Quand je regarde l'écran, l'écran me regarde.
87 minutes de bonheur simple qui se communique par le biais d'une musique envoûtante et d'images émouvantes. Cette petite tranche de vie met en scène l'un des personnages préférés de ma fille (entre autres, car j'en connais qui, déjà adultes, rêvent encore de serrer dans leurs bras une peluche à l'effigie du gentil monstre, cet être archétypique aux attributs animaux variés, sorte de gros nounours bienveillant aux pouvoirs quasi-divins) et l'un des plus emblématiques du monde de l'animation.
Des notions chères à Miyazaki sont exploitées au travers d'un récit qui prend le contrepied des productions d'animation habituelles : peu de péripéties, pas de drame ni de romance. On va de découverte en découverte en suivant au jour le jour la vie à la campagne de deux sœurs peinées par la maladie de leur maman hospitalisée : ça pourrait en fait n'être que la trame d'une longue exposition avant un déroulement qui ne se fait pas.
Dit comme ça, c'est un peu faible comme pitch. Et pourtant, c'est riche, vivant, plein de bonnes intentions professées sincèrement, sans leçons de morale à la clef (ou à peine : la présence de la dame âgée - et donc l'irruption de la tradition ancestrae - vient ancrer le récit dans le réel). C'est avant tout profondément poétique, et un brin nostalgique : tout au long des fresques sublimes souffle un vent d'innocence sentant bon notre enfance oubliée. Cela dit, en amoureux (véritable passionné) de la belle mécanique, Hayao Miyazaki entame son film par une virée en vieux tacot : les cahots de la route répondent aux soubresauts de l'antique véhicule tandis que défile un paysage de verdure, des prairies et des rizières, une Nature à peine domestiquée. D'ailleurs, contrairement à Porco Rosso, cette dernière prend le pas sur la technologie, qui semble comme étouffée par sa majesté atavique et ses bienfaits tutélaires, à l'image de l'imposant camphrier qui domine la maison où vont donc s'installer les deux jeunes filles et leur père, lequel passe le plus clair de son temps à sa chaire universitaire. L'un des deux personnages principaux, Satsuki la grande sœur, est un peu l'archétype des héroïnes du gourou des studios Ghibli : raisonnable mais pleine de fougue, respectueuse mais curieuse, aimante et protectrice, décidée et volontaire, pas encore une adulte mais plus tout à fait une enfant. Assez proche de Chihiro, un peu moins âgée que Mononoké ou Nausicaä, elle est prête à tout pour retrouver sa sœur perdue et sait tenir la maison en l'absence de sa mère malade.
A présent que les présentations sont faites, place au rêve, à ces illusions qui ont baigné notre enfance, cette innocence qui se perd en grandissant. Seuls les enfants peuvent voir les créatures merveilleuses qui hantent les sous-bois, à moins d'avoir gardé un peu de cet esprit - comme la mère qui parvient presque à les distinguer à la fin... Un propos similaire au Pôle Express, mais une mise en images de laquelle sont exclus les effets tape-à-l’œil. C'est simplement beau, et spontanément touchant par l'évidente sincérité du propos.
Enfin, ce qu'il faut surtout en retenir, c'est cette poésie insouciante, ce petit morceau de magie et d'émotion, ce rêve éveillé qu'est le film. Fascinant, émouvant, peuplé de monstres adorables, depuis les Noireaudes jusqu'aux différents Totoros.
Totalement et radicalement magique, inégalé et précieux.
Titre original |
Tonari no Totoro |
Mise en scène |
Hayao Miyazaki |
Date de sortie |
28 août 2002 avec Buena Vista |
Scénario |
Hayao Miyazaki |
Distribution |
La voix de Dakota Fanning en VA ; les voix de Noriko Hidaka & Chika Sakamoto en VO |
Photographie |
|
Musique |
Joe Hisaishi |
Support & durée |
Blu-ray Ghibli (2013) region B en 1.85:1 / 87 min |
Synopsis : Deux petites filles viennent s'installer avec leur père dans une grande maison à la campagne afin de se rapprocher de l'hôpital ou séjourne leur mère. Elles vont découvrir l'existence de créatures merveilleuses, mais très discrètes, les totoros.
