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Quand je regarde l'écran, l'écran me regarde.

La Main gauche de David Lynch : Twin Peaks & la fin de la télévision

la-Main-gauche-de-David-Lynch.jpgUn essai de Pacôme Thiellement, éditions P.U.F. (2010), collection « Travaux pratiques ».



Présentation 4e de couverture : En ouvrant Twin Peaks : Fire walk with me par l’image de la destruction d’un tube cathodique, David Lynch avait marqué de manière décisive que son œuvre serait avant tout une méditation sur la télévision. Cette méditation, toutefois, ne visait pas simplement à découvrir la vérité de ce médium, vérité gnostique et capitaliste à la fois, mais aussi à en incarner la crise : ce moment où les puissances déchaînées par le miroir que la télévision tendait à ses spectateurs ne pouvaient que se retourner contre elles…

 

 

Une chronique de Vance


Alors que j’achevais le Marathon Lynch engagé avec trois autres blogueuses cinéphiles, ce livre m’a été conseillé par le biais d’un judicieux commentaire et un lien ad hoc. Séduit par la présentation qui en était faite, j’ai cherché à me procurer ce livre et l’ai commandé dans l’heure qui a suivi.

Bien m’en a pris.

 

Le coin du C.L.A.P. : Un essai qui s’est avéré passionnant. Je l’ai emmené avec moi chaque fois que j’étais certain d’être soumis à une de ces attentes insupportables – mais pas de salle de cinéma en raison des intempéries. On ne peut qu’être satisfait de la qualité de sa couverture et de sa reliure ainsi que du papier : la collection « Travaux pratiques » fournit du bon matériel, agréable au toucher.

 

Un livre fort bien écrit, à l’érudition vertigineuse (on se sent parfois tout petit à côté de la masse de citations d’artistes plus ou moins célèbres, mais on ne se retrouve heureusement pas noyé sous un flot d’informations obscures et d’affirmations absconces : inutile d’entreprendre la lecture armé de dictionnaires et d’une liaison internet). Dès l’entame, Thiellement annonce la couleur : oui, on va parler de cinéma (la 2e page lance le sujet principal grâce à l’analyse de Laura, de Preminger, en tant que prototype, avec le Vertigo d’Hitchcock, pour Twin Peaks), on va évoquer David Lynch et ses rapports plus ou moins conflictuels avec l’industrie de la télévision et du cinéma.

laura-palmer.jpg

 

p. 11, §1 : La force du film d’Otto Preminger, c’est d’avoir transposé dans sa narration le modus operandi du cinéma lui-même, et la manière dont les stars existent en s’imposant dans l’âme des spectateurs, les obsédant et les paralysant, les faisant trembler d’amour et désirer sans espoir – réalisant ainsi sur les masses ce que les muses opéraient précédemment dans l’unité subjective des seuls poètes. Toute star est une formation de domination par la merveille.

 

En quatre chapitres, de plus en plus courts, l’auteur expose avec passion et un sens inné de la Culture, une réelle admiration pour l’œuvre de David Lynch (apparemment, plus que pour l’artiste lui-même auquel il lui reproche sa passivité dans les entretiens et ce tournant – négatif d’après lui – que constitue son adhésion à la méditation transcendantale par l’intermédiaire d’un « gourou » suspect) à laquelle il attribue des vertus insoupçonnées pour les masses. Mais loin de chercher à nous éduquer à tout prix, à nous faire découvrir la beauté cachée de ces films qui nous semblent si souvent étranges, il préfère, progressivement, nous solliciter, nous préparer à assimiler d’abord la véritable révolution que fut la série Twin Peaks pour notre univers médiatique avant de nous former à l’appréhension des aspects épiphaniques, théosophiques ou métaphysiques du travail de Lynch, voire de tout artiste. C’est bien davantage que le simple fait d’éduquer le regard.

 

p. 11, §2 : Citant Franz Kafka : Ce n’est pas le regard qui saisit les images, ce sont elles qui saisissent le regard. Elles submergent la conscience. 

