Quand je regarde l'écran, l'écran me regarde.
Avec une mise en scène d'une maîtrise incroyable, des acteurs au sommet extrêmement bien dirigés, une direction artistique inspirée et sublimée par une bande originale entêtante, le nouveau film de David O. Russel est une vraie merveille d'élégance et d'intelligence. Bluffant.
David O. Russel avait déjà réussi à créer l'engouement avec Happiness Therapy l'année dernière, il réitère l'exploit cette année avec American Bluff, une nouvelle confirmation de son talent de conteur hors pair. Ce réalisateur est décidément en train de se constituer une filmographie exemplaire, conférant à chacune de ses œuvres une espèce de modernité mêlée de folie qui apporte une véritable bouffée d'air frais dans des genres souvent très codifiés. Ainsi, même si les films d'arnaque - puisque c'est bien d'une histoire de manipulation dont il est question - sont légion, aucun d'eux ne ressemble à la dernière œuvre de ce metteur en scène.
S'améliorant de film en film, le réalisateur fait encore une fois preuve de virtuosité lorsqu'il s'agit de choisir le bon cadre, le mouvement juste, l'axe idéal, pour sublimer les échanges entre ses comédiens. Il en résulte une énergie contagieuse qui embarque les spectateurs dès la toute première seconde, et qui ne va jamais les lâcher. O. Russel a un don pour envoûter son audience grâce à sa manière de capter le caractère de ses personnages hauts en couleur qu'il est impossible de quitter du regard. Qu'il s'agisse du caméléon Christian Bale qui n'en finit plus de nous épater, de la troublante Amy Adams dont le rôle risque d'en marquer plus d'un, du stupéfiant Bradley Cooper qui dévoile une nouvelle facette de son talent ou encore bien entendu de l'incandescente (dans tous les sens du terme, eu égard à son penchant pour la pyromanie involontaire) Jennifer Lawrence, tous les comédiens délivrent une prestation hypnotique sous la direction de David O. Russel. Sans compter Jeremy Renner, parfait pour instiller le doute quant aux intentions de son personnage, et les caméos qui pour une fois ne se cantonnent pas à une démonstration de pur cabotinage mais qui ont l'air de prendre plaisir à faire partie du film peu importe leur temps de présence à l'écran. Il semble que le metteur en scène réussisse à chaque fois à tirer la quintessence de ses acteurs (en témoigne l'oscar de la meilleure actrice décerné l'an dernier à Jennifer Lawrence pour Silver Linings Playbook). Et lorsque la direction artistique décide de leur affubler des looks plus improbables les uns que les autres -coiffures impayables et costumes magnifiquement grotesques - cela renforce paradoxalement leur magnétisme. Les personnages ont à la fois l'air parfaitement ridicules et invraisemblablement distingués. A l'image de l'intrigue qui oscille entre absurdité et gravité. Le scénario est vaguement inspiré de faits réels, on devine aisément ce qui a pu être inventé (où on espère en tous cas que cela le soit).
Si la trame principale n'a rien de réellement nouveau pour peu que l'on soit habitué à ce genre de films, son traitement est en revanche beaucoup plus original. David O Russel nourrit son cinéma de multiples inspirations, et s'attaque à ce morceau comme s'il travaillait sur un pur film de gangsters, avec sérieux et minutie. Or, l'aspect humoristique de l'histoire n'est absolument jamais effacé (on pense à l'anecdote de la pêche ou à la scène des bigoudis), ce qui crée un décalage entre les intentions et le résultat des actions des protagonistes. C'est en quelque sorte une comédie cachée derrière un sujet grave, et inversement, c'est un drame sous l'apparence d'une comédie. David O Russel brouillant les pistes pour que l'on ne devine jamais l'issue à l'avance, on n'a à aucun moment la sensation de connaître le sort qu'il va réserver à ses héros.
Brillant aussi bien par sa forme que par son fond, enchaînant les scènes mémorables (Jennifer Lawrence entamant sa chorégraphie sur « Live or let die », l'arrivée du Cheik, les crises de nerfs de Bradley Cooper…), American Bluff est un très très très très très grand film. Vivement recommandé, on n'a qu'une envie en sortant de la salle : le revoir.
Ma note (sur 5) : |
5 |
Titre original |
American Hustle |
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Mise en scène |
David O Russel |
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Date de sortie France |
05/02/14 avec Metropolitan |
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Scénario |
David O Russel & Eric Singer |
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Distribution |
Christian Bale, Amy Adams, Bradley Cooper, Jennifer Lawrence & Jeremy Renner |
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Musique |
Danny Elfman |
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Photographie |
Linus Sandgren |
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Support & durée |
2.35 :1 en 35 mm / 138 minutes |
Synopsis : Entre fiction et réalité, AMERICAN BLUFF nous plonge dans l’univers fascinant de l’un des plus extraordinaires scandales qui ait secoué l’Amérique dans les années 70.
Un escroc particulièrement brillant, Irving Rosenfeld, et sa belle complice, Sydney Prosser, se retrouvent obligés par un agent du FBI, Richie DiMaso, de nager dans les eaux troubles de la mafia et du pouvoir pour piéger un homme politique corrompu, Carmine Polito. Le piège est risqué, d’autant que l’imprévisible épouse d’Irving, Rosalyn, pourrait bien tous les conduire à leur perte…