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Quand je regarde l'écran, l'écran me regarde.

[critique] Moonrise Kingdom : Anderson au sommet de son art

Moonrise-Kingdom-00.jpg

 

4,2/5 

 

Lorsque Cachou et moi [vous pourrez lire son propre avis en cliquant sur son nom], suivis par quelques aficionados, avons entrepris le Challenge Wes Anderson, nous savions que le nouveau bébé cinématographique de ce réalisateur hors norme était en chantier. C’est donc armé des innombrables références parsemées dans les précédents films du monsieur que je me suis empressé de réserver ma place en salles.

 Logo Anderson 02

C’est que Wes Anderson a du dès le début se construire un univers filmique à part, construit autour de thèmes récurrents liés fondamentalement à l’enfance et aux rapports familiaux, peuplé d’êtres particuliers (adultes puérils, enfants trop précoces) se comportant étrangement dans un monde hors du temps, où la réalité « glisse » sur les centaines d’accessoires équivoques mis en exergue par un sens du cadrage méticuleux. Dans chacune de ses œuvres, Anderson ne semble vouloir rien d’autre que peaufiner son art, aiguisant sa vision et épurant son scénario, stylisant sa mise en scène par l’usage récurrents de procédés signifiants (les cadres dans le cadre, la nomenclature – livres inventés aux titres impossibles, affiches, planning, inventaires, lettres manuscrites – les ralentis musicaux), de la langue française (des chansons de ses bandes originales aux extraits littéraires) et d’une myriade d’accessoires renvoyant à son propre univers, autant d’autoréférences qui séduiront l’amateur et perturberont le profane. Si son œuvre est toujours orientée « comédie », elle se pare invariablement d’une part de drame, de cruauté celée, de tragédie secrète, de ces traumatismes qui peuvent tuer une enfance en apparence heureuse. Son ironie est rarement mordante mais peut cingler dans certaines réparties savoureuses : il préfère la carte du doux-amer et nimbe sa toile de nostalgie éthérée – quoique il semble moins passéiste que rêveur.

 

Ses films séduisent par leur parure et leur sens artistique hors du commun, puis fascinent par leur sous-texte plus sombre qu’il n’y paraît, et par leur incontestable richesse. Mais ils désarçonnent aussi par leur structure parfois erratique et un rythme indolent, où l’intrigue ne progresse parfois que péniblement par le biais de dialogues farfelus.

Moonrise-Kingdom-02.jpg

Je pense ainsi que l’amateur de Wes Anderson adorera Moonrise Kingdom, peut-être son métrage le plus abouti au regard de sa filmographie, sorte de synthèse magique puisant autant dans son univers personnel que dans son œuvre : on pourrait y déceler le chaînon manquant entre Rushmore et la Famille Tenenbaum, un Darjeeling Limited à l’envers qui serait la répétition générale de la quête absolue de la Vie aquatique. Peut-être regrettera-t-on la mise sous l’éteignoir de ce côté nonsensique qui transpirait allègrement dans les premiers films, même s’il est impossible de passer sous silence le jet de savate de Bill Murray au chef scout joué par Ed Norton. Difficile à dire, mais il y a sans doute une forme d’assagissement (sic) qui contraste avec l’énergie pourtant débordante de ses interprètes : la rançon de la maturité, peut-être, impossible à nier malgré cette fascination presque morbide pour cette enfance idéalisée, si fragile et pourtant si pleine de possibles… D’autant que, et je ne suis pas le seul à le signaler, l’extrême soin apporté à la réalisation (je parlais de méticulosité), si évident sur chaque plan, chaque cadrage, chaque angle de prise de vues (ah, cette contre-plongée sur Bill Murray pointant le nez à sa fenêtre !) risque de nuire quelque peu à la tonalité générale. Cette aventure humaine, élaborée par deux enfants réinventant l’escapade amoureuse dans un périple hautement symbolique, semble soudain engoncée dans les contraintes imposées par la minutie de la mise en scène : Sam, ce héros si pathétique caractéristique, manque d’espace pour s’exprimer, lui qui va jusqu’à offrir un monde à sa bien-aimée. Le côté « métronome » du cinéma d’Anderson étouffe légèrement l’émotion, pourtant sincère et magnifique, dégagée par cette fuite en avant de deux inadaptés dont la romance, dénuée de toute perversité, ne peut qu’attendrir par l’inéluctabilité de son échec.