 

Il s’agit de se remettre personnellement en question chaque fois qu’on se trouve confronté à une œuvre artistique, de développer un schéma de pensée qui nous permettra de transcender le support jusqu’à atteindre le message enfoui, visible uniquement à ceux qui savent interpréter les signes.


p. 12, §1 : Les grands films de cinéma sont ceux qui ont forcé le spectateur à regarder à l’intérieur de lui-même, dans l’espace sans dimension qui sépare l’œil de la paupière, pour montrer les fantômes de la mélancolie et du rêve que son regard, depuis toujours, portait.

lynch-miroir.jpg

Ainsi, l’écrivain développe son thème à partir de celui du miroir (ou, plus précisément, du reflet dans le miroir) : bien davantage qu’une porte dimensionnelle ouvrant sur des ailleurs insondables, le miroir force le spectateur à regarder au fond de lui. Thiellement ne choisit pas d’écrire sur l’altérité et l’irréalité latente des films de Lynch (pas de parallèle avec Philip K. Dick par exemple) mais annonce plutôt une forme de poétique qui serait la base du travail du réalisateur.


pp. 40 & 41 : Il n’y a pas, il n’y a même jamais eu « rien à comprendre » aux films de David Lynch, et encore moins à Twin Peaks. Ce que ses fictions nous présentent ne sont absolument pas, comme il le laisse volontiers entendre, des sensations et des visions dont il ne sait pas lui-même ce qu’elles veulent dire. Ce ne sont pas non plus de purs phénomènes esthétiques ou des jeux de surface sur le kitsch des codes cinématographiques.  Quelle qu’ait été la part du rêve éveillé ou de la vision dirigée dans l’élaboration de ces différentes images mouvantes, il ne s’agit pas non plus des productions de son inconscient. Bien au contraire, à l’instar de Dante pour la Divine Comédie, il s’agit de la constitution d’une poétique , et la poétique est toujours une communication par signes.

 

Et de citer régulièrement Dante, dont le cheminement intérieur/extérieur est similaire à celui que doit entreprendre tout spectateur de la série Twin Peaks.


Mais au-delà de ces considérations approchant une sorte de « guide à l’usage des spectateurs inconscients », Thiellement choisit aussi de construire une thèse sur la destruction du monde télévisuel comme archétype de la civilisation capitaliste. La série Twin Peaks, construite sur des archétypes doubles (chaque personnage a son corollaire, son alter-ego aux visions radiclament opposées, chaque lieu ou élément de décor possède son exact inverse, révélé par des choix de couleurs et d’éclairage adéquats) non seulement pulvérise les codes de l’enquête policière, mais aborde des notions complexes comme le conflit permanent entre des forces opposées : bien après la révélation du meurtrier de Laura Palmer, la fin de la série va suivre le chemin de croix d’un Dale Cooper cherchant à libérer sa dulcinée de l’emprise maléfique de la Black Lodge d’où est issu l’incube Bob, démon perpétrateur des meurtres originels. S’ensuit alors dans l’essai de Thiellement une étude d’un système capitaliste conçu comme religion.

 

p. 85, §2 : Car le capitalisme est un culte consccré non à l’expiation, mais à la perpétuation de la faute.

 

En dévoilant les dessous de notre société corrompue, en les exposant – pour peu qu’on se donne la peine de les voir – Lynch fournit également le moyen de transcender la révélation : c’est moins à un combat que l’auteur nous prépare qu’à une philosophie de vie, une manière de percevoir ce qui est tu, celé par ceux d’entre nous, les vrais artistes, les poètes, qui savent depuis toujours décrypter les signes et les exposer. Le tout est de ne pas laisser l’œuvre s’enfoncer dans l’oubli : la série Twin Peaks, et a fortiori sa séquelle/préquelle Fire walk with me avec son finale épiphanique, ont eu de profondes conséquences sur Lynch, assommé par l’échec cuisant de ces productions – à tel point que Thiellement voit dans les films suivants une sorte de rancœur qui se traduit par l’absence systématique de cet optimisme qui rayonnait dans ses premières réalisations. Sans dédaigner la qualité d’un Mulholland Drive ou d’un Lost Highway, il leur préfère ces films où le metteur en scène dévoilait ses obsessions avec une sorte de candeur objective.

