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Quand je regarde l'écran, l'écran me regarde.

Agora : portrait de femme au clair de Terre

http://laternamagika.files.wordpress.com/2010/01/agora.jpgUn film de Alejandro Amenabar (2010) avec Rachel Weisz, Max Minghella, Oscar Isaac & Michael Lonsdale.

Résumé le 7e Art : IVe siècle après Jésus-Christ. L'Egypte est sous domination romaine. A Alexandrie, la révolte des Chrétiens gronde. Réfugiée dans la grande Bibliothèque, désormais menacée par la colère des insurgés, la brillante astronome Hypatie tente de préserver les connaissances accumulées depuis des siècles, avec l'aide de ses disciples. Parmi eux, deux hommes se disputent l'amour d'Hypatie : Oreste et le jeune esclave Davus, déchiré entre ses sentiments et la perspective d'être affranchi s'il accepte de rejoindre les Chrétiens, de plus en plus puissants...

 

Une chronique de Vance

 

En voilà un beau portrait de femme !

C’est avant tout ce qui se dégage de la séance. Le portrait d’une femme exceptionnelle, presque hors du temps. Et des idées fortes ou s’entremêlent connaissances et croyances, mythes et rites. Les chemins vers la Vérité qui se s’entrecroisent et le constat désenchanté de l’échec de la plupart de ceux qui entreprennent de l’arpenter, lorsqu’ils se fourvoient, plus ou moins consciemment, choisissant la facilité et refusant le partage.

Au sein d’une reconstitution éblouissante, Hypatie, auréolée d’une sagesse incongrue, dispense le savoir devant un parterre d’étudiants littéralement pendus à ses lèvres, plus ou moins vaguement amoureux, irrémédiablement attirés tant par la personne physique de cette philosophe que par les enjeux qu’elle propose. Un aréopage de fans inconditionnels qu’elle se permet d’appeler ses « frères », plaçant d’emblée la quête du Vrai au-dessus de toute autre considération, qu’elle soit raciale, sociale ou cultuelle.

Pourtant, l’époque transitoire est dangereuse pour celle qui semble presque nier le basculement des mentalités : ses regards, comme hypnotisés, sont tournés vers le cosmos, loin des dieux qu’elle laisse à ses concitoyens, qu’ils trônent en nombre ou qu’ils gouvernent les cieux dans leur sainte unicité. Commentant Platon là où d’autres lisent la lettre de Paul aux Corinthiens, éprouvant les thèses d’Aristarque à l’aune du système ptoléméen, elle repousse avec une classe et une dignité inouïes les avances du plus ardent de ses élèves, ne voyant pas (ou refusant de voir) le trouble qui s’empare de l’esprit de son esclave (imaginez-vous, jeune éphèbe au cerveau en ébullition, essuyant le corps humide de votre trop charmante maîtresse à la sortie du bain…).

Agora, c’est cela, donc. L’histoire d’une femme dans un univers d’hommes. Brillante, indépendante, captivante et belle. Et pure, surtout, ce qui sans doute exacerbe encore les envies d’hommes à la frontière entre deux mondes, assistant impuissants et défaitistes à la fin d’un empire de paix et de lumières et à l’avènement de temps troubles et rétrogrades.

http://3.bp.blogspot.com/_VGuIVSLX0Dw/Spi84mX6AXI/AAAAAAAAAIQ/rVBPw3A4w_0/s320/Agora+Freedom.jpgHypatie, dans sa seule passion aveugle, en quête d’absolu, se voile la face avant de se rendre à l’évidence : humaniste avant l’heure, née trop tôt ou trop tard, elle voit dans le premier soulèvement chrétien (issu d’un enchaînement de provocations rhétoriques) une seule menace, celle de la destruction irrémédiable de siècles de connaissances emmagasinées dans sa précieuse bibliothèque, sur laquelle elle règne presque en matriarche vestale. Il faut la voir, presse par le temps et les événements, ignorant les recommandations et les ordres de sauver sa vie, tenter de préserver les inestimables rouleaux : à ce moment-là, et à ce moment seulement, son auréole se lézarde, elle commande à ses suivants telle une matrone romaine, pestant contre leur lenteur. Face aux innombrables volumes, elle sait que le combat est perdu d’avance. Et elle manque y rester, tant son attachement est immense : on retrouve cette même flamme qui animait Guillaume de Baskerville lorsqu’il tentait de sauver de précieux parchemins dans la bibliothèque en feu du Nom de la Rose. Sauver ce qui peut l’être, des fragments d’un monde en ruines, des souvenirs épars de systèmes de pensée bafoués par la déferlante chrétienne.

