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Quand je regarde l'écran, l'écran me regarde.

[critique] Kill Bill volume 2 : bas les masques !

[critique] Kill Bill volume 2 : bas les masques !

The Bride est en route pour accomplir l'acte final de son parcours vengeur. Elle s'est déjà débarrassée de deux de ses anciennes collègues du Assassination Squad, il lui reste Elle Driver et Budd avant d'arriver à ses fins, c'est à dire tuer Bill, son ancien amant et mentor, l'homme qui lui a tiré une balle dans la tête alors qu'elle s'apprêtait à se marier.

 

Que dire sur ce film coupé en 2 ? Du pur cinéma, dynamique, convulsif, mais aussi extrêmement formel avec une véritable recherche sur le cadrage et la lumière. On n'a peut-être pas assez souligné le côté maternel du personnage de la Mariée : c'est sa grossesse qui va tout déclencher, sa volonté de quitter son rôle de tueuse professionnelle et de tenter de mener une vie "normale" ; c'est aussi ce qui lui servira de moteur pour lui faire traverser les épreuves inhumaines qu'elle a subies. En cela, elle n'est pas très loin du personnage de Ripley dans Alien qui a eu besoin d'une trilogie pour s'affirmer entièrement.

Sans être féministe, Kill Bill redistribue les cartes et donne aux femmes une importance primordiale car, à part Bill (et Hattori Hanzo dans le 1er volume), les hommes en prennent un sacré coup : Budd est pitoyable malgré un certain savoir-faire, et même le grand maître intemporel Pai-Mei se fait avoir par la rancune d'une femme, Elle Driver en l'occurrence.

 

Le second volet, après de multiples visions, procure des sentiments partagés. Moins jouissif et furieusement maîtrisé que le premier, il est porté par de nombreuses scènes parlées et reprend le cours d'une quête volontairement déconstruite dans le premier épisode. Ici, à l'image d'une femme qui en est à la moitié de sa mission, il s'agit avant tout d'aller jusqu'au bout. Il y a désormais un certain apaisement, ne serait-ce que dans le regard de Thurman. Chaque étape la rapproche davantage de la confrontation ultime, ce qui la ravit autant que cela la terrifie. Désormais, plus de faux-semblant : Tarantino allonge les séquences, multiplie les dialogues à clefs, restaure la linéarité et rétablit même l'identité de la Mariée. Cela donne un résultat un peu déséquilibré, au rythme nettement plus lent, au tempo chaotique, dont les points d'orgue sont évidemment le duel entre the Bride et Elle, dans l'espace confiné d'une caravane, (ajoutant encore à la virtuosité des plans et de la chorégraphie de Yuen Wo-Ping ); et le finale attendu. Et là, on est bluffé, car Bill a ce don de vous persuader de la légitimité de ses actes ignobles : son discours sur l'identité et les masques (qui ravira tout amateur de comic-books) permet de retarder l'inévitable. Carradine est ultra-charismatique et sa voix traînante est un régal en VO.

Les deux blu-rays en steelbooks sont des références. L'image offre un piqué saisissant, supérieur aux DVD, même le zone 2 qui avait la réputation d'offrir moins de compression  (c'est flagrant notamment dans la séquence finale chez Bill, baignée de tons chauds bien mis en valeur - il faut préciser que le DVD zone 2 a séparé ses bonus dans un second disque, contrairement au zone 1). Le contraste est excellent, comme on peut le remarquer dans la séquence où the Bride est dans son cercueil.
Le son, déjà très bon en VF 5.1 et en VO DTS, est remarquable (encore une fois, la séquence de l'enterrement, dans le noir, avec le bruit en off du cercueil traîné, puis jeté, puis enterré, est un régal de spatialisation et d'ambiance), bien qu'il faille parfois monter le volume au moment de certains dialogues, Carradine et Madsen ayant plutôt tendance à parler bas et de manière monocorde.