Fire walk with me 02

p.124 : Car il ne s’agit pas de voir. Il ne s’agit jamais seulement de voir. Il s’agit de modifier la réalité en rehaussant la qualité de notre regard. A la fin du combat que représente une telle création, l’artiste est enfermé dans le monde qu’il a rendu possible et il ne peut pas sortir. Mais son œuvre est là, devant nos yeux, entre nos mains, et c’est à nous d’en libérer le potentiel de transfiguration épiphanique toujours présent. 

 

Un livre qui donne à penser, qui donne à réfléchir, et qui permet surtout une approche très intéressante de la démarche de David Lynch, l’inscrivant dans un registre bien plus complexe qu’il n’y paraît.

 

A présent, je n’ai qu’une hâte : voir enfin le film de Preminger.

 



Incipit : 

Les hommes se retournent dans leur miroir comme les enfants dans leur lit : pour trouver le sommeil. La constance apparente des choses est ce sommeil ; la permanence du visible alliée à la confiance que notre identité ne va pas nous faire faux bond pendant la nuit. 


Citations :      

p. 24, §1 : Citant Jean Cocteau dans Orphée : Les miroirs sont les portes par lesquelles entre la mort.


pp. 25 & 26 : Citant Farîd al-Dîn ‘Attar : Mon discours est sans parole, sans langue et sans bruit. Comprends-le sans esprit et entends-le sans oreille.


p. 29, §2 : Le sacrifice d’une œuvre d’art ne fait qu’un avec sa dimension eucharistique. A l’instar des individus morts soudains dans les accidents les plus improbables, elle met beaucoup plus de temps à quitter le monde des vivants que l’œuvre sur laquelle l’auteur a eu le temps de déposer sa touche finale ou sa signature.


p. 31, §1 :  citant Dante dans la Divine Comédie :

Je voulais voir comment se joint

L’image au cercle, comment elle s’y noue,

Mais pour ce vol mon aile était trop faible :

Sinon qu’alors mon esprit fut frappé

Par un éclair qui vint à mon désir.

 

p. 33 : expliquant la démarche de Dante dans la Divine Comédie : Il y explique également – et c’est toute la nouveauté et la grandeur de son opération poétique – que, non seulement les textes sacrés, mais également les textes profanes doivent être compris selon des couches de significations superposées, et donc qu’une multiplicité d’interprétations est également légitime dans le cadre d’une œuvre d’art réalisée par un individu.

 

p. 35, §3 : Lire un texte sacré, c’est déjà l’interpréter. Et l’interpréter, c’est passer d’une signification à une autre, par étapes successives, et atteindre un point où comprendre le texte et devenir Dieu ne sont plus qu’une seule et même chose.

 

p. 36, §1 : citant Dante dans la Divine Comédie : O vous qui avez l’entendement sain, voyez la doctrine qui se cache sous le voile des vers étranges.

 

p. 46, §2 : à propos des spectateurs de Twin Peaks : un public capable de passer au crible la moindre séquence comme s’il s’agisssait du salut de son âme.

 

p. 73, §3 : citant Rimbaud : Tous les êtres ont une fatalité de bonheur.

 

p. 106, §1 : Avec Fenêtre sur cour,  nous délimitons l’économie classique de la représentation : tel le silencieux Perceval, le spectateur ne peut pas intervenir dans le champ du film, mais il conditionne son apparition.

 

p. 107, §2 : C’est toujours le problème du personnage principal dans les fictions : tous les personnages secondaires sont les faire-valoir de son récit et tendent à donner une image de l’Univers, miroir de la personnalité du lecteur ou du spectateur, comme un récit hiérarchiquement organisé, avec individus principaux, secondaires et figurants. Et les médias, en sélectionnant au sein de l’humanité personnages principaux et personnages secondaires, en mettant toute la société au diapason des vies de certains «élus » (ceux qui ont « réussi », les stars et les politiques, les VIP) reconduisent cette logique dans le domaine de la vie elle-même.

