Quand je regarde l'écran, l'écran me regarde.
C'est dans les locaux de Gaumont que nous avons eu la chance de rencontrer l'excellent réalisateur de Mea Culpa. Un entretien passionnant avec Fred Cavayé, humble, disponible, toujours enthousiaste, effectué en compagnie de nos confrères de leschroniquesdecliffangher.com, mulderville.net, nivrae.fr, missbobby.net.
C'est votre 5e scénario avec Guillaume Lemans.
Fred Cavayé : Cinquième ? Euh … attendez, je vais vous le dire. Cinquième… D'accord, on compte aussi les navets, d'accord. Non je déconne. Ah ouais, cinq. Pour Elle, Mea Culpa, A Bout Portant, La Guerre Des Miss … d'accord, et c'est quoi le 5ème ? Mea Culpa, Pour Elle, A Bout Portant, La Guerre Des Miss et …
Il n'y a pas un film réalisé par plusieurs réalisateurs, dans lequel il a collaboré ?
Guillaume a écrit des films tout seul - heureusement pour lui - faut bien qu'il paye les traites de la maison, parce que moi je fais pas des films tout le temps, donc euh … Voilà, il travaille avec d'autres. Après, c'est sûr qu'on a écrit un autre scénario qui ne s'est jamais fait, donc voilà. Vous dites 5, c'est que vous êtes très très bien informés. Donc comment ça s'est passé ? Comme à chaque fois, sauf que là le point de départ était Olivier Marchal, qui a travaillé avec Guillaume sur une idée, et moi j'ai eu vent de cette idée. Ils ont arrêté assez vite le projet comme font souvent, comme je fais, d'autres réalisateurs, c'est-à-dire vous développez plusieurs idées, et après vous allez vers celle qui vous excite le plus. Et donc Olivier et Guillaume ont abandonné assez vite cette idée. Et moi quand je cherchais quoi faire après A Bout Portant, je me suis rappelé de son idée, donc j'ai demandé à Olivier d'en prendre la moitié, de faire le truc à ma sauce. Il voulait faire un truc de vengeance, un peu à la Man On Fire - vous voyez ?- moi je voulais plus faire un film d'amitié, de rédemption pour travailler avec mes deux camarades que vous allez voir tout à l'heure. Voilà, donc j'ai demandé l'autorisation à Olivier et comme Guillaume avait déjà travaillé sur cette idée, c'était bien que je me l'accapare et que lui arrive à « resetter » le truc. C'est-à-dire, c'était compliqué pour lui, je pense, de tout de suite repartir sur quelque chose de diamétralement opposé. Il avait besoin de prendre un peu de distance. Donc j'ai écrit la première version et après Guillaume est de nouveau rentré dans la boucle.
Vous avez écrit en pensant de suite à ces deux acteurs ?
Oui, pour plusieurs raisons. Mon producteur juste après A Bout Portant m'a dit « A Bout Portant c'est vraiment la suite de Pour Elle, donc maintenant il faudrait que tu fasses la synthèse des deux films. » Et donc en rigolant comme ça, mais c'est même peut-être le jour de la sortie d'A Bout Portant, le lendemain je lui dis : « la synthèse, ben c'est un film avec Vincent et Gilles. » Et ça m'a trotté dans la tête, et voilà j'ai cherché vraiment l'idée pour les réunir et faire un vrai film de duo de cinéma comme il y a eu avec Marchal et 36, Les Spécialistes, ou des films américains - dont j'ai oublié le titre - des grands films américains avec Paul Newman et Redford, voilà (en rigolant) « le mec qui a aucune culture cinématographique », ils font du vélo, ils font de la musique…
Butch Cassidy & Le Kid ?
Voilà ! Et voilà donc faire un vrai beau film de duo et donc l'idée d'Olivier me permettait, en la tordant, ça.
Vous parliez à la sortie d'A Bout Portant d'un film se déroulant au Canada, c'est un projet que vous avez totalement abandonné ?
