Quand je regarde l'écran, l'écran me regarde.
X-Men : le commencement. Savoir que la Fox continuait à exploiter la franchise mutante permettait de se rassurer pour plusieurs années, le temps que les studios Marvel récupèrent leur bébé : on était sûr que le filon juteux engendrerait de nombreux films. Mais auraient-ils la même qualité que les deux premiers dans lesquels Bryan Singer s’était impliqué avec passion, ou ressembleraient-ils à ce fouillis mal maîtrisé qu’était X-Men : l’affrontement final ? Deux éléments pouvaient a priori apporter des éléments de réponse : le casting et la bande-annonce. On nous avait promis le retour de Singer aux affaires, le voilà co-scénariste aux côtés des concepteurs de certains épisodes de la très bonne série Fringe. C’est Matthew Vaughn, le réalisateur de Kick-Ass, qui est bombardé metteur en scène. OK, ça devrait au moins augurer de l’action et du fun décomplexé. Le trailer, lui, forçait le respect et laissait entrevoir une réelle ambition : celle de se pencher sur les aspects-clefs de la condition mutante (l’initiation, l’intégration, le droit à la différence) par le biais d’une situation géopolitique particulièrement tendue.
Digne retour aux origines réelles du comic-book avec un parallèle évident entre l’événement de Cape Citadel (première apparition publique des X-Men face à Magneto, d’après la série originale) et l’affaire des missiles de Cuba. Les mutants apparaissant à la fois comme armes dévastatrices (mais utilisables pour peu qu’on ait les moyens de les persuader) et sauveurs de l’Humanité (pour peu qu’ils parviennent à s’entendre et à contrôler leurs pouvoirs) alors qu’ils sont en pleine crise d’adolescence : voilà de quoi aiguiser les appétits.
Du coup, il est nécessaire de souligner l'honnêteté de la démarche des producteurs, dont on sent en permanence dans le métrage la volonté de coller à la trilogie cinématographique : les références et autocitations pleuvent, disséminées de manière habile, et suscitant immanquablement sympathie et sourire complice. Et n’oublions pas non plus de saluer une certaine ambition dans le projet, avec l’objectif louable de faire autre chose qu’un film pop-corn testostéroné et fun (ce qui était le cas de Wolverine, pourtant sous-titré X-Men : Origins). De même, les scénaristes semblent s’être évertués à comprimer le temps et les générations, puisant allègrement dans l’immense réservoir que constitue la saga X-Men et ses séries dérivées : pas évident en effet de créer de toutes pièces le « méchant » ultime du film – puisqu’il était évident que Xavier et Magneto seraient, malgré leurs vues opposées, alliés de circonstance. C’aurait pu être le roi d’Ombre, ou encore Apocalypse, deux êtres fascinants qui ont eu régulièrement maille à partir avec les mutants. Ils étaient toutefois très difficiles à adapter. Sinistre, en revanche, pouvait convenir : ce savant fou captivé depuis toujours par les possibilités infinies des gênes humains était en mesure d’incarner la Némésis idéale, quoique par nature trop discret dans ses entreprises. On en a donc gardé l’essence pour l’insuffler dans le corps d’un autre bad guy, de moindre envergure : Sebastian Shaw, Roi Noir du Club des Damnés, doté d’une ambition sans borne et d’un pouvoir effrayant. Cette synthèse habile pourrait faire hurler les puristes : elle n’en est pas moins maligne. Il faut se rendre à l’évidence : la série, par sa densité et la richesse de ses personnages, engendre trop d’inertie pour une adaptation telle quelle ; il est indispensable et crucial de faire des choix, donc des sacrifices. En répartissant dans les différents camps en présence des mutants anciens (Emma Frost, le Hurleur, le Fauve) et d'autres nettement plus récents (Darwin, Pixie), on procède de la même opération d’élagage. Le tout est que la sauce prenne, même si on peut fatalement déplorer l’absence de certains ou les changements dans d’autres (Scott Summers/Cyclope n’apparaît pas – pas né à l’époque des faits – mais on y trouve Alex/Havok, censé être son frère cadet ! WTF ?). Pas évident de faire coller le comic-book et la trilogie sur 70 ans.