Mon voisin Totoro est l'œuvre la plus emblématique du studio Ghibli et de Miyazaki. Probablement le film qu'il faut conseiller à quelqu'un d'étranger au monde du dessin animé japonais. Elle est selon moi tout simplement inégalée. Une simplicité et une pureté totale. La pièce maîtresse de la carrière de ce réalisateur.
Une ode à l'enfance, à la nature, à la découverte.
Comment Miyazaki arrive-t-il à poser sur le papier la beauté et la complexité de la nature ? Ca me rappelle les esquisses du célèbre artiste Hokusaï, dont le but était de se rapprocher le plus possible de ce qui fait l'essence même de la vie et de la nature, grâce à des dessins au trait de plus en plus épuré mais sûr. Une sorte d'accomplissement.
Miyazaki, donc, nous épate une nouvelle fois. Il nous fait découvrir un monde à la fois proche de nous et finalement très éloigné. Le mystère n'est jamais loin et se cache dans les endroits les plus inattendus, la beauté se trouve dans une mare, derrière une haie ou dans un vieux grenier poussiéreux.
Il est intéressant de constater que le regard des enfants dans ce film est directement lié à la représentation de la nature environnante. La forêt est admirablement dessinée de manière "réaliste" mais lorsque les enfants y pénètrent, elle devient tout d'un coup plus luxuriante, à la manière d'une jungle légèrement fantasmée. Qui n'a pas imaginé vivre de grandes aventures étant gosse dans un tel lieu ? Une déformation de la réalité illustrant l'imagination des enfants. Grâce à ce procédé, le spectateur rentre instantanément dans le film. Il est comme scotché par une magie indicible, faisant surgir la beauté dans le quotidien. Totoro n'apparaît d'ailleurs qu'au bout d'un certain temps, je dirais presque à la moitié du film, et hormis faire pousser un arbre en une nuit, il ne fait pas grand chose de "surnaturel". Il a juste une présence rassurante.
Je retiendrais par exemple la scène de l'arrêt de bus. Un crapaud au bord de la route, un Totoro joueur et quelques gouttes d'eau qui tombent sur un parapluie. Situation loufoque dans laquelle est plongée la petite Satsuki tenant fermement sa sœur Meï sur ses épaules. Arrive le Chatbus et on en viendrait presque à trouver la séquence précédente totalement normale en comparaison.
La musique de Joe Hisaishi finit de faire de ce film un spectacle totalement envoûtant et inoubliable. Vous risquez de chantonner la musique des génériques pendant très longtemps suite au visionnage.
Les récents Disney (Lilo & Stitch) et Pixar (Toy Story 3) ont d'ailleurs démontré leur admiration pour ce film au travers de clins d'œil particulièrement savoureux.
Et surtout, trouvez moi tout simplement une personne qui n'a pas aimé le film.
Au moins deux éditions DVD existent en France (une simple et une agrémentée de storyboards et autres bonus tels que des bandes annonces). L'image de l'édition française est absolument splendide. Peu de défauts de compression, une définition très bonne (je l'ai vu au cinéma récemment et le DVD n'a pas à rougir c'est dire...). Une colorimétrie vraiment parfaite.
A dire vrai, cette édition ressemble énormément à la version japonaise, qui, cependant, propose le film entouré d'un cadre noir servant à ne pas rogner l'image sur un téléviseur à tube cathodique. La version japonaise montre le film dans des couleurs un peu moins flashy (l'orange et le rose sur les vêtements des deux filles) et plus naturelles. Mais la différence n'est pas flagrante.
Un son en Dolby digital 2.0 en VO et VF sur l'édition française. La VF est étonnamment plus ample que la VO. De toute manière les deux mixages se valent. Une belle clarté.
Le son de l'édition japonaise est sensiblement différent. Il est proposé en version anglaise et en VO en 2.0. La version originale est excellente, claire et large, meilleure que la VO de l'édition française (et n'est pas accélérée car en NTSC et non en Pal...). La VA est largement plus étriquée, et beaucoup moins puissante. Une curiosité cependant.
Les images du blu-ray Ghibli de 2013 sont évidemment propres bien que le master ne soit pas irréprochable. Les artefacts numériques qui apparaissaient dans le dernier chapitre du DVD simple ont quant à eux totalement disparu sur le support HD. La VF est étonnante, sans effet surround mais très claire.