 

  

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M
I guess that, I have been missing a lot of TV series recently. The funny part is that, I have not even heard about these even for once anywhere on television or from friends. I am wondering, how actually that happened.
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R
<br /> <br /> Il est possible qu'en réalité, il ait voulu démentir les théories qu'il entendait sur son inspiration ; dans certaines interviews, on sent un tension, un problème, il commence par livrer des<br /> pensées assez étranges, et celui ou celle qui l'interroge a l'air très étonné, et lui demande de confirmer (du type "O, really, David?"), et alors, il dit qu'en fait, il n'en sait rien, il ne<br /> veut plus rien dire. Je pense que s'il a voulu laisser planer le mystère, c'est parce qu'en réalité, pour lui, ça vient toujours "de plus loin". Finalement, il a choisi de le dire clairement.<br /> <br /> <br /> <br />
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R
<br /> <br /> Pour le livre, je pense que Lynch voulait réellement se livrer concernant la méditation. Il en avait envie. Sur l'art du cinéma, au fond, il n'a jamais rien voulu dire, comme par exemple pour le<br /> "bébé" dans Eraserhead, il n'a jamais voulu dire comment techniquement il s'y était pris. Je pense qu'il y a un certain courage à dire les choses avec franchise, quant à ce qui l'occupe<br /> intérieurement. Et qui n'est pas, ici, l'aspect technique ou, somme toute, le cinéma en lui-même, comme forme - ou phénomène social, même.<br /> <br /> <br /> <br />
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V
<br /> <br /> Oui sans doute. C'est difficile à dire. C'est une attitude qui lui a valu les foudres de bien des critiques friands d'explications. C'est un peu cette facette de lui qui me plaît tant, sa manière<br /> assez singulière de laisser planer le doute sur ses motivations, ses sources d'inspirations et sa façon de travailler, cela entretient cette forme de magie singulière qui se dégage de ses<br /> oeuvres.<br /> <br /> <br /> <br />
R
<br /> <br /> (Parole forte qui explique aussi certains aspects de ses derniers films, du reste.)<br /> <br /> <br /> <br />
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R
<br /> <br /> Oui, sur le langage initiatique, tout est vrai, mais précisément, Desmond met en relation des choses qui n'ont aucun lien direct entre elles. Or, l'explication, Lynch la donne dans son livre<br /> justement à propos du monde que permet selon lui d'appréhender la Méditation Transcendantale : une nappe unitaire au-delà des éléments matériels, en eux-mêmes disparates, sans lien réel. Il y a<br /> là aussi une cohérence. Le débat sur la légitimité de Lynch à adhérer à ce mouvement spirituel n'a rien à voir.<br /> <br /> <br /> Mais s'il faut y entrer, selon ce que dit Lynch lui-même, il a commencé à pratiquer la Médtation Transcendantale juste après avoir fait Eraserhead, je crois. Selon lui, aussi, elle l'a<br /> aidé, c'est vrai, à supporter les échecs, mais aussi les succès, car il dit que le succès corrompt, dévoie, comme peut le faire l'échec. Or, c'est une parole forte. Mais ton commentateur en<br /> tient-il compte ? Je crois qu'il a l'obsession du religieux ou des sectes comme il a celle du capitalisme pervers : c'est quand même marqué au coin d'une idéologie assez présente dans certains<br /> milieux intellectuels. Ce n'est pas très sérieux, à mon avis.<br /> <br /> <br /> <br />
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V
<br /> <br /> Il parle beaucoup de la Méditation dans Mon histoire vraie (je trouve d'ailleurs que le propos parasite un peu la portée du livre) et tu l'interprètes parfaitement. Vu sous cet angle,<br /> c'est cohérent, effectivement.<br /> <br /> <br /> <br />
R
<br /> <br /> "entre l'énigme de la naissance et CELLE de la mort" (erratum). (Et excuse-moi de ne pas être d'accord avec toi, Vance. Ton écrivain d'aujourd'hui, avec son discours sur la société actuelle et le<br /> capitalisme, me fait repenser à toute cette critique trop française de ces dernières décennies, et dans le cas de Lynch me paraît un peu ridicule, car tout le monde sait qu'il s'adonne volontiers<br /> au commerce, qu'il regarde l'argent comme une bénédiction, et il n'a jamais laissé entendre que les artistes par exemple avaient besoin de l'Etat pour les protéger du marché, mais simplement<br /> qu'il y avait des capitalistes intelligents qui comprenaient que les artistes devaient être absolument libres de leurs choix, et qu'il y en avait d'autres qui n'avaient pas cette intelligence !)<br /> <br /> <br /> <br />
