicale pratiquée sur Alexandria après sa chute.
Enfin, le finale est attendu mais suffisamment bien amené pour qu'on passe sur les facilités. Et puis, en parallèle, il y a une très belle vision de ce cinéma encore balbutiant (on voit à la fin des extraits de films de Buster Keaton ou de Harold Lloyd) qui souligne ce qui est une leçon de vie très optimiste.
Une très agréable surprise.
Visionné en V.O.S.T. DTS HD, bien équilibrée, sachant dispenser quelques jolis effets surround (flèches, lames d’épée). L’image est tout simplement à tomber.