Le résultat n’est pas désastreux. Mieux : c’est plaisant.
Malgré un côté un peu kitsch dans sa première demi-heure, avec une réalisation qui hésite entre la parodie et l'hommage et semble complètement datée (certains effets spéciaux, comme la course surhumaine de Hank McCoy, sont ratés), on savoure la montée de la tension politique et la constitution d'une force de frappe mutante semi-officielle, par le biais de deux personnages importants : le fameux « MIB » qui offrira le libre accès à ses installations secrètes et nous révèlera ainsi l’origine de Cerebro et du X-Plane (une simple variation du fantastique SR-71, avion espion supersonique américain, qui détient encore aujourd’hui certains records de vitesse absolue) ; et Moira McTaggert dont le statut d’agent de la CIA prête un peu à sourire (les scénaristes auraient-ils oublié qu’Olivia Williams l’interprétait déjà dans the Last Stand, mais en tant que généticienne réputée ?). Le vieux routier de la série que je suis a pu retrouver l’excitation de la vision du premier film X-Men en savourant en parallèle le déroulement d’une intrigue intéressante avec des confrontations entre des personnages hauts en couleurs et l’application des cinéastes à réinterpréter au mieux l’ambiance et les enjeux du comic-book.
Plutôt bien dépeints, les personnages principaux sont convaincants : McAvoy fait un Xavier enjoué et plein d’enthousiasme et Fassbender interprète ce Magneto amer mais pas encore fataliste qu’on adorait. Le choix de Mystique est plus discutable, mais colle au moins assez bien avec la trilogie ; Emma Frost est encore plus décevante, manquant de charisme et surtout de ce charme vénéneux qui la distingue – et on nous frustre d’un duel psychique au sommet qui aurait marqué les esprits ( !). On leur préfèrera un excellent Hank McCoy, auquel Nicholas Hoult donne corps de la plus belle des manières Mais la palme revient incontestablement à Shaw, savamment masqué dans la bande-annonce : son cabotinage, presque outrancier, fait plaisir à voir et donne du volume à sa cruauté et son ambition sans limite. Du coup, le finale, qui aurait dû être apocalyptique, n’est pas du tout à la hauteur. N’oublions pas non plus, dans la très bonne séquence du recrutement des mutants, un irrésistible clin d’œil à un personnage-clef de la première trilogie.
Œuvre ambitieuse donc, menée tambour battant. Des scènes d’anthologie alternent avec des dialogues moins risibles que d’ordinaire. Ca manque clairement de génie et de personnalité, mais ça vaut le coup.
A revoir.
Titre original |
X-Men : First Class |
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Réalisation |
Matthew Vaughn |
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Date de sortie |
1er juin 2011 avec la Fox |
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Scénario |
Simon Kinberg & Zak Penn |
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Distribution |
James McAvoy, Michael Fassbender & Kevin Bacon |
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Photographie |
Dante Spinotti |
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Musique |
John Powell |
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Support & durée |
35 mm en 2.35 :1/105 min |
Synopsis : Pendant la Seconde Guerre mondiale, Erik Lennsherr, un jeune Juif qu’on a séparé de sa mère est amené au Dr Schmidt qui s’intéresse à son potentiel ; pour obtenir de lui ce qu’il désire, le cruel médecin nazi usera des méthodes les plus abjectes. Au même moment, deux jeunes gens dotés également de facultés extraordinaires, font connaissance : l’un d’entre eux, capable de lire dans les pensées, s’appelle Charles Xavier. En prenant sous sa coupe l’énigmatique Raven qui peut changer d’apparence, il se promet d’étudier le phénomène de la mutation…