Moonrise-Kingdom-03.jpg

Moonrise Kingdom est beau, souvent sublime, drôle et tendre, sincère et pertinent. On retrouvera les invariants andersoniens avec un rare bonheur, comme cette présentation parallèle de la maison de Suzy (avec des panoramiques parfaits mettant en valeur l’aspect « maison de poupée » déjà perceptible dans la Famille Tenenbaum et la Vie aquatique) et du camp scout en un long travelling ininterrompu dépeignant à merveille l’organisation paramilitaire de la troupe (chaque scout est à sa place, a sa tâche attitrée et doit faire de son mieux pour obtenir les précieux badges). On retrouvera des livres aux titres savoureux (Suzy s’évade par des romans de littérature de jeunesse dont elle lit de larges extraits à son amoureux) mais aussi des itinéraires, des cartes, des pièges qui renvoient automatiquement à Fantastic Mr Fox. La distribution est bien sûr un régal, avec des comédiens qui s’en donnent à cœur joie (quoique je regrette l’usage un peu trop attendu de Tilda Swinton), un Bill Murray légèrement à l’ouest marié à une Frances McDormand légèrement allumée (elle appelle ses enfants avec un porte-voix) mais surtout un excellent Bruce Willis qui parvient à étoffer son personnage de chef de la police locale un peu « ours ». Les apparitions de Bob Balaban (vraiment génial), Jason Schwartzmann et Harvey Keitel (méconnaissable, mais hilarant) sont parfaitement dosées.

Moonrise-Kingdom-04.jpg

Signalons également la musique, constamment mise en abîme, de Desplat, associée à une sélection d’œuvres de Benjamin Britten et de chansons d’époque.

 

Un film subtil dont l’élégance cache mal l’extrême sensibilité de son sujet.  


Moonrise Kingdom


 Moonrise-Kingdom-01.jpg

Mise en scène 

Wes Anderson

Genre  

Comédie douce-amère

Production 

Focus Features & Indian Paintbrush ; distribué en France par StudioCanal

Date de sortie France 

16 mai 2012

Scénario 

Wes Anderson & Roman Coppola

Distribution 

Bruce Willis, Edward Norton, Bill Murray, Frances McDormand & Tilda Swinton

Durée 

94 min

Musique

Alexandre Desplat

 

 

Image 

1.85 :1 ; 16/9 HDDC

Son 

VF DD 5.1

 

 

Synopsis Sur une île au large de la Nouvelle-Angleterre, au cœur de l’été 1965, Suzy et Sam, douze ans, tombent amoureux, concluent un pacte secret et s’enfuient ensemble. Alors que chacun se mobilise pour les retrouver, une violente tempête s’approche des côtes et va bouleverser davantage encore la vie de la communauté.

 

 