Les documentaires sont corrects mais il faut voir les scènes coupées qui renforcent encore la personnalité de Bill et en ajoute à sa mythologie.

 

Pris dans son ensemble, ce film en deux parties est monumental, une sorte de film de genre ultime et ultra-référencé qui pousse le luxe jusqu'à se placer comme référence lui-même alors qu'il n'est après tout qu'un exercice de style réjouissant et salvateur, quoique également ostentatoire : on a parfois l'impression derrière certaines séquences de sentir la présence d'un Tarantino tout fier de sa bonne blague. L'exercice pourrait être vain, agaçant ou même répugnant s'y on ne s'en tient qu'à la minceur du scénario et à l'ambition avouée, mais le plaisir qu'il procure efface (presque) tous les reproches.

 

 

 

Titre original

Kill Bill : volume 2

Réalisation 

Quentin Tarantino

Date de sortie

17 mai 2004 avec TFM Distribution

Scénario 

Quentin Tarantino & Uma Thurman

Distribution

Uma Thurman, David Carradine, Daryl Hannah, Gordon Liu & Michael Madsen

Photographie

Robert Richardson

Musique

RZA, Robert Rodriguez & Ennio Morricone

Support & durée

Blu-ray TF1 (2008) region B en 2.35:1 / 135 min

 

 

Synopsis : Après s'être débarrassée de ses anciennes collègues Vernita Green et O-Ren Ishii, la Mariée poursuit sa quête vengeresse. Il lui reste à régler le sort de Budd puis de Elle Driver avant d'atteindre le but ultime : tuer Bill.