Non, c'est un projet que j'ai. Il y a une espèce de fantasme … Là c'est drôle parce que je suis en train de travailler sur un film qui se passe au Canada sans bûcheron mais le personnage principal serait une femme - qui n'est pas bûcheron - et un film totalement « pas urbain ». Après c'est… est-ce que quand je fais un film pour lequel je m'investis pleinement comme Mea Culpa et A Bout Portant j'ai peut-être besoin, voilà, de me laver la tête en imaginant des choses qui sont diamétralement opposées. Ca a été le cas pour A Bout Portant, c'est-à-dire que j'ai bossé sur ce film de bûcheron, il y avait une version du scénario et très vite je me suis rendu compte que ce n'était pas vraiment ça dont j'avais envie. Là je retourne vers le Canada avec une histoire un peu dans la veine de Pour Elle, mais avec un personnage principal féminin, c'est-à-dire avoir une femme qui va être obligée de se surpasser… parce que j'ai travaillé qu'avec des garçons pour l'instant sur les caractères principaux et j'ai très envie de travailler avec un personnage féminin, avec une comédienne, et j'ai envie d'une chose pas du tout urbaine, donc le Canada. Après, on verra après la sortie du film. Et parce que j'étais au Canada, j'ai bien aimé faire de la motoneige. Des fois l'inspiration …
Vos scènes d'action sont spectaculaires, orchestrées avec beaucoup de minutie, quelles sont vos sources d'inspiration ?
Je suis content que vous me disiez ça parce que c'est vrai que j'ai essayé de faire du spectaculaire, ce qui n'est pas souvent le cas en France par faute de moyens, par faute … souvent de complexe aussi. C'est-à-dire que c'est assez compliqué en France de s'attaquer à ce type de films parce qu'on a un vrai complexe qui se situe à deux endroits : on a peut-être peur que ce ne soit pas assez littéraire et on a aussi peur de la comparaison avec les Américains ou les Coréens. Donc moi j'ai peut-être moins de complexes, ou une grande naïveté, ou je suis totalement inconscient. J'ai un mélange des trois je pense. Mais c'est pas évident. C'est vrai que j'espère que Mea Culpa va décomplexer un petit peu mes camarades, des jeunes réalisateurs, pour aller vers ce type de films. Dans tous les cas mes références sont multiples, c'est du cinéma américain, du cinéma coréen, même des films français. C'est une espèce de mélange comme ça de plein plein de films. Après, il y a une vraie influence quand même sur la nouvelle génération de films d'action avec des choses beaucoup plus réalistes. Pour moi, il y a le film d'action avant Bourne, et après. Les Jason Bourne ont amené une nouvelle dimension. Batman c'est plus pareil, James Bond c'est plus pareil, parce qu'il y a ce truc, vous vous dites maintenant que le héros peut mourir, et avec une manière de filmer qui colle à cette réalité. Après je ne prends pas tout non plus de ce type de cinéma parce que moi, en tant que spectateur, il y a des choses des fois qui me gênent : la lisibilité des séquences d'action. Moi j'aime bien tout voir, donc je préfère un coup de poing mal donné mais où l'on voit l'impact parce qu'on se met à la place du mec qui le prend et ça fait mal plutôt que de la mise en scène avec des trucs partout. Donc je fais un mix de tout, comme avec un grand shaker, je fais un mix… Je surdécoupe pour avoir après le loisir, justement, au montage, de faire durer les plans. Après ce que j'aime bien, mais qui est un luxe absolu et c'est très difficile d'arriver à faire ça en France car il faut du temps et donc de l'argent, c'est quand vous faites une scène d'action : que jamais votre caméra ne raconte la même chose, de ne jamais réutiliser le même axe. Et il y a plein de séquences dans Mea Culpa où j'ai réussi à faire ça, grâce aux gens avec qui je travaille et grâce à la production, qui m'a laissé tourner beaucoup. Après ça dit pas forcément grand-chose, mais techniquement j'ai tourné je crois 1500 plans – ce qui est énorme, j'en avais tourné 800 pour A Bout Portant - et j'en ai monté 1800, il y a 1800 cuts. Ce qui veut dire que c'est pas forcément surdécoupé par rapport à la quantité de matière que j'avais, mais je les utilise tous et pas de manière schizophrénique, enfin j'espère.
