Quand je regarde l'écran, l'écran me regarde.
Un soir de la période des fêtes, après une de ces journées chargées comme chaque fois avant Noël. Le blu-ray attendait sagement depuis longtemps déjà : le genre de films qu'on apprécie au cinéma mais qu'on hésite ensuite à revoir. La décision fut prise. Aucun regret.
Clint Eastwood s’était lancé avec ce film sur un sujet proche de ce qu'on trouve les après-midi sur M6 ou RTL9, une de ces "histoires vraies" censées arracher les larmes des yeux des ménagères crédules à base de viol, de violences conjugales ou d'inceste. Ou de rapt d'enfants. On appuie délibérément, parfois sans discernement, sur la corde sensible, on en rajoute, et encore, quitte à noyer le propos sous des flots incontrôlés de pathos indigemment mis en scène. On pouvait raisonnablement se demander comment le directeur d'Impitoyables allait gérer ces "figures imposées" bien qu'on ne s’étonne plus guère de la part de ce monument du cinéma mondial : on sait qu'il appliquera intelligemment des recettes classiques mais un regard neuf en mettant en valeur avant tout les individus, surtout lorsqu'ils sont confrontés à la perte. Conformément à ses dernières habitudes, il s’est engagé sur une voie qui ne dédaigne pas la sensiblerie et l’émotion, quand bien même on la trouverait un peu trop facilement (rappelez-vous Million Dollar Baby).
Au final, on se retrouve avec un joli film, plutôt agréable à suivre, filmé avec élégance et cette sobriété caractéristique chez Eastwood. Emouvant ? Bien entendu. J’ai pourtant toujours un peu de mal à adhérer complètement, sans doute à cause du choix d’Angelina Jolie pour le rôle principal : quoique vraiment convaincante dans son jeu entre évanescence et dignité (sans excès ni mimiques artificielles, elle exprime à merveille les angoisses et la farouche détermination d’une mère qui se sent trahie par les autorités censées pourtant la protéger), elle fait quand même un peu trop « moderne », me semblant en décalage avec la très bonne reconstitution historique, et notamment les tenues vestimentaires (la direction artistique est exemplaire) ; sans doute parfaitement voulu, ça contribuait à la mettre un peu trop en avant alors que le film paraît au contraire jouer sur les nuances et les demi-teintes.
Le résultat global est donc assez déconcertant. Certaines situations étaient, de ce fait, à la limite de la caricature (comme par exemple l'asile) et certains personnages un peu trop orientés (aucune forme de nuance chez l'abject Capitaine Jones, encore plus écoeurant que le serial killer) cependant la réalisation très maîtrisée balaie les réticences en parvenant à voiler le trop plein de pathos. Il faut saluer le scénario habile de Straczynski, qui sait magnifier le sentiment au cœur d’intrigues tortueuses, parvient en outre à maintenir une tension permanente malgré des (fausses) conclusions qui s'enchainent, allongeant la durée sans gâcher le plaisir et contribuant à écrire une page de l'histoire de la Californie par le biais d'une enquête volontairement bâclée.
L'Echange est un très bon film, au tempo mesuré, aux démonstrations sereines, qui parvient même à tempérer le jeu d'un John Malkovich. On a le plaisir d'y retrouver le toujours impeccable Michael Kelly que le visage placide semble condamner à des rôles de jsuticier (je crois ne l'avoir jamais vu jouer autre chose qu'un policier ou un agent fédéral). Ceux qui s'attendent à des torrents de larmes seront surpris, mais certainement pas déçus.
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Titre original |
Changeling |
Mise en scène |
Clint Eastwood |
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Date de sortie France |
12 novembre 2008 avec Universal |
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Scénario |
J. Michael Straczynski |
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Distribution |
Angelina Jolie, John Malkovich, Michael Kelly & Jeffrey Donovan |
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Musique |
Clint Eastwood |
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Photographie |
Tom Stern |
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Support & durée |
Blu-ray Universal (2009) en 2.35:1 / 141 min |
Synopsis : Los Angeles, 1928. Un matin, Christine dit au revoir à son fils Walter et part au travail. Quand elle rentre à la maison, celui-ci a disparu. Une recherche effrénée s'ensuit et, quelques mois plus tard, un garçon de neuf ans affirmant être Walter lui est restitué. Christine le ramène chez elle mais au fond d'elle, elle sait qu'il n'est pas son fils...