Notez que cette dernière, même si je ne l’ai pas vraiment trouvée caricaturale (n’est-ce pas Alexandre ?), n’est pas montrée sous son meilleur jour. Religion des pauvres dans un système social déséquilibré, religion des masses propices à s’enflammer pour peu qu’on ait le verbe facile et qu’on y joigne le geste adéquat, le christianisme n’est pas celui des origines mais déjà une vague qui s’insinue partout. Vue depuis les hauteurs des splendides bâtiments alexandrins d’où s’élèvent autant de statues païennes, vue surtout d’un ciel inquisiteur - au cours de nombreuses et somptueuses plongées qui nous placent dans la peau d’un extraterrestre kubrikien s’interrogeant sur le destin de l’Humanité – cette jeune religion apparaît comme un cancer, une lèpre rongeant les fondations séculaires d’une cité naguère brillante. Ses adeptes semblent ignares, ses dirigeants sont perfides et manipulateurs, ses sectataires (cultistes ?) sont brutaux et sans états d’âme : pour un culte fondé sur la miséricorde et le pardon, il n’en est pas un pour racheter l’autre. Ah il est loin le temps des Quo Vadis ? et autre Tunique ! Le méchant, ici, n’est pas le Romain à l’armure clinquante. Quant aux Juifs, n’en parlons pas : ils paieront cher leur opportunisme, malgré une approche plus pragmatique du choc des cultures.

Un choc qui verra la chute inexorable d’une civilisation et la plongée dans des âges sombres où le Paradis s’achète et l’enfer se déchaîne.

Et Hypatie demeure, un temps encore. Le couperet qui menaçait de s’abattre sur cette nuque altière suspend son cours : car, dans un geste sublime, elle pardonne à celui qui venait la tuer (ou pire, peut-être, l’avilir). Elle. La mécréante. La païenne. Sorcière. Elle qui corrompt les hommes par ses atours et ses paroles – alors qu’elle ne cherche qu’à répondre aux questions qui ont fait avancer ses aïeux. Lorsqu’on lui demande de révéler en quoi elle croit, telle Ellie Arroway dans Contact, elle se refuse à parler d’une divinité. « Je crois en la philosophie. »

Cela ne la sauvera pas. N’en fera même pas un martyr.

Et pourtant, quelle attitude !

Elle n'a pas changé l'Histoire (comme l'affirme la jolie afffiche) mais ce qui compte, c'est qu'elle aurait pu le faire.


Le film ne m’a pas transcendé, cela dit. Il m’a même parfois agacé. Ces meutes de chrétiens assoiffés de haine font grincer des dents. Leurs actes iniques ne sont jamais justifiés, et entrent constamment en conflit avec les propos pacifiques dispensés par les Evangiles, dont ils savent sciemment détourner les objectifs. Seuls le pouvoir, la connivence et la vindicte les meuvent. Et les rares qui s’interrogent ne peuvent rien contre le cours des choses. Il en va ainsi des peuples…

Les images sont superbes et Amenabar sait s’y attacher, multipliant les points de vue tout en restant sensible aux gros plans expressifs. Grâce à une très belle photo désaturée, Rachel Weisz retrouve de cette aura qu’Aronofsky lui procura naguère pour the Fountain. Elle semble par moments un tout petit peu juste pour le rôle, mais tient la route avec grâce.

Mais j’y ai surtout retrouvé de cette frénésie intellectuelle, de ce bouillonnement intérieur qui palpitait lorsque je regardais le Nom de la Rose ou Contact, deux films traitant de ces sujets qui m’ont longtemps stimulé : la connaissance livresque et l’infini cosmique qui, en se conjuguant, ont engendré la science-fiction.