Non, non c'est très lisible…
Ouais, moi j'aime bien… vous savez je suis avant tout spectateur avant d'être metteur en scène. Sans prétention, je fais les films comme j'aimerais les voir. (rigolant) Je commence cette phrase par sans prétention, alors que c'est super prétentieux de dire ça. Voilà, c'est-à-dire que des fois dans certains films d'action, ça me dérange, les bagarres où d'un seul coup vous ne savez pas qui prend la pêche, qui tape qui … Après plus vous montrez plus c'est violent aussi. Mais y a des fois, cette violence -vous allez peut-être m'en parler - je l'assume complètement dans Mea Culpa. Plus d'ailleurs que dans Pour Elle et A Bout Portant. Je parlais d'être décomplexé, c'est aussi de l'être par rapport à ça, par rapport à une certaine forme, et que je trouve vachement intéressante en voyant la réaction des gens. C'est-à-dire vu que c'est français, les gens ont l'impression que les coups sont donnés deux fois plus fort, que les gens tombent de deux fois plus haut… On m'a dit « Mais c'est pas possible, il tombe de 80m, il se relève et tout ! », le truc est décuplé, mais qu'est-ce qui est violent ? « Tout ! Le train qui freine ! », et j'ai même eu comme réflexion, et qui est super, je dis : « Mais attendez dans Taken, des films comme ça, il y a autant de violence et vous n'avez pas ce ressenti-là ... », « Ben ouais mais Taken c'est du cinéma ! ». C'est pas un documentaire… Mais c'est génial parce que les gens sont comme ça (mime un spectateur se cramponnant à son fauteuil) et ils ont l'impression « Putain, Vincent Lindon y va mourir ! ». C'est-à-dire que ce n'est plus le personnage, c'est dans nos trains, dans les bagnoles, avec nos comédiens et d'un seul coup, « oh merde qu'est-ce qu'il se passe ? » Les gens prennent vraiment des coups de portière dans la tête, c'est super …
Il y a plus de proximité…
Ouais ça amène ça, après comment dirais-je, dans dix ans si ce type de films il y en a beaucoup plus, on n'aura plus cette impression-là, parce que le filtre entre la réalité et le cinéma va être réinstauré. Mais là il est très très mince ! Beaucoup plus mince que par rapport à un film américain où il y aurait même plus de violence.
Les films de genre, il y en avait beaucoup dans les années 70, par exemple, mais ça a disparu, il y en a de moins en moins. Vous êtes en interview dans les bonus du Blu-ray du Clan Des Siciliens…
Ca c'est la classe ! Ca je le dis (riant) sans prétention ! Le Clan Des Siciliens, quand je vois ça petit, vous savez, la première fois je regarde (mime son regard à travers une fente d'ouverture de porte) comme ça, parce que mes parents m'ont envoyé au lit, et je vois que la moitié, enfin même pas, je vois le film en 1.22, vous voyez, comme ça ! Et quand on me demande via Arnaud Bordas, un ami à lui fait donc les suppléments du Blu-ray, et me dit « ça t'intéresserait de faire … ? », c'est-à-dire que d'un seul coup j'ai l'impression de faire partie du film ! Voilà … J'étais mort de peur hein. J'ai reçu le Blu-ray et ouais, j'ai été super ému parce que je mets le Blu-ray, et je fais partie du Blu-ray, de manière très naïve aussi je pense j'ai l'impression de faire un peu partie du film. Et waow ! Et d'ailleurs, c'est drôle, j'ai rencontré pour la première fois de ma vie Alain Delon avant-hier. Je lui ai pas dit hein : « Bonjour je m'appelle Fred Cavayé, c'est moi qui fais l'introduction du Clan Des Siciliens ». J'ai pas osé lui dire, il aurait ri je pense. Même si effectivement ce qui inspire sur la forme des films comme Mea Culpa c'est plus des choses plus modernes que Le Clan Des Siciliens, mais c'est des bases. Quand même quand je suis môme pour moi c'est ça les films policiers, c'est Verneuil, c'est Le Samouraï, c'est tout ça. C'est effectivement comme vous le dites quand en France on faisait aussi des films de genre, les films de Clouzot, les films de Franju, où on n’était pas complexés par rapport à ça, ça faisait entièrement partie de notre culture. Par exemple Les Yeux Sans Visage, maintenant vous faites ça, on va appeler ça du cinéma de genre, ça va être très très anecdotique comme film. A cette époque-là, c'est ce qui sort, c'est le gros film de la semaine quoi ! Les Diaboliques par exemple, c'est avec les deux stars du moment, c'est avec le réalisateur « bing » … Si vous faites ça maintenant … Mais ça va revenir j'espère. Après c'est … euh … j'allais dire ce sont les réalisateurs qui décident … ben non, ce sont les spectateurs, si ils ont envie de voir ce type de films. C'est l'œuf et la poule, si on leur fait pas de films comme ça, forcément ils n'en auront pas envie. Je suis pas bavard du tout hein, vous avez vu, vous avez rien prévu d'ici deux jours ?
