Quand je regarde l'écran, l'écran me regarde.
Alors que des engins de chantier s’apprêtent à démolir un vieux studio de cinéma, une équipe de télévision a obtenu un rendez-vous inespéré avec Chiyoko Fujiwara, star de ces studios, qui s’est retirée après une carrière très riche. Mais avant d’entamer l’interview, le reporter Genya Tachibana tient à remettre un petit cadeau à l’actrice : une clef. Celle-ci déclenche des souvenirs chez la vieille femme, et les journalistes vont tâcher de les capter…
Millennium Actress est une véritable petite merveille, d’une durée idéale, baignant dans un parfum de nostalgie et de romantisme attrayants, où l’on suit avec délectation la carrière de cette jeune fille qui s’est lancée dans le cinéma par défi contre une mère qui voulait en faire une épouse loyale et surtout dans le but de rechercher cet homme, artiste peintre inconnu qui, en la bousculant, l’a proprement fascinée au point qu’elle passera sa vie à tenter de le retrouver, se fiant aux moindres rumeurs et indices. On apprend au passage qu’il est un rebelle que la police militaire essaie d’interroger depuis longtemps. Le destin va faire qu’ils se croiseront, fugacement, à plusieurs reprises, sans que jamais ils puissent n’échanger autre chose que quelques paroles, une promesse, et une clef. L’homme laissera derrière lui un portrait saisissant de la jeune fille, réalisé sur un mur de sa boutique. Et, pendant une grande partie de sa vie, elle poursuivra son ombre, uin fantasme, un fantôme.
Parallèlement, elle aura accepté l’invitation d’une société de production dont le réalisateur avait saisi le potentiel de Chiyoko, et jouera dans des dizaines de films, pour la plupart réalistes et historiques, ou ses rôles offriront un étrange et stupéfiant écho à sa quête éperdue d’un amour insaisissable. Et pendant qu’elle égrène ses souvenirs, qui ont parfois tendance à se mélanger au point que ses fragments de réalité vécue se fondent dans les histoires qu’elle a interprétées à l’écran, les reporters la suivent, tentant de fixer l’émotion intacte et la vérité, tandis que Genya se révèlera être un employé qui n’a toujours eu d’yeux que pour elle, jusqu’à aller lui sauver la vie lors d’un tremblement de terre.
Millennium Actress n'est ainsi qu'une histoire simple et magique, racontée avec maestria et sous des dehors complexes mais parfaitement intelligibles et où, tout au long des fresques dans lesquelles l’actrice a participé, plane l’essence d’un amour pur et intact, qu’elle finira par abandonner, vaincue par la vie et ses vicissitudes… jusqu’à ce jour où, dans sa retraite isolée, ce reporter complètement admiratif lui offre, au travers de cette clef qu’elle avait naguère perdue, l’opportunité de retrouver les morceaux épars d’une vie entière consacrée à la recherche, une vie qui s’avèrera être bien plus riche et pleine d’expériences qu’elle ne le pensait. Au soir de sa vie, il est temps pour elle de se demander si elle n’a pas gâché son existence à la poursuite d’une chimère, ou si au contraire elle a vécu bien davantage que la plupart de ceux qu’elle a côtoyés.
Servi par une animation agréable et par une très belle musique, cette histoire émouvante transcende le genre au point que les personnages dessinés s’extirpent de la pellicule et prennent vie, rient et souffrent, pleurent souvent mais nous enchantent.
Visionné en DVD, en VF 5.1. Le son est agréable, très clair, mettant bien en valeur les séismes et explosions tout en laissant une bonne place aux dialogues. Les images sont nettes bien que peu contrastées, dans des tons pastels séduisants. Ce DVD possède un making-of et un commentaire audio du réalisateur. On nous précise sur la jaquette que le film a reçu (ex-aequo avec le Voyage de Chihiro) le Grand Prix d’Animation du Festival d’Arts & Medias de l’Agence Japonaise des Affaires Culturelles.
Sans esbroufe ni effets visuels superfétatoires, Satoshi Kon signe une œuvre enchanteresse qui a l’intelligence de demeurer simple et facile d’accès. Une perle.
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Titre original |
Sennen joyû |
Réalisation |
Satoshi Kon |
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Date de sortie |
1er août 2006 (DTV) avec Dreamworks ; 14 septembre 2002 au Japon avec Madhouse |
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Scénario |
Satoshi Kon & Sadayuki Murai |
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Distribution |
Les voix en VO de Fumiko Orikasa, Hirotaka Suzuoki & Mami Koyama ; en VF de Jaqueline Ghaye, Daniel Nicodème & Delphine Moriau |
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Photographie |
Hisao Shirai |
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Musique |
Susumu Hirasawa |
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Support & durée |
DVD Dreamworks (2006) zone 2 en 1.78:1 / 87 min |
Synopsis : Le réalisateur de documentaires Genya Tachibana interview la vieille actrice Chiyoko Fujiwara. Ensemble, tous deux se plongent dans le passé de la comédienne.