Quand je regarde l'écran, l'écran me regarde.
On m’a proposé de visionner un DVD sur l’histoire de Bruce Lee. Comment refuser ?
Pourtant, le prétexte peut faire douter : l’histoire du Petit Dragon est déjà bien connue, de son passé d’enfant-acteur à sa fin tragique, en passant par sa réputation de combattant des rues. Des films existent déjà qui ont tenté de donner corps à une légende, sachant que Lee était déjà iconisé de son vivant.
Et malgré la présence de Tony Leung Ka Fai au générique, gage d’interprétation solide, on ne peut qu’être interloqué par ces quelques mots de mise en garde, avant même le lancement du premier plan : ce film n’a pas la caution de la famille de Bruce Lee, n’est pas lié à la société qui gère ses biens et n’a vu la participation d’aucun de ses proches. Il ne repose que sur une libre interprétation du livre de mémoires écrit par son frère, Robert, qui le vénérait.
Inquiétant.
La suite vient à la fois confirmer et tempérer ces craintes. Car le film surprend par ses partis pris : il ne cherchera pas à donner une nouvelle image de ce demi-dieu des arts martiaux, n’entrera dans aucune polémique et n’enrichira pas vraiment la légende du Petit Dragon. En fait, on ne sait même pas vraiment quelles étaient les intentions des producteurs en créant cette œuvre bâtarde, qui se refuse ostensiblement à mettre en avant le côté combattant de Bruce Lee et s’attarde sur sa jeunesse dorée, au milieu d’une bande d’amis fidèles dans une ambiance rétro entre Grease et American Graffiti. On découvre que Bruce est l’un des nombreux enfants d’un père acteur classique, qu’il est né sur le territoire américain (au cours d’une représentation à San Francisco) mais qu’il a grandi à Hong-Kong à l’époque où la cité basculait de la domination japonaise au protectorat britannique. Couvé par ses sœurs mais assez indépendant d’esprit, il est fidèle en amitié et aime prendre des risques, ce qui lui vaut des corrections assez virulentes de son père. Il deviendra très vite la coqueluche de la jeunesse hongkongaise grâce à ses nombreux rôles dans des comédies populaires sous le pseudonyme de Petit Dragon, et ses talents de danseur. Il n’a pas froid aux yeux mais préfère protéger ses amis plutôt que de tenir tête à ceux qui lui cherchent des noises – ce qui est assez différent de l’image qu’on connaissait de lui et de cette réputation de bagarreur. Cela dit, il s’inscrit assez tôt dans l’école de Maître Yip bien qu’il ne sera jamais entraîné par lui.
Ceux qui désiraient voir l’avènement d’un des plus grands représentants des arts martiaux au cinéma en seront pour leurs frais : deux combats nous sont proposés, l’un sur un ring de boxe anglaise, l’autre un peu plus tard, orchestré comme celui, universellement célèbre, dans le Colisée contre Chuck Norris (la Fureur du Dragon). Le film s’achève par le départ de Bruce vers les Etats-Unis.
L’ensemble est aussi frustrant que satisfaisant. On sent par exemple qu’un soin particulier a été apporté à l’interprétation, avec un père au jeu outré, à la mine compassée, très ancré dans la tradition asiatique, et un Aarif Rahman véritablement bluffant dans le rôle-titre, reprenant fidèlement les mimiques de Bruce Lee comme sa gestuelle et sa démarche. Néanmoins, malgré quelques péripéties (comme la disparition d’un ami et sa rivalité avec un Anglais), on s’ennuie ferme face aux nombreux dialogues creux ponctuant les petites séquences bucoliques dans lesquelles Bruce tait ses sentiments pour la jolie Pearl afin de ne pas blesser son amie d’enfance Margaret. Le cadrage soigné masque mal une réalisation hésitante, qui ne parvient même pas à donner du rythme à des scènes de course-poursuite dans les ruelles (Bodyguards & Assassins était plus convaincant là-dessus). Du coup, les plus de deux heures s’écoulent lentement et parfois péniblement, sans qu’il y ait cette explosion de soulagement palpable dans Rocky, pourtant construit de façon similaire.
L’aura du Petit Dragon n’en sera nullement ternie, mais en dehors de quelques considérations sur ses amours et ses motivations personnelles, on ne trouve pas vraiment de justification à cette réalisation. Dommage car on attendait autre chose que des images d’Epinal et un script aux situations complètement prévisibles.
Ma note (sur 5) : |
2 |
A lire aussi : une critique un peu plus favorable chez Bruce de la Pellicule brûle.
Bruce Lee my brother
Mise en scène |
Manfred Wong & Wai Man Yip |
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Genre |
Biopic d’arts martiaux (quoique…) |
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Production |
FIP |
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Date de sortie France |
22/08/2012 (DTV) |
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Scénario |
Manfred Wong d’après le roman Bruce Lee, my brother |
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Distribution |
Tony Leung Ka Fai, Aazif Rahman & Christy Chung |
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Durée |
129 min |
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Support |
DVD FIP zone 2 (2012) |
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Image |
2.35:1 ; 16/9 |
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Son |
VF DD 5.1 |
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Bonus |
Journal de tournage ; bandes-annonces |
Synopsis : Ce film raconte la naissance et la jeunesse à Hong-Kong de Bruce Lee d’après les souvenirs de son frère.