Vous parliez de réalisme tout à l'heure, pourtant vous avez changé de chef op, ce qui donne un aspect un petit peu moins réaliste dans ce film…
Je voulais faire un film noir en couleurs. Et je voulais aller vers quelque chose d'un peu plus « spectacle » et d'un peu plus « cinéma ». C'est venu déjà du fait que je ne voulais pas tourner à Paris mais dans le sud de la France, après je ne savais pas à quelle période j'allais tourner … Après il y avait les disponibilités des comédiens qui font que j'ai tourné en décembre. Toulon en décembre ça ressemble un peu au Havre en termes de météo ! Après je voulais que ce soit un film plus de cinéma que les autres, je voulais qu'il y ait ce petit décalage. Par exemple cette scène où ils sont pourchassés par un 4X4 avec des bâches et tout ça … même dans la conception des décors ! Mon chef déco au départ je lui dis : « voilà je veux un entrepôt énorme et puis on va mettre des bâches en plastique. » Donc forcément, première question, il me dit : « ouais mais comment on justifie, c'est quoi ? », je lui dis « on s'en fout, c'est un entrepôt où il y a des bâches ! Ca va être chouette parce qu'on va avoir les phares de la bagnole, machin, t'as les deux yeux d'un monstre et tout ». C'est une démarche je dirais qui n'est pas très réaliste non plus. Et tout ça, mon chef op, Danny Elsen, avec qui je travaille pour la première fois, me dit : « Va dans ce sens-là, si tu veux faire un truc pas complètement cinéma, ben on va éclairer tout en rouge.
- Bah oui mais quand même, en rouge ...
- Ouais ouais ouais, tout en rouge, tu vas voir ! ». Et donc il me montre le premier truc, et là il fait un rouge, un peu rouge, et je lui dis : « Vas-y ! », et à l'étalonnage on a tout mis en rouge et d'un seul coup on a quelque chose qui est, ouais, on dirait presque de l'opéra. Sans prétention !
Danny Elsen dit de votre film qu'il est « un film d'action avec du cœur », comment faites-vous pour vous approprier les codes des films d'action, pour imposer votre vision ?
