Quand je regarde l'écran, l'écran me regarde.
Une chronique de Vance
Après un Défi David Lynch très dense et plein d’enseignements (tant pour ceux qui le connaissaient que pour les amateurs ou les fans de la première heure), Cachou a immédiatement proposé de retenter l’expérience avec David Cronenberg, cinéaste tout aussi particulier, aux thèmes de prédilection singuliers et qui sait également susciter la polémique, que ce soit pour ses choix de scénarios ou l’interprétation de ses films. Sans doute moins catalogué « génial » comme le sont souvent les précédents sujets de nos Marathons (David Lynch donc, et bien sûr Stanley Kubrick), Cronenberg est de ces artistes qui ont leur masse d’amateurs éclairés dans la presse spécialisée et l’un de ces réalisateurs qu’on peut qualifier d’auteurs suivant la terminologie établie par les journalistes de la Nouvelle Vague.
Et puis, j’avais hâte de revoir certains films qui m’avaient marqué (Chromosome 3, Scanners) ou de replacer d’autres plus connus dans la filmographie, ou encore de découvrir certaines perles de jeunesse d’un metteur en scène plus prolifique qu’il n’y paraît.
J’ai laissé à Cachou le soin de visionner deux moyens-métrages (Stereo et Crimes of the future) pour me concentrer sur son premier long, Frissons.
Film n°1 : Frissons
Titre original : Shivers
Coffret DVD zone 2, Metropolitan/Seven Sept (2003)VOST DD 2.0 ; 84 min
1.85 : 1 – 16/9
Joli coffret dans son surétui en carton légèrement granuleux, doté de quelques suppléments intéressants. L’image de Frissons est satisfaisante et le son mono d’origine bien traité, évitant les sifflements habituels de ces anciennes pistes sonores.
Résumé : Dans une résidence luxueuse située près de Montreal, un professeur renommé se suicide après avoir étranglé et éventré une jeune femme. L’affaire est vite étouffée mais le médecin du complexe hôtelier décide de mener l’enquête en apprenant que ce professeur s’était livré à des traitements médicaux singuliers, fondés sur la greffe de parasites. Or ceux-ci semblent déclencher chez les patients traités des réactions particulières et engendrent une épidémie…
Cronenberg, on le sait, se focalise souvent sur la chair et son rôle dans les relations humaines. Il aime la torturer, la faire muter et ne dédaigne jamais exposer des effets spéciaux gore pour peu qu’ils servent son sujet. Quand on ne connaît de ce cinéaste canadien que les œuvres les plus réputées, on se rend compte d’abord que le gaillard s’est bien assagi : alors que Videodrome portait explicitement sur les snuff movies et donc le sexe à l’écran, il ne montrait pas grand-chose de croustillant. Or là, dans Frissons, on est davantage dans une série B lorgnant sur le Z avec des passages obligés révélant soit des poitrines dénudées, soit des choses visqueuses et/ou sanguinolentes. Bref, il ne se démarque guère des productions gore de l’époque.
A priori.
Les (a)mateurs seront donc ravis de voir quelques jolies nymphettes dénudées, deux femmes qui s’embrassent sous l’effet étrange et pernicieux de ces parasites déclenchant des pulsions sexuelles irrépressibles et plusieurs litres d’hémoglobines aspergeant murs et carpettes. Les grosses limaces rampantes feront certainement plus sourire que déranger.
Il y a tout de même autre chose dans cette production lente et parfois mal montée voire indigeste : si l’on met de côté un jeu très approximatif des comédiens, on s’intéresse au sujet. Cronenberg, non sans humour, nous fait suivre une enquête poussive menée par un médecin plein d’allant (le sémillant Roger St Luc) qui a le don (méritoire vu les circonstances) de ne pas perdre son sang-froid tout en recherchant d’abord les causes, puis les remèdes à l’infectin qui se propage. Repoussant sobrement les avances de sa secrétaire (pourtant en pleine possession de ses moyens, elle), il devra réitérer plus brutalement ce refus jusqu’à devoir faire usage de la force : au bout d’une heure, on bascule dans un film de zombis, les personnes infectées ayant tendance à se regrouper pour rechercher les autres habitants de la résidence. Un lieu clos, donc, coupé du monde (il est situé sur une île du Saint-Laurent) et des possibilités de fuite qui se réduisent au fur et à mesure que les infectés voient leur nombre augmenté. Le finale dans la piscine fleure bon le Grand-Guignol.
Le film est décevant au regard de la carrière future de Cronenberg. Intéressant dans sa première heure, il s’embourbe ensuite dans une fin aussi prévisible que maladroite, et qui n’exploite qu’imparfaitement les possibilités du sujet. Cela dit, être poursuivi par des personnes ne cherchant qu’à copuler, ça peine à terroriser.
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