Quand je regarde l'écran, l'écran me regarde.
En s'attelant au remake de l'un des films les plus marquants du cinéma coréen des années 2000, Old Boy, Spike Lee prend le risque de voir sa mise en scène immédiatement comparée à celle de Park Chan-Wook. Le résultat est peu flatteur pour la version du réalisateur de Do The Right Thing, simple série B efficace mais sans intérêt pour autant.
Longtemps envisagé comme une nouvelle adaptation du manga original, avec Will Smith dans le rôle principal, Old Boy s'avère finalement être un remake paresseux du film « culte » coréen. Une petite déconvenue pour ceux qui attendaient une relecture de l'histoire d'origine plutôt qu'un simple copié-collé destiné à un public occidental passé complètement à côté de l'œuvre de Park Chan-Wook. Il est d'ailleurs assez surprenant de constater qu'un réalisateur comme Spike Lee n'ait pas profité de l'occasion pour tenter de s'approprier le sujet, au lieu d'en faire un simple film de série B sans identité forte. Old Boy n'est pas un mauvais film, au contraire, mais il n'a tout simplement aucun intérêt quand on a déjà vu l'autre version. Pourtant, toutes les conditions étaient réunies pour donner de la personnalité au film : un réalisateur habituellement investi et un casting particulièrement judicieux.
Malheureusement, Spike Lee ne semble pas franchement se transcender dans un projet qu'il considère certainement comme mineur dans sa filmographie, et se contente d'emballer correctement la plupart des séquences qui étaient autrement plus inspirées dans le film de Park Chan-Wook. Ainsi, certaines scènes « emblématiques » paraissent insérées de manière artificielle dans le récit, comme autant de passages obligés pour bien montrer que l'équipe derrière le remake est bien respectueuse du matériau d'origine. La fameuse séquence du marteau est de ce fait bel et bien présente, mais son intégration n'est pas naturelle et tranche radicalement avec le reste du film, sa réalisation étant de plus très en deçà de son modèle. On retrouvera donc l'imagerie « cliché » du film de Park Chan-Wook, clins d'œil disséminés tout le long du métrage : parapluie, poulpe dans le restaurant…
Malgré tout, Old Boy comporte son lot de bonnes surprises, à commencer par un Josh Brolin impeccable, accompagné par Elisabeth Olsen, plutôt convaincante. Leurs personnages manquent néanmoins d'épaisseur, leur caractérisation étant complètement bâclée. A côté, Sharlto Copley et Samuel Lee Jackson cabotinent comme rarement. Il y a un gros décalage dans l'écriture des protagonistes, certains sortent tout droit d'une bande dessinée quand d'autres paraissent plus ancrés dans la réalité. On pourra également se satisfaire d'une conclusion différente du film original, beaucoup moins dérangeante, mais relativement cohérente.
Initialement prévu pour durer une heure de plus et avoisiner les 3 heures, on se doute que le film qui sort en salles n'est pas tout à fait conforme à la vision de Spike Lee. En attendant de pouvoir voir un jour cette intrigante version director's cut, on se contentera de ce film en demi-teinte, parfois excessif dans ses délires gores, mais bien loin de l'ambivalence et du sordide du film coréen, qui en faisaient toute sa singularité. Reste un film efficace et recommandable, aux allures de série B, qui n'arrive jamais à s'affranchir de son modèle.
Ma note (sur 5) : |
2 |
Titre original |
Old Boy |
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Mise en scène |
Spike Lee |
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Production |
Universal Pictures |
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Date de sortie France |
01er janvier 2014 |
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Scénario |
Mark Protosevich, d'après Garon Tsuchiya & Nobuaki Minegishi |
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Distribution |
Josh Brolin, Elisabeth Olsen & Sharlto Copley |
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Musique |
Roque Banos |
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Photographie |
Sean Bobbitt |
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Support |
35 mm / 104 min |
Synopsis : Fin des années 80. Un père de famille est enlevé sans raison et séquestré dans une cellule. Il apprend par la télévision de sa cellule qu'il est accusé du meurtre de sa femme. Relâché 15 ans plus tard, il est contacté par celui qui l'avait enlevé...