(riant) J'aime beaucoup votre question, j'espère que ma réponse va être à la hauteur. Ca reprend ce que je disais tout à l'heure, c'est-à-dire qu'il y a une volonté de faire du cinéma. Après, faire du nouveau, ça serait dangereux si moi dans ma démarche, je me dis : « Tiens, je vais faire du nouveau ». Là d'un seul coup vous ne faites pas le film pour des bonnes raisons et vous allez vers quelque chose qui est peut-être un peu artificiel. Après c'est plein de petites volontés, le fait d'être un peu plus coloré, le fait d'aller dans des décors qui sont plus cinématographiques, mis ensemble, et avec des références qui sont peut-être autres, fait quelque chose effectivement de (mime des guillemets) nouveau. Il y a un nouveau compositeur aussi avec qui je n'avais jamais travaillé, et lui d'ailleurs n'avait jamais fait, assez bizarrement, Cliff Martinez, n'avait jamais fait de musique d'action. Puisque quand il fait Drive par exemple, toutes les parties de voitures, il n'y a pas de musique. Avant de lui proposer le film, je me dis : « Ouais le mec il a fait Drive », je revois le film je me dis : « Merde, il n'y a pas de musique d'action du tout dans Drive, c'est que des choses atmosphériques sur les scènes entre... » et je me dis que c'est quand même une bonne idée pour avoir quelque chose de plus moderne, ce que j'avais fait avant c'était du plus classique en terme de musique avec Klaus Badelt qui vient de l'école Hans Zimmer. Je ne sais pas si c'est plus de modernité, en tous les cas ma volonté au début c'est me dire il y a beaucoup d'action, si j'y vais avec les percus badabam badabam comme j'ai fait précédemment, là comme il y a une heure d'action sur 1h25, on va avoir les oreilles qui saignent, donc je me dis que la solution c'est d'aller chercher Martinez et de lui demander de faire de la musique d'« action atmosphérique ». Il a ri au début. Voilà donc toutes ces petites choses et toutes ces petites volontés font qu'au final, j'espère, je fais quelque chose d'un peu plus moderne que mes films précédents.
La scène du TGV ou la scène de fusillade dans la boîte de nuit sont vraiment spectaculaires, qu'est-ce que ça induit en termes de préparation et en terme de budget ?
Des emmerdements. Non ça induit beaucoup de travail, et surtout aussi il ne faut rien lâcher parce que même sur le papier déjà on m'a dit : « Revois à la baisse ton cahier des charges, ça va être super compliqué, est-ce que t'auras les moyens d'aller au bout de tes envies ? Donc peut-être vois le truc un peu à la baisse ». Et je voulais pas, c'est-à-dire que j'ai vraiment rien lâché. Sur cette course-poursuite de boîte de nuit, la volonté au départ c'est essayer de faire - j'avais fait une course-poursuite dans le métro dans A Bout Portant avec un seul décor - une course-poursuite avec 7 décors ! Un truc qui n'en finit pas, mais qui en même temps est ludique parce que l'on passe d'un endroit à un autre et quand c'est fini ça repart. Après entre ce que j'écris chez moi tranquille en mangeant des Pépitos et en buvant du café, en téléphonant à des copains, après quand vous vous retrouvez à 5h du matin dans les entrepôts à Evry, c'est pas la même je vous le dis ! Et encore moi je mange des Pépitos mais eux deux (il montre Gilles Lellouche et Vincent Lindon) vous verrez tout à l'heure, ils courent et il fait -7 °. C'est très compliqué parce que c'est à remettre dans un contexte de logistique par rapport au budget du film et par rapport à ce qu'on a les moyens de faire ici. Pour comparer à un film comme Taken, moi quand je fais une poursuite en bagnole j'ai une voiture, eux ils en ont 5 avec 5 emplacements de caméras. Moi il faut que j'ai les mêmes emplacements de caméras parce que je vais pas dire aux spectateurs, je vais pas mettre un truc « j'ai moins de pognon que Taken, soyez indulgents ». Moi je fais hop un aller, on arrête, on redémonte la caméra, on la remet là, machin, on repart et tout, enfin voilà, à l'ancienne quoi. Donc ça implique vachement plus de travail de ma part, de la part des comédiens, de la part de l'équipe technique, aussi plus d'argent que mes films précédents parce que même si on n'a jamais assez d'argent pour ce type de films j'ai quand même eu la chance d'avoir un peu plus d'argent que sur A Bout Portant et donc ça implique plein de trucs. Après le plaisir est décuplé, c'est-à-dire que là d'un seul coup, ouais on rigolais bien, enfin on rigole pas tout le temps.
Ca vous permet de dépasser ce que vous aviez déjà pu faire ?