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V
<br /> <br /> Hum oui, je comprends ton point de vue - et tu n'as pas à t'excuser de diverger du mien.<br /> <br /> <br /> D'abord, là où je suis d'accord avec Thiellement, c'est sur la manière dont Lynch semble être le jouet de la méditation transcendantale, plutôt qu'un de ses adeptes (la personnalité du gourou,<br /> très suspecte, y est pour beaucoup). Son interprétation va plus loin : il estime que c'est devant l'échec total de Fire walk with me (qu'il place comme étant la réelle somme de son<br /> travail cinématographique - ne serait-ce que pour l'image initiale ou surtout la manière de le décoder - rappelle-toi la séquence où Lynch, directeur du FBi, fait danser une fille en rouge :<br /> chaque détail de sa danse, de son expression, de sa gestuelle et même de sa robe a une signification pour l'agent Desmond ; au lieu donc de lui révéler ex abrupto les éléments de l'enquête, Lynch<br /> laisse à ses agents le soin de les décoder. C'est ce langage initiatique que met en avant Thiellement, et j'avoue que je suis assez sensible à ses arguments, notamment sur la signification des<br /> symboles mis en lumière dans Twin Peaks, et surtout la mythologie particulière dont se détachent les Loges.<br /> <br /> <br /> En revanche, pour la partie plus politique de son essai (le capitalisme est une religion, la TV son Evangile), j'adhère nettement moins. Mais le tout forme une somme fort cohérente.<br /> <br /> <br /> <br />
R
<br /> <br /> Honnêtement, j'ai un peu du mal à voir chez Lynch un discours sur la société en général et la nôtre en particulier. Je crois qu'à ses propres yeux, il parle de l'être humain, tel qu'il le<br /> conçoit, avec sa saisie entre l'énigme de la naissance et de la mort, et en même temps, pourquoi ne pas le dire, son aspiration à l'éternité. Ce qu'il évoque de la Méditation Transcendantale ne<br /> doit pas faire l'objet d'un débat a priori sur la place des sectes dans la vie des artistes ou dans leurs discours, mais être pris au sérieux. Lynch y met l'individu restreint à un lieu défini en<br /> relation avec un universel dans lequel flottent les éléments épars et apparemment dénués de lien du monde tel qu'il apparaît. Le flux universel est le lien réel de tous ces éléments, mais il est<br /> invisible, il n'a pas de matérialité, il ne peut pas apparaître sur l'image. L'image est donc forcément parcellaire. Mais le flux caché crée un lien entre des images qui apparemment n'en ont pas,<br /> simplement parce que le lien matériel qu'on met entre les éléments matériels est en lui-même illusoire et fallacieux. Le lien entre les éléments n'est pas lui-même dans les éléments, mais<br /> au-delà. Dans le flux universel, chaque image matérielle a évidemment son reflet. Le reflet est donc aussi la vérité de soi. L'intérêt du cinéma devient ici clair : Lynch en parle comme d'une<br /> illusion au sein de laquelle une série d'images fixes s'enchaînant rapidement grâce à l'énergie électrique crée l'illusion du mouvement. En fait, entre chaque image fixe, il n'y a rien. La<br /> relation apparente de cause à effet n'est que le fruit d'une illusion. Elle est en fait créée par l'homme qui dit "Action" : celui qui manie les manettes dans "Eraserhead". L'illusion le reflète.<br /> Il n'y a pas de discours, je pense, sur le cinéma et la télévision, mais sur le monde et la place que l'homme y tient. La télévision et le cinéma eux-mêmes ne sont que des métaphores. Lynch ne<br /> parle pas réellement de son art : il veut représenter le monde tel qu'il est vraiment au-delà des illusions créées par l'être humain, notamment lorsqu'il s'adonne au matérialisme qui crée des<br /> enchaînements logiques au sein de la matière, alors que le sens des choses n'est pas réellement celui-là. Mon avis est que pour comprendre Lynch, il faut lire les parties sur la Méditation<br /> Transcendantale, chercher le rapport avec son art, au-delà de l'agacement que crée forcément, dans une pensée dominée par la logique des apparences, tout discours tendant à l'ésotérisme.<br /> <br /> <br /> <br />
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