Quand je regarde l'écran, l'écran me regarde.
Eh bien, autant le dire d’emblée : j'ai plutôt aimé l'ensemble, autant l'histoire que son traitement. Avec une introduction rappelant fortement Chihiro, une thématique similaire à Neverending story mais sans le côté épique (ou la Jeune Fille de l'eau en plus pervers), un score splendide (malgré un manque de variation dans le thème musical) et une photo stupéfiante, l’œuvre a tout pour séduire le cinéphile que je suis devenu. Sergi Lopez, qui se double lui-même dans la VF, est assez impressionnant, et l'interprète de la petite Ofelia est troublante.
Je tiens également à relever la qualité des effets sonores (bruissements et caquètements des fées, halètements, petits cliquetis métalliques caractéristiques pour chaque instrument - clef, rasoir, poignard, sifflements des balles) qui entretiennent une ambiance à la fois feutrée et étonnamment surréaliste. L'alternance et l'équilibre entre les passages réels (fin de la Guerre Civile espagnole) et les séquences féériques (Ofélia communiquant avec des êtres d'un royaume souterrain peuplé de fées, d’un faune et empli de trésors mystérieux surveillés par des Gardiens redoutables, dans des décors baroques) est remarquable.
Toutefois, j’ajouterais un petit bémol au niveau des enchaînements, qui trahissent des baisses de rythme, peut-être en raison d’un montage pas très dynamique. Et puis, aussi, un manque réel d'émotion - qui le distingue des références citées plus haut - comme si l'histoire ne parvenait pas à se transfigurer.
Un très bon film, au final, toujours sur le fil du rasoir, hésitant, balançant en permanence entre rêverie, conte de fées moderne, sadisme et perversité : le personnage de Lopez avait le potentiel pour être encore bien plus cruel, à tel point que je redoutais réellement la fin.
Titre original |
El Laberinto des fauno |
Réalisateur |
Guillermo Del Toro |
Date de sortie en salles |
1er novembre 2006 avec Wild Bunch |
Date de sortie en DVD |
3 juillet 2007 avec Wild Side |
Scénario |
Guillermo Del Toro |
Distribution |
Ivana Baquero, Sergi Lopez, Ariadna Gil, Alex Angulo & Doug Jones |
Photographie |
Guillermo Navarro |
Musique |
Javier Navarrete |
Support & durée |
DVD Wild Side (2007) édition ultime zone 2 en 1.85 :1 /112 min |
Synopsis : Espagne, 1944. Fin de la guerre.
Carmen, récemment remariée, s'installe avec sa fille Ofélia chez son nouvel époux, le très autoritaire Vidal, capitaine de l'armée franquiste.
Alors que la jeune fille se fait difficilement à sa nouvelle vie, elle découvre près de la grande maison familiale un mystérieux labyrinthe. Pan, le gardien des lieux, une étrange créature magique et démoniaque, va lui révéler qu'elle n'est autre que la princesse disparue d'un royaume enchanté.
Afin de découvrir la vérité, Ofélia devra accomplir trois dangereuses épreuves, que rien ne l'a préparé à affronter..
Tout simplement fabuleux.
C'est d'ailleurs assez drôle de voir à quel point le concept du film pourrait être appréhendé comme une relecture intelligente de Narnia.
Ceux qui ont détesté le film cité seront véritablement aux anges avec le Labyrinthe de Pan, tant ce dernier embrasse complètement son sujet, sans aucune niaiserie ni traitement alambiqué, mais avec sérieux, cruauté et espoir désenchanté.
Alors, évidemment, le Labyrinthe de Pan n'est peut-être pas d'une originalité faramineuse—cette histoire d'une jeune fille qui se réfugie dans son imaginaire, on l'a déjà vue traitée par exemple dans l'Histoire sans fin—, mais le point de vue de Guillermo Del Toro est aussi profondément touchant que fascinant.
Si l’Histoire sans fin se voyait d’abord comme un film pour les enfants avant de toucher les plus âgés (ce qui reste tout relatif : le récit montre quand même la quête d'un garçon vers la tristesse, qui perd pied à force de se réfugier dans ses rêves après la mort de sa mère), le Labyrinthe de Pan se réclame directement d'une approche en tant que conte de fées pour adultes.
L'œuvre est souvent d'une cruauté insoutenable, et sa violence, extrême, sursaute sans crier garde aux détours d'un excès de perversité humaine. L'inscription du récit dans le contexte de la dictature de Franco permet à Sergi Lopez, capitaine militaire sadique, de se déchaîner en plein champ lors de sauvageries inattendues, le ton étant annoncé dès les premières scènes (l'exécution des deux paysans, à tourner de l'œil) et culminant via un épilogue à faire couler toutes les larmes du monde.
Le film s’obsède jusqu’à la chair dans sa volonté à ne jouer du hors champ que sur les couleurs chaudes de l'univers fantastique, finalement peu présent, et à le nier complètement quant à l'univers réel, simplement froid et cauchemardesque, jusqu’à ce que les deux palettes et les deux mondes se contaminent.
J'avais pu lire ici et là dans la presse que l'univers visuel du Labyrinthe de Pan se rapprochait de Tim Burton : c'est complètement faux, stupide de raccourcis qui sont autant de lacunes, car ça n'a vraiment rien à voir.
L'aura fantastique, les créatures et les décors ont un cachet bien particulier, à la fois attachant et effrayant. C'est comme si Tom Bombadil rencontrait Pinhead, au sein d'une étrange harmonie, macabre dans ses mouvements repoussants et dissonants (le faune, l'homme pâle, la grenouille) et illuminée dans son innocence joviale et pleine de grâce (le faune, encore une fois, l'épilogue).
Le Labyrinthe de Pan se mûrit et se démontre déjà comme un essai phare au fil de ses courtes années.
J’ai pu profiter du film dans ce gros coffret à la présentation tactile attrayante et qui n’est pas sans rappeler les éditions des versions longues du Seigneur des Anneaux. Malheureusement, l’un des cinq disques, le HD-DVD, est déjà complètement obsolète et, de fait, nuit gravement à la valeur ajoutée du produit. En effet, je doute que Wild Side ait la grâce d’offrir à tous les acheteurs de ce coffret limité sa future édition Blu-Ray du film, en remplacement…
Le contenu éditorial, généreusement riche et sincère, manque de cohérence, de structuration et sa densité rend le visionnage lourd et parfois répétitif (sans mentionner les conditions de navigation qui imposent un jeu pénible pour arriver à des suppléments inédits).
J’avoue ne pas avoir été passionné par les produits documentaires mais je ne suis pas forcément à généraliser. Personnellement, à l’exception de la BO, j’aurais pu après coup me contenter de l’édition simple disque.