Ouais parce que c'est quand même, même depuis avant Pour Elle, le cinéma que j'aime, c'est ça. Et où je suis content de Mea Culpa c'est en terme de forme, d'action, de choses ludiques, quelque chose de « cinéma ». Voilà c'est vers ça que je voulais aller. C'était impossible sur un premier film ou sur un deuxième film, il a fallu que j'attende et que j'attende aussi de savoir le faire. Parce que je dirais qu'il y a un peu plus d'action dans A Bout Portant que dans Pour Elle, parce que j'ai appris sur Pour Elle. Et ce que j'ai appris sur Pour Elle je l'ai mis en place sur A Bout Portant et même chose ce que j'apprends sur A Bout Portant que j'ai upgradé un peu en action ça me permet de techniquement être plus au point et savoir-faire, parce que ça serait une hérésie de se dire « le mec il est réalisateur, avant son premier film bim il sait tout, il sait tout faire », et bien pas moi, donc il a fallu que j'apprenne, et j'apprends à chaque fois.
Vous faîtes exploser un avion dans le prochain ?
Ben ouais mais je me dis non justement faut que je fasse exploser un Vélib. Ca va être passionnant…
Un mot sur le choix du jeune acteur Max Baissette De Malglaive ?
Sur la qualité de son jeu, il y avait pas photo, quand j'ai vu ses essais, c'était sûr que c'était lui. Bon après comme je suis un garçon inquiet j'en ai vu 200 après, pour revenir à lui - pas 200, bon je plaisante, mais j'en ai vu beaucoup, une centaine - et voilà il est brillant et j'ai deux comédiens principaux brillants donc il fallait un petit garçon qui soit à leur hauteur, une comédienne qui soit aussi à leur hauteur, que tous les seconds rôles soient du niveau de jeu des deux comédiens principaux et donc j'ai fait de gros gros castings, j'ai vu beaucoup de comédiens et je suis vraiment content de tous les gens avec qui j'ai travaillé. Gilles Cohen, par exemple, je trouve qu'il amène un truc qui est extrêmement gonflé parce qu'il est sur le fil à chaque fois du réalisme justement, dans ce qu'il propose dans son jeu, il est à la limite tout le temps de tomber dans un truc qui va peut-être être trop exubérant et tout ça, mais non, ça marche. Et je le vois bien dans les salles quand je présente le film, j'écoute les réactions par rapport à ce qu'il fait et ça apporte une respiration dans le film. Je le trouve formidable, je le trouvais déjà formidable avant, c'est un grand comédien. Mais pour répondre brièvement, j'ai pris Max parce qu'avoir ce niveau de jeu à dix ans c'est impressionnant.
Une dernière question : par rapport au sketch que vous avez tourné pour Les Infidèles, cela vous a donné envie de vous tourner vers d'autres registres que le polar ?
Ouais, pourquoi pas. Après c'est un peu spécial Les Infidèles parce que je n'ai pas écrit le texte, mes camarades réalisateurs non plus, on est arrivés pour faire un film de potes, mais c'était un vrai exercice de style si on peut dire, vu le niveau de littérature de ce que moi j'ai eu à tourner. A faire c'est extraordinaire ! Parce qu'après on pense ce qu'on veut du film, du truc un peu gaulois on va dire, mais à tourner, cette scène avec les deux filles et Gilles Lellouche et Jean Dujardin dans cette chambre d'hôtel, c'est assez fun ! En plus quand vous faites ce genre de trucs, même mes deux camarades qui sont dans le film, les filles étaient plus à l'aise qu'eux, eux ils étaient morts de peur, super gênés et tout ! Bon après une fois la gêne passée on s'est marrés, c'est que de l'impro ce qu'ils font et vous êtes spectateurs du truc, les mecs c'est des génies, c'est des génies en comédie, donc effectivement ouais pourquoi pas faire une comédie, je ne sais pas. Je ne sais pas il faudra que l'on se revoit après, quand j'aurais digéré Mea Culpa pour que je vous dise exactement ce dont j'ai envie.
Un grand merci à Claire Chevalier (@sortiescine) et Vincent Lautier pour avoir organisé cette rencontre, à Fred Cavayé, Gilles Lellouche et Vincent Lindon pour leur disponibilité, et à Gaumont (@gaumontfilms).
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