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L
Un monument, avec 2 parties clairement distinctes mais qi forment un tout assez sidérant, un must !!!!
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V
C'est vrai, et pourtant on pouvait légitimement critiquer le choix d'en faire deux films.
V
Bah dis-donc, tu t'ennuyais pour revenir ainsi sur un vieux commentaire ? ;o) <br /> Ca me fait vachement plaisir néanmoins, ça fait vivre un peu plus ce blog.<br /> J'en profite pour répondre à ta question très pertinente : il ne faut pas oublier le contexte dans lequel le film est visionné. Au cinéma, je ne peux en général retranscrire que le ressenti, avec parfois quelques considérations un peu plus terre-à-terre (comment ne pas passer à côté des travellings monumentaux des Fils de l'Homme ? - je me répète, mais bon sang quelle claque ça a été ! ). C'est l'émotion qui vient en premier, celle qui fait que parfois, en sortant de la salle, on préfère se taire, et continuer à savourer. Ou juste écouter les autres. Ou au contraire, quand on a envie de partager, et que ça se bouscule, les mots, les idées se percutent tout au fond du cerveau et ne demandent qu'à s'exprimer. Prends l'exemple de Sunshine : ressenti = pas grand chose. Je meuble alors avec les pensées qui sont spontanément venues, nées de la colère ou de la frustration. Après certains films, comme la Passion, ou Nausicaä, the Fountain, la Science des rêves, je ne pouvais pas dire grand chose tant l'émotion m'étreignait. Passé un certain délai, on arrive à réagir de façon cohérente.<br /> Et puis il y a le revisionnage qu'apporte la sortie DVD, ou le passage sur Canal+. Là, forcément, l'émotion n'est plus intacte. La surprise étant passée, on peut se permettre d'être plus critique, c'est à dire d'être plus analyste - bien que, parfois, ce soit l'affectif qui parle. Sur un film comme le Meilleur, je ne peux pas être objectif et ne parviens pas à prendre du recul. Des oeuvres comme Excalibur déclenchent trop de passion en moi pour que je puisse tenir des propos froids et distanciés. Cependant, avec le temps, c'est possible.<br /> La première fois que j'ai vu Kill Bill, les échanges avec les copains et collègues tenaient plus de l'exclamation que du raisonnement.
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N
Sinon, je ne suis pas certain que le parallèle avec Ripley soit aussi évident. Ripley, à la base, c'est une femme "normale" confrontée à l'indicible. C'est l'horreur qui fait qu'elle se transcende. Pour la "mariée", c'est déjà une sacrée machine à tuer dès le départ, de la trempe d'un Wolvie ou d'un Punisher (ou plutôt d'une Elektra tiens, pour prendre un exemple féminin).<br /> Pai-Mei, ouais, il se fait avoir mais il est loin d'être pitoyable quand même. Le genre de petit vieux qu'on n'aimerait pas croiser le soir, tard, dans un monastère sombre (ouais, en même temps, c'est rare qu'on aille traînr le soir dans les monastères, j'admets).<br /> Quant à Yuen Woo Ping, je te suis sur sa virtuosité, je pense d'ailleurs que l'on ne réalise pas bien à quel point il pousse l'art du combat jusque dans ses derniers retranchements. Pour moi, il y a vraiment un avant et un après Yuen Woo Ping. Il a trempé dans un tas de films bidons mais qui ont compté (Drunken Master, Double Team, Il était une fois en Chine...) mais a surtout démontré son talent à l'occasion de trois gros succès très différents les uns des autres (ce qui montre ses capacités d'adaptation) :<br /> - Matrix : si l'on ne s'est pas intéressé au travail phénoménal des acteurs et à leur préparation, l'on ne peut comprendre à quel point Yuen a joué un rôle fondamental dans ce film (cette trilogie, pardon, j'en reste souvent au premier quand j'en parle). Les effets spéciaux, révolutionnaires, ont un peu occultés malheureusement son travail titanesque (et celui des acteurs, notamment lors des scènes avec filins).<br /> - Kill Bill : alliance de l'occident (flingues, "j'te rentre dedans" & technologie) et de l'asie (art du combat poussé jusqu'au paranormal), c'est le trait d'union entre l'échauffourée de cow-boys et la lutte raffinée de vrais guerriers.<br /> - Tigre et Dragon : il est encore là le bougre ! Mais plutôt que des combats farfelus, bruyants, un peu imperméables à nos sensibilités occidentales, nous avons droit ici, sous la bénédiction de Ang Lee, à la beauté surgissant de la laideur. La boucle est bouclée, comme un parfait équilibre entre Yin et Yang, entre la violence du coup et les subtils éléments nécessaires à son application. Le film en devient onirique sans jamais être ridicule. Il fait partie de ces rares et précieux moments diurnes où l'on peut ressentir le merveilleux avec la même joviale intensité que si l'on dormait à poings fermés. Mais attention, Tigre et Dragon n'est pas un film, c'est un miroir. Si le spectateur n'a rien à y faire refléter, il s'ennuiera, forcément.<br /> Je note sinon, encore une fois, que tu analyses parfaitement l'aspect technique (même des films !). J'aimerais bien voir ce que cela donne lorsque tu te laisses aller à l'histoire, sans aucune autre considération que le ressenti, lorsque l'on lâche prise et que l'on accepte la narration sans forcément garder une "main sur la rambarde". ;o)
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V
L'interprétation, certes, encore que je dirais plutôt le casting, qui est une réussite. Mais ce qui fait de ce film autre chose qu'une banale (et simpliste) histoire de vengeance, c'est la personnalité du réalisateur, qui en a fait le creuset de nombreux genres sans jamais les dévoyer ni sombrer dans la parodie.
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N
Excellent ce Kill Bill ! Mais là encore, Tarantino fait partie de ces réalisateurs qui déçoivent rarement. J'ai en tête Pulp Fiction et Reservoir Dogs bien sûr mais aussi l'injustement moins connu Jackie Brown.<br /> Pour en revenir à Kill Bill, c'est vrai que le scénario est mince, ce qui prouve qu'une histoire, pour qu'elle soit bonne, doit avant tout être bien racontée. Après tout, l'on peut toujours tout ramener aux mêmes bases (ici "on m'a fait du mal, je me venge") et c'est seulement l'interprétation qui fait que l'on regarde une oeuvre "nouvelle".
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