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W
<br /> La petite merveille de ce printemps :)<br />
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V
<br /> <br /> Comme la plupart des films d'Anderson.<br /> <br /> <br /> <br />
N
<br /> Totalement d'accord avec toi. Un film brillant, par sa mise en scène, son soin apporté aux détails, son casting. Je trouve que même Tilda Swinton et son Service Sociaux est une très bonne idée de<br /> personnage.<br />
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C
<br /> Oh, quelle chance *_*. Ca se passait où? Il a parlé de ses projets à venir?<br /> <br /> <br /> Ce soir, "Cosmopolis", je fais les dernières corrections du billet sur le livre, puis je passe à celui sur le film (mais vu les derniers bugs d'Overblog au niveau des photos, ça va encore me<br /> mettre une plombe avant de pouvoir publier le billet, tout ça à cause des images qu'on ne peut plus mettre sur le serveur...).<br />
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N
<br /> Je viens d'assister à une rencontre avec salles cet aprem, non seulement le réalisateur est passionnant à écouter, mais il m'a donné envie d'aller voir le film. J'en ferai un CR (le type est<br /> super sympa et très abordable, cultivé). J'attend de lire tes CR Cachou sur ces 3 films ;) <br />
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C
<br /> Je m'y attendais et ça ne m'étonne pas, c'est d'ailleurs typique du festival de Cannes qui, année dernière mise à part, incarne ce que je n'aime pas dans le cinéma, cette soif du paraître qui se<br /> fait passer pour être dans un cinéma qui théorise plus qu'il ne vit et/ou qui vit d'une manière à rassurer les élites sur leur sort (aka films sociaux qu'il est de bon ton d'aimer, d'autant plus<br /> quand on est dans une situation privilégiée). Bref, Cannes, ce n'est pas pour moi, du coup ça ne m'étonne pas qu'un film me semblant trop égotiste et théorique soit la coqueluche du festival<br /> (ceci dit, ce n'est pas parce que je n'aime pas qu'il n'est pas bon. Mais je dirai tout le bien que j'en pense ce soir ^_^).<br />
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C
<br /> Là, je rencontre un problème, parce que je suis en train d'essayer d'écrire sur "Moonrise Kingdom" mais j'ai des remarques sur le Cronenberg qui me viennent continuellement (seulement, je veux<br /> d'abord parler du livre, donc il devra attendre demain)... Mais en gros, le Cronenberg, c'est à cause d'une trop grande volonté de théorisation du réalisateur. Dans ce film-ci, il est allé dans<br /> l'extrême de ce qu'il a fait dans les autres films, mais au point que j'ai eu l'impression de regarder un film qui s'admire le nombril, ce qui a l'art de m'agacer. Puis Pattinson est... je dirais<br /> mauvais, mais je pense que le réalisateur l'a fait jouer comme ça à dessein. En tout cas, je l'ai trouvé catastrophique, celle qui joue sa femme aussi, alors que tous les autres ont le "truc" qui<br /> va avec la réflexion du réalisateur. Mais, surtout, je me suis ennuyée comme pas possible, et ce film-ci m'a paru deux fois plus long que le Salles qui durait pourtant 2h20.<br /> Pour le Salles, c'est plus dû à mes goûts personnels. Le film est très bien, mais je n'ai jamais réussi à rentrer dans les récits de délires drogués et destructeurs, du coup j'ai eu un peu de<br /> mal, même si le tout m'a plu de manière générale.<br />
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V
<br /> <br /> Bizarrement, par rapport à ce que j'ai comme retour de Cannes, les blogueurs sont globalement d'accord avec toi pour le Salles mais le Cronenberg déchaîne les passions (chef-d'oeuvre pour les<br /> uns, arnaque pour les autres, un peu comme le Twixt de Coppola). LE Film Français a diffusé un tableau des étoiles des principaux journalistes et ça concorde aussi. Du coup, j'ai encore<br /> plus envie de voir Cosmopolis.<br /> <br /> <br /> <br />
N
<br /> Ah j'en étais sûr. <br /> <br /> <br /> Par contre pour Cronenberg et Sur la route ça m'étonne, je compte y aller tout de même. <br />
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C
<br /> Et la chanson française, tu as oublié la chanson française (oui, j'ai pu lire l'article, parce que maintenant, je l'ai VU!)(et adoré)(râââââââââh, ça fait du bien par où ça passe)(par contre le<br /> Cronenberg, pas du tout)(et Pattinson, quelle catastrophe O_O)(je ne comprends pas Cronenberg sur ce coup-là)(ou peut-être que si, mais ça ne me convainc pas)(vu aussi "Sur la route")(tant qu'à<br /> faire, autant ne pas faire le voyage pour rien)(mitigée, trop long, et pas mon ambiance, même s'il y a de très bons trucs dedans).<br /> <br /> <br /> Je vais essayer de faire mon billet dessus ce soir, pas sûr que j'y arrive. Et pendant tout le film, j'ai été hyper-frustrée de ne pas pouvoir faire de catpures d'écran (ben forcément hein)<br /> tellement il y avait plein de petits détails dans les décors que je voulais inspecter.<br />
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V
<br /> <br /> J'ai fait des choix dans ce que j'avais à dire : Anderson, et encore davantage dans ce dernier film, engendre tant de questionnements, d'admiration et de références qu'il faudrait des dizaines<br /> d'articles pour tenter d'explorer son oeuvre. Mais je suis assez satisfait de notre Challenge qui m'a donné certaines clefs qui permettent de mieux assimiler ses films.<br /> <br /> <br /> <br />
T
<br /> Ce film je lui mets trop la pression. La bande annonce donne trop envie, il a l'air vraiment génial. Maintenant il a intérêt à être à la hauteur de mes attentes. Je vais me pencher sur la<br /> filmographie du monsieur ^^<br />
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C
<br /> Tu prêches une convaincue...<br />
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V
<br /> <br /> J'attends impatiemment ton avis, avec Nico tu es la personne que je connais qui adhère le plus à son cinéma. Je me suis évidemment prévu le Cronenberg, mais ce soir ce sera MIB 3.<br /> <br /> <br /> <br />