 

Ma note : 4/5

 

Le coin du C.L.A.P. : catastrophe ! Sur la route vers le complexe, je m’aperçois que nous n’avons pas pris les livres ! Il faut dire qu’après une bonne choucroute et une soirée à l’hôpital voir ma mère, nous n’avions pas prévu une petite séance de ciné revigorante. Fait rarissime ! Le ventre trop plein pour des pop-corns, nous nous sommes rabattus sur un demi-litre de Sprite, histoire de faire passer les calories (peine perdue, malheureusement, mais la sensation de lourdeur stomacale n’a pas entamé le plaisir du visionnage). Et puis le fascicule promotionnel du Kinépolis nous a permis de braver les longues minutes d’attente en lisant les résumés des films à venir – et j’ai appris la possibilité de gagner des avant-première du prochain film avec Mel Gibson, en présence de l’acteur !

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V
<br /> Oui, à condition qu'ils le diffusent dans la salle d'arts et essai de Metz, mais d'autres films se bousculent dans ma liste à voir...<br /> <br /> <br />
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C
<br /> C'est dommage! En plus je crois bien que ça aurait vraiment plu à Jennifer! Vous allez essayer de le revoir?<br /> <br /> <br />
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V
<br /> Bright Star, on était partis pour le voir et il a été déprogrammé. A la place, on a vu Invictus.<br /> <br /> <br />
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C
<br /> Nouveaux points: 3,5/5 pour Mr Nobody.<br /> Et modification: 4/5 pour Bright Star (oui, mais bon, il me travaille encore, alors voilà, il mérite bien ça)(j'espère qu'il vous plaira!).<br /> <br /> <br />
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A
<br /> Je suis d'accord avec Cachou, je n'ai vu l'utilisation de la religion chrétienne que comme un prétexte, un moyen d'illustrer la manière dont on peut détourner le Verbe pour le faire adhérer à sa<br /> propre cause (que celle-ci soit noble ou pas d'ailleurs).<br /> <br /> Et pour rebondir sur ce que disait Alexandre, je me suis également demandé si le fait que Rachel Weisz incarne Hypathie (à la place de Christine Boutin) biaisait les réactions de ses auditeurs. Et<br /> au fur et à mesure que le film se déroulait, je me suis rendu compte que même une femme moche ou, tout du moins, moins gracieuse que R. Weisz aurait provoqué la même réaction. Parce qu'elle a une<br /> telle aura (que Rachel Weisz restitue sans peine aucune) que ça lui donne une sensualité et un attrait beaucoup plus prononcé que pour une femme comme Megan Fox par exemple.<br /> Je crois qu'il arrive à tout le monde de rencontrer des gens qui ne "paient pas de mine" et qui, après avoir discuté avec eux, se révèlent et rayonnent littéralement. Et c'est ainsi que je perçois<br /> le personnage d'Hypathie. Mais j'ai un oeil de femme, peut-être que ça influe aussi sur ma perception.<br /> Très beau film en ce qui me concerne : 4,5/5.<br /> Et pendant que j'y suis, je mets 2,5/5 à Invictus et 4/5 à Gainsbourg vie héroïque.<br /> <br /> <br />
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P
<br /> je note que tu n'es tout de même pas transcendé... bouh !<br /> <br /> <br />
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J
<br /> Tout à fait d'accord avec Vance et aussi avec Cachou qui a volé mes mots et ma note....<br /> Les religions ici sont mises à mal par leurs serviteurs qui les utilisent à tort pour servir leurs propres desseins. Seule une femme érudite comprend ce qui se passe et s'oppose magistralement et<br /> avec courage à cette perversité humaine.<br /> J'y ai perçu un amour inconditionnel du réalisateur pour elle pour plusieurs raisons. Tout d'abord elle est toujours filmée avec grâce, beauté et sincérité, même moi j'ai été sous le charme de<br /> cette actrice que j'aimais déjà beaucoup. Ses connaissances, sa soif de savoir, son désir inassouvi de comprendre les phénomènes astronomiques sont exposés avec pédagogie malgré le peu de moyens à<br /> l'époque. Elle est une professeure, élève parmi les siens que seule la vérité motive au prix de sa propre existence. Enfin, le réalisateur a eu la décence de ne pas la montrer nue entièrement alors<br /> que bien des scènes auraient pu être dessinées ainsi, comme s'il voulait respecter cet être, ce corps que d'autres ont tant dénigrés. Pour finir, sa mort est adoucie pour ne pas choquer, pour ne<br /> pas heurter ou tout simplement parce que c'est la fin qu'il lui aurait souhaité....<br /> Bref j'ai adoré ce film, j'ai été complètement séduite par l'histoire et la beauté des décors et j'en suis ressortie avec une position encore plus affirmée à l'encontre des adeptes fanatiques<br /> religieux et de certains hommes et je remercie encore sincèrement toutes ces femmes qui se sont battues pour nous offrir la vie que nous avons aujourd'hui (même s'il y a encore quelques petits<br /> détails à régler)...<br /> Note : 4,5/5<br /> <br /> <br />
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C
<br /> Eh bien, même s'il ne t'a pas transcendé, ce film t'a bien inspiré! (et j'aime bien ton parallélisme avec Ellie, c'est vrai que c'est exactement le même style de femme portée par ses idéaux<br /> scientifiques).<br /> <br /> De mon côté, les chrétiens vindicatifs ne m'ont pas dérangée, au contraire, parce que je ne les ai pas vraiment pris comme des personnes appartenant à une religion et se comportant contre les idées<br /> de cette religion, mais bien comme une mise en avant de l'utilisation par les hommes de prétextes religieux pour assouvir leur soif de vengeance/combat/domination/etc. Après tout, les représentants<br /> des deux autres religions préentes ne valent pas forcément mieux, avec les païens qui n'hésitent pas à lancer un massacre sur un coup de tête ou les juifs qui répliquent en faisant bien pire que<br /> leurs agresseurs. Ce qui ressort ici, c'est l'utilisation - encore on ne peut plus actuelle - de la religion pour justifier des actes injustifiables et, surtout, pour accomplir ce qu'il faut afin<br /> de satisfaire un besoin de domination qui serait inhérent à la majorité des hommes apparemment.<br /> Si ce film m'a transportée, c'est justement qu'il a l'audace et le courage de dénoncer de telles choses, ce qui est très rare, parce que qui parle de religion ne sera jamais compris complètement.<br /> Soit les représentants de la religion critiquée se sentiront visés sans prendre la peine de comprendre le message derrière la critique (ici: ce n'est pas forcément la religion chrétienne qui est en<br /> cause, mais plutôt ceux qui l'ont appliquée et la manière dont ils l'ont pervertie en lui faisant dire ce qui les arrange(ait)), soit les représentants des religions opposées (adversaires<br /> devrais-je presque dire) se réjouiront de l'attaque sans comprendre qu'ils sont peut-être eux aussi visés dans celle-ci.<br /> Et puis, à une époque où le féminisme est pris comme une position radicale et vindicative qu'il faut presque avoir honte d'arborer tellement elle est diabolisée, le fait qu'un film sortant<br /> d'énormément de mains masculines soit si ouvertement et clairement féministe fait un bien fou je trouve.<br /> <br /> Ce film m'a bouleversée et me travaille encore, je n'arrête pas de réfléchir à son sujet.<br /> <br /> Oh, et comme je viens de blablater des heures dessus, voici ma note: 4,5/5<br /> <br /> Et pour Bright Star: 3,75/5 (j'hésite à mettre plus, mais l'effet "Agora" a un peu baissé son impact).<br /> <br /> <br />
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A
<br /> on me parle ? <br /> concernant ma critique, je ne sais pa ssi tu as lu mes réponses aux autres commentaires, mais ils devraient t'éclairer sur ma frustration. Mais qu'on s'entende bien, je n'ai pas mal noté ce film,<br /> j'ai passé un moment agréablze, mais pas intense.<br /> Et je me disais en lisant ta critique, "et si ça se trouve, en fait Hypathie était moche ! le physique de Christine Boutin peut-il séduire????"<br /> quant aux références au nom de la rose, elles sont évidente.<br /> Et je précise que ta plume se vit gratifier de très belles envolées lyrique mon cher Vance, quelle prose (un comble quand on parle d'Alexandrins !-cette vanne, j'en suis fier) !<br /